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Israël ne tire pas, Par Stéphane Juffa

Une batterie de Dôme de fer en position à l’orée de Be’er Sheva Efficaces, mais pas encore assez nombreuses

 

Israël ne tire pas (info # 012108/11) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

Depuis hier, et en dépit de l’attaque aux conséquences dramatiques sur Be’er Sheva, Tsahal n’a mené aucune opération majeure contre les milices djihadistes de Gaza. La décision de cesser momentanément les ripostes a été prise par le cabinet sécuritaire restreint, qui s’est réuni cette nuit jusqu’à trois heures du matin, et qui siège, presque sans discontinuer, depuis ce matin, dans les bureaux du 1er ministre à Tel-Aviv.

Ce choix surprend et irrite la population israélienne, et, plus particulièrement, le million d’individus soumis aux projectiles ennemis dans une vaste portion sud du pays. Certains députés appartenant à la majorité parlementaire ont joint leurs critiques de cette politique de retenue à celles de l’opposition, qui ne cesse de prôner la fermeté dans la crise actuelle.

D’anciens hauts responsables sécuritaires, s’exprimant sur les media audiovisuels, pressent le gouvernement de reprendre l’initiative sur le plan militaire. Tous défendent la doctrine stratégique, selon laquelle les organisations terroristes islamistes n’entendent que la voix de la force, la seule à même de faire stopper les attaques de roquettes contre les civils hébreux, innocents de tout crime.

Dans le même temps, les miliciens de Gaza poursuivent unilatéralement leurs agressions. Depuis ce matin, en plus des tirs de mortiers et de Katiouchas épars, huit Grad se sont abattus sur Be’er Sheva et Ashkelon. Dans cette dernière cité, les fusées ont explosé dans la région des plages inhabitées, qui ne sont pas défendues par les batteries du Dôme de fer.

De mémoire d’Israéliens, c’est la première fois que les politiques ne réagissent pas militairement tandis que leurs concitoyens subissent les attaques meurtrières d’un quelconque adversaire.

 

Au-delà de l’incompréhension face à cette attitude, il est de notre ressort de tenter d’expliquer le choix tactique de Benyamin Netanyahu et de ses ministres ; il est tout d’abord dicté par une réalité stratégique fondamentale, qui impose un choix binaire à l’exécutif israélien. L’une des deux alternatives consiste à rechercher une issue diplomatique pour mettre un terme aux affrontements ; l’autre, à engager l’armée dans une opération de grande envergure, dont la finalité ne peut être que le renversement du califat islamique régnant sur Gaza, et la réoccupation de la Bande.

Car, à bien y regarder, en s’abstenant de prendre en compte les éléments émotionnels, la troisième voie, se résumant à infliger des dégâts importants, par les airs, aux infrastructures militaires des djihadistes, et en s’en prenant aux responsables politiques et aux chefs des milices, ne représente pas une réponse satisfaisante à la situation actuelle.

Faute de les anéantir, en effet, on s’orienterait vers une guerre d’usure avec les organisations djihadistes de la Bande ; et ces dernières disposent d’une dizaine de milliers de roquettes de tous calibres, qui continueraient à tomber, par intermittence, sur les habitants du sud d’Israël. Or l’Etat hébreu n’a aucun intérêt à se laisser entraîner dans une dynamique d’agressions et de ripostes sur le long terme, qui rendrait insupportable la vie ainsi que les activités économiques des compatriotes de Be’er Sheva, Ashdod, Ashkelon, Yavné, et ceux du pourtour immédiat de Gaza.

Dans ces conditions, la tentation est grande "d’en finir une fois pour toutes" avec le régime du Hamastan. Reste à savoir si l’option de se débarrasser d’Hanya et de ses partisans existe réellement, ou si elle n’est qu’une utopique vue de l’esprit. Il suffit, pour trancher, de considérer que la réoccupation de Gaza nécessiterait le positionnement permanent d’environ 10 000 hommes dans la bande côtière, ce qui rafraîchit instantanément les enthousiasmes.

L’option B n’est donc pas une panacée affriolante, mais un pis-aller douloureux, et il est salutaire de conserver ce paramètre à l’esprit. Reste que les décideurs israéliens risquent d’être contraints d’opter pour cette solution extrême, si l’arrêt des tirs de roquettes n’intervenait pas très rapidement.

Ce, car dans un délai de 24 heures tout au plus, la pression domestique deviendra intenable pour l’équipe au pouvoir. De plus, la réflexion en cours a pour but d’assurer la sécurité du Sud. Or si les agressions se poursuivent, c’est le pire des scénarios qui prévaudra, celui, précisément, que l’on s’emploie à éviter.

