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L’Allemagne compte de plus en plus de Juifs

 

L'Allemagne compte de plus en plus de Juifs

Charles Szlakmann

De toutes les diasporas, l’Allemagne est aujourd’hui le seul pays où la communauté juive est en croissance.

Quel paradoxe ! De 30 000 Juifs dans les années 1960, l'Allemagne compterait désormais 200 000 membres, selon les estimations. En majorité, il s’agit de ressortissants de l’ex-Urss, dont l’installation a été favorisée par le gouvernement allemand, inquiet du déclin démographique. Les manifestations culturelles – klezmer, théâtre yiddish, expositions - battent leur plein.

Mais le cultuel est également présent : les synagogues fleurissent dans toute l’Allemagne, même si la plupart des Juifs, comme partout ailleurs, ne les fréquentent pas régulièrement. Tous les courants du judaïsme religieux y sont représentés. A Heidelberg par exemple, à côté de la synagogue orthodoxe, coexistent un groupe libéral et une petite communauté conservative – ce courant se situant entre orthodoxie et libéralisme.

A Berlin, la célèbre Neue Synagoge de la rue Oranienburg à la chatoyante façade néo-mauresque est à nouveau en fonction. Les offices sont animés par un public jeune et enthousiaste, sous la houlette d’une femme-rabbin. On y rencontre des Allemands judaïsants, des enfants de citoyens israéliens revenus dans leur pays d’origine pour y percevoir les réparations , ou encore des personnes en quête identitaire, comme cet étudiant en philosophie, descendant d’une illustre famille de conseillers du chancelier Bismarck .

En réalité, la coexistence entre les diverses obédiences du judaïsme est souvent houleuse voire conflictuelle, compte tenu des enjeux financiers : en Allemagne, les cultes et l’Etat sont partenaires, et les communautés juives en particulier reçoivent une aide substantielle.

Le rabbin de la Bundeswehr

Cette renaissance est favorisée par l’intérêt que manifestent les Allemands pour le passé juif bimillénaire de leur pays. Partout, des passionnés, bénévoles ou professionnels, associations catholiques ou protestantes, historiens amateurs ou chercheurs, enseignants ou lycéens, s’efforcent de remettre en état l’immense patrimoine architectural juif (rappelons que l’Allemagne comptait plus d’un demi-million de Juifs dans l’entre-deux-guerres, soit deux fois plus que le judaïsme français).

A Mühlhausen en Thuringe, le pasteur a restauré la synagogue du XIXème siècle, il y organise expositions et concerts et a rédigé une savante monographie. A Erfurt, la jeune Frau Doktor Maria Sturzebecher supervise la restauration de la synagogue médiévale, élégant bâtiment gothique aux fenêtres ogivales – sans doute la plus ancienne synagogue d’Europe. L’édifice abrite un musée, lequel reçoit cent-mille visiteurs par an. On peut y admirer un trésor qui appartenait sans doute à Kalman ou Kalonymos, un marchand juif qui avait tenté d’échapper au terrible pogrom de 1349. Les vitrines renferment également des manuscrits du Pentateuque aux élégantes calligraphies et micrographies hébraïques, sans doute uniques au monde par leur beauté.

Plus au sud à Creglingen, jolie petite bourgade du Bade-Wurtemberg, voici un autre musée juif, à la généalogie tout aussi tragique. Il est installé dans l’ancienne demeure de Hermann Stern, conseiller municipal, battu à mort le 25 mars 1933 par une horde de SA. Il avait soixante-sept ans. Pour certains historiens, Hermann Stern fut le premier assassiné du régime nazi.

Quant au musée juif de Berlin, il ne désemplit pas. On y croise des touristes bien sûr, mais aussi des groupes d’écoliers, des lycéens…et des escouades de policiers en tenue écoutant avec un sérieux tout germanique les explications d’un guide érudit. Le plus célèbre cabaret alternatif de la capitale s’appelle le Tacheles, mot hébreu signifiant « allons droit au fait ! »

Berlin serait-elle la nouvelle Jérusalem, comme l’écrivait il y a peu Benny Ziffer, le très provocateur billettiste du journal Haaretz ? Des soldats juifs servent aujourd’hui dans l’armée allemande. Le rabbin Walter Homolka, fondateur du séminaire rabbinique libéral de Berlin, affiche sur son site sa photo en tenue léopard d’officier de la Bundeswehr. Assiste-t-on à la renaissance de ce judéo-germanisme, autrefois si fécond -durement moqué par Gershom Scholem- et disparu dans la fumée des crématoires ? Au spectacle de cette renaissance, on hésite entre étonnement, perplexité, malaise parfois, mais le plus souvent, espoir.

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