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En Tunisie, les homosexuels encourent toujours la prison

En Tunisie, les homosexuels encourent toujours la prison

 

Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

 

Dans la Tunisie issue du « Printemps » de 2011, les homosexuels courent toujours le risque d’être envoyés derrière les barreaux. Un jeune Tunisien a été condamné, mardi 22 septembre, à un an de prison par le tribunal de première instance de Sousse, ville du littoral de l’Est, en application de l’article 230 du code pénal, qui réprime l’homosexualité.

« Révoltant et inhumain », s’insurge Badr Baabou, animateur de l’association Damj (« Inclusion ») militant pour la défense des droits des homosexuels en Tunisie. L’affaire pose une nouvelle fois la question de la criminalisation de l’homosexualité dans un pays qui s’enorgueillit d’incarner une transition démocratique exemplaire dans le monde arabe.

Un test anal imposé

Dans ce dossier de Sousse, tout a commencé par un homicide. Le 6 septembre, le jeune homme est arrêté car la police a découvert son contact dans le répertoire du portable de la victime. Interrogé sur ses liens avec cette dernière, il finit par avouer qu’ils avaient eu, dans le passé, une relation homosexuelle.

Dès lors, l’affaire change de nature. Le jeune homme est inculpé en vertu du fameux article 230 du code pénal. Et pour disposer d’un élément à charge, le juge ordonne un test anal. « Mon client avait refusé, cela lui a été imposé », s’indigne Fadoua Braham, l’avocate du jeune homme. « Il a été brutalisé pour rendre possible ce test, ajoute Badr Baabou. Cela s’apparente à de la torture. On a porté atteinte à son intégrité morale et physique. »

« La cage aux lions »

Plus de quatre ans et demi après la révolution de 2011, les homosexuels évoluent dans un environnement physique et juridique toujours lourd de menaces. L’article 230 du code pénal, hérité du protectorat français, n’en finit pas de peser sur eux, tel une épée de Damoclès. Selon Badr Baabou, entre 60 et 70 homosexuels seraient condamnés chaque année à des peines d’emprisonnement oscillant entre six mois et trois ans (le maximum prévu par la loi).

Dans les prisons de Sousse ou de Tunis, on leur rase le crâne et on les concentre dans une cellule spéciale appelée péjorativement « la cage aux lions ». L’intolérance à leur endroit continue de travailler la société. Depuis 2011, une quinzaine de meurtres à caractère homophobe ont été enregistrés, selon un décompte réalisé par les militants des droits homosexuels.

Demandes d’abrogation de l’article 230

Dans ce climat hostile, une mouvance de soutien s’efforce difficilement de se structurer. Des associations sont apparues. Damj, le groupe de Badr Baabou, est la première à avoir été légalisée en Tunisie. C’était durant l’été 2011 dans la ferveur postrévolutionnaire. Elle a été suivie par Mawjoudin (« Nous existons ») puis Shams.

Les lesbiennes, bisexuelles et transgenres se sont, elles, regroupées dans l’association Chouf (« Regarde ») Minorités. À des fins de discrétion, le combat recourt le plus souvent à des euphémismes. Le terme « droits des minorités » est ainsi généralement préféré à celui de « droits des homosexuels ».

Ces militants associatifs multiplient les démarches auprès de la classe politique, et notamment les libéraux et démocrates issus du Printemps de 2011, afin d’abroger l’article 230 du code pénal. Ils disposent d’un argument de poids : ce texte viole en l’occurrence l’article 24 de la Constitution qui garantit la « protection de la vie privée ». En vain pour l’instant. « Ils nous expliquent toujours que ce n’est pas le moment, déplore Badr Baabou. Mais cela ne sera jamais le moment ! ». « Nos élites font preuve de lâcheté, regrette l’avocate Fadoua Braham. Elles ont peur d’affronter la société et la religion sur cette question. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/09/25/en-tunisie-les-homosexu...

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