Avant de se demander s’il existe des alternatives à la réoccupation de Gaza, encore devons-nous intégrer un considérant supplémentaire et non des moindres : le déclenchement d’un conflit global à Gaza participerait précisément de la finalité stratégique des instigateurs des attaques de jeudi à Eilat. Les Iraniens et les Frères Musulmans d’Egypte rêvent, en effet, d’un bain de sang photogénique à Gaza ; les images savamment sélectionnées des victimes collatérales d’une offensive israélienne serviraient idéalement leur agenda politique.

Au moment où l’on discutera de la création d’un Etat palestinien à Manhattan, dans quelques jours, l’exploitation cynique de l’hémoglobine d’innocents, servilement véhiculée par des media occidentaux antijuifs, comme en 2008-2009, pourrait artificiellement transformer la question de l’opportunité de la fondation de la Palestine à l’ONU, en "priorité humanitaire incontournable, destinée à assurer la survie des Gazaouis".

Avec, comme on peut aisément l’imaginer, un bonus exceptionnel à la clé pour les organisations djihadistes, qui apparaitraient, dans tout le monde arabe, tels "ceux qui agissent contre l’ennemi sioniste, au contraire de l’Autorité Palestinienne, qui se laisse anesthésier par des négociations immatérielles et donc vouées à l’échec".

Un conflit majeur entre Israël et le Hamas aurait également des répercussions favorables pour les Frères Musulmans en Egypte, qui, à la veille des élections générales prévues cet automne, passeraient, sur les bords du Nil, pour le courant "soutenant les intérêts des musulmans face à l’agression des nations judéo-chrétiennes".

De plus, le monde aurait vite fait d’oublier les victimes de Be’er Sheva, pour lesquelles il ne fait déjà pas grand cas. D’où le danger de l’erreur stratégique ultrabasique : on ne part pas en guerre suite à la provocation d’un ennemi, on ne déclenche pas un conflit quand il répond aux priorités de son adversaire.

La seule raison pour laquelle une nation s’engage dans une guerre, c’est lorsque, après avoir épuisé toutes les autres solutions non-violentes, ses dirigeants parviennent à la conclusion qu’une confrontation armée est nécessaire afin d’assurer la sécurité de ses citoyens, ou afin d’obtenir un avantage politique revêtant un intérêt vital.

L’action des Comités de résistance populaires à Eilat ne répond, évidemment, à aucun de ces critères ; aux responsables israéliens de ne pas reproduire l’erreur d’Ehud Olmert, en 2006, face au Hezbollah. Car à poursuivre un objectif qu’on ne s’est pas fixé, on n’a aucune chance de le réaliser.

En ce qui concerne Gaza, toutefois, la fonctionnalité d’un conflit se discute. Elle émane d’une constance stratégique : l’Etat hébreu peut-il tolérer l’existence d’une entité hostile et armée aux portes de Tel-Aviv ?

Je viens d’évoquer la règle d’or voulant qu’on épuise toutes les solutions non-violentes préalablement au déclenchement d’une guerre ; c’est probablement ce à quoi s’essayent les dirigeants israéliens. Ils agissent sur la base d’une proposition américaine et égyptienne, consistant à cesser les premiers les activités militaires à Gaza, pour donner au Hamas l’opportunité de mettre un terme à ses tirs de roquettes, ainsi qu’à ceux des autres organisations djihadistes opérant depuis Gaza.

Il y a peu de gloire, pour un 1er ministre du Likoud, à négocier, même indirectement, avec Hanya et Mashal, mais cela demeure objectivement plus avantageux que de tomber dans le piège tendu par Ahmadinejad et les Frères Musulmans.

En outre, Jérusalem a défini ce dimanche minuit comme délai butoir après lequel elle laisserait parler ses canons, au cas où ceux d’en face continueraient à tirer. Et, comme tout le monde en a conscience, si l’Etat hébreu a décidé de geler momentanément ses ripostes, ce n’est pas qu’il soit à court de moyens ou d’idées.

Ce qui a encouragé Netanyahu et ses ministres, est le contenu d’un rapport de leurs services de renseignement, confirmant que le Hamas a joué un rôle négligeable lors de ce round de confrontations, et qu’il n’a effectivement pas participé aux assassinats collectifs d’Eilat.

Il demeure que le Hamas est l’organisation qui a pris le pouvoir dans la Bande à l’issue d’un putsch, et qu’il est dès lors responsable des agressions partant du territoire qu’il prétend contrôler. Mais le Hamas, qui tient à son os et à sa survie, envoie des messages à Netanyahu et Barak, affirmant qu’il n’est pas intéressé par une confrontation, et qu’il s’efforce de ramener à la raison les artilleurs du Djihad islamique et des Comités de résistance.

Donner une chance au Hamas d’établir sa bonne foi implique, jusqu’à l’expiration de l’ultimatum, de ne pas neutraliser ses chefs, dont le sadique Ahmed Jabari, le chef de sa branche armée. Parce qu’il faut suivre un raisonnement logique : si on compte sur le Hamas pour rétablir le calme, il a besoin de ses généraux pour y parvenir.

Même si une nouvelle tadyah (trêve) est conclue avec l’organisation de la résistance islamique, (harakat al-muqawama al-islamiya), cela ne solutionnera pas le problème stratégique à terme. Certes, mais cela permettrait de traverser plus sereinement la période des discussions de septembre à l’ONU, et de confectionner six batteries supplémentaires de Dômes de fer d’ici la fin de l’année.

Ca n’est pas négligeable, mais cela équivaut à repousser l’échéance de la grande confrontation inévitable à un moment plus propice ; un moment où c’est Jérusalem qui aura décidé de prendre les devants, et qui se sera préparée en conséquence.

Il existe toutefois une autre issue à ce problème apparemment insoluble. Sami m’en entretenait pas plus tard que cet après-midi ; elle consiste en une opération conjointe Israël-Autorité Palestinienne à Gaza. Ramallah est presque mûre pour cette éventualité selon notre camarade palestinien, qui tient une liste de dirigeants de l’OLP l’ayant évoquée avec lui. A la place de réoccuper la Bande, Tsahal confierait son contrôle à l’AP, tout en la soutenant, avec l’aide des puissances occidentales, durant les premiers mois.

Cette solution comporte bien des avantages, le plus évident d’entre eux étant qu’elle représente l’unique opportunité de déloger les djihadistes. Ensuite, elle est le contre-plan des Iraniens et des Frères Musulmans : elle réduirait à néant l’influence de Téhéran sur le flanc sud de l’Etat hébreu, et imposerait un régime non-islamiste à la frontière égyptienne, occasionnant un cinglant revers pour les Frères du Caire.

De plus, elle assurerait un calme sécuritaire durable pour les habitants du sud d’Israël, comparable à celui qui prévaut en Cisjordanie, l’AP ayant abandonné le projet de recours à la violence.

Elle marquerait également les esprits, fondant une coopération militaire au grand jour entre l’Etat hébreu et l’OLP ; une sorte d’alliance de sang, d’un type difficilement délébile.

Et tous les spécialistes savent pertinemment que l’Etat palestinien ne pourra véritablement voir le jour tant qu’il existera deux entités palestiniennes entre la mer et le Jourdain, ce, quelles que soient les décisions des ronds de cuir à l’ONU. Pour Abbas et Fayyad, cette option est infiniment plus favorable qu’un forcing diplomatique à New York, qui ne fera que repousser aux calendes grecques l’établissement de l’Etat qu’ils convoitent.

En plus du courage qui manque à la direction de l’AP pour réaliser cet acte de maturité incontournable dans la réalisation de son projet, l’autre écueil se situe au sein de la coalition gouvernementale aux affaires à Jérusalem, qui comprend, aussi bien que nous, que ce plan conduit irrémédiablement à la création de la Palestine, et qui n’en veut pas.

L’embarras de Netanyahu et de Libermann est que le million trois cent mille Palestiniens vivant à Gaza ne va pas s’évaporer spontanément par la volonté du saint esprit ; et que, tant qu’ils existeront, et tant qu’ils seront dirigés par des djihadistes, Israël ne connaîtra pas la paix.

Entre deux maux, le choix est effectivement malaisé, mais l’inertie et le manque de projet politique de Netanyahu ne contiennent pas l’esquisse de la moindre solution. Faute d’initiative audacieuse dans ce domaine, ça n’est qu’une affaire de quelques mois avant qu’il ne faille, à nouveau, imposer aux habitants de Be’er Sheva de se recroqueviller dans les abris et d’enterrer leur morts dans l’attente d’une issue improbable.

Faute de clairvoyance, et de talent d’hommes d’Etat, les Hébreux vont bientôt se retrouver, une fois de plus, devant un dilemme aboutissant, dans tous les cas, à une impasse ; et les Palestiniens de Ramallah, à promouvoir des initiatives chimériques qui les éloignent, en fait, de leur terre promise.

Et les rumeurs courant, ce soir, sur l’éventuelle acceptation d’une tadyah par les islamistes de Gaza ne changent rien à rien quant au fond. La tadyah, qu’elle tienne ou qu’elle explose mort-née, étant, par définition coranique, un cessez-le-feu par opportunité, dans l’attente de pouvoir reprendre les hostilités sous de meilleurs auspices.

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