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L’AMBIGUÏTÉ DE LA TUNISIE VIS-À-VIS DES JUIFS Par Jacques BENILLOUCHE

L’AMBIGUÏTÉ DE LA TUNISIE VIS-À-VIS DES JUIFS

 
 
L’AMBIGUÏTÉ DE LA TUNISIE VIS-À-VIS DES JUIFS
 
Par Jacques BENILLOUCHE
 
copyright © Temps et Contretemps
 
              

          Les autorités tunisiennes n’ont pas réussi à stabiliser leur position vis-à-vis des Juifs, feignant ainsi d’ignorer leur attachement indéfectible à l’État d’Israël. Vouloir escamoter ce lien démontre la difficulté d’une attitude ambiguë cherchant d’une part, à s’attirer les bonnes grâces d’une communauté qui s’est exilée en France et en Israël mais d’autre part, à combattre le sionisme à travers une idéologie islamiste anachronique.

 
 

Plus royalistes que le roi
 
 
            Les Tunisiens devraient cesser d’être plus royalistes que le roi en appuyant aveuglément, et plus que de raison, la politique palestinienne au-delà de la propre attitude de l’Égypte, leader du monde arabe. Ils n’ont jamais tiré un seul bénéfice de cet activisme outrancier qui leur a plutôt fermé les portes de la communauté américaine. Ils se sont tiré une balle dans le pied, le 9 mars, lorsqu’ils ont interdit à 20 touristes israéliens de descendre au port de La Goulette d’un bateau de croisière norvégien. 
       La sanction a été immédiate puisque les Norvégiens ont supprimé l’escale tunisienne pour tous leurs bateaux, privant ainsi les souks de Tunis de la manne financière apportée par des milliers de touristes. En pleine crise économique, la Tunisie aurait dû s’y prendre à deux fois avant de prendre une décision excessive qui s’assimile véritablement à de l’apartheid.
 
Les autorités ont compris tardivement l’impact de cette décision sur le pèlerinage annuel juif de la Ghriba de Djerba, qui aura lieu du 13 au 18 mai 2014, avec une célébration qui connaîtra son apogée le 18 mai avec la traditionnelle procession juive. Des milliers de juifs originaires de Tunis ont l’habitude de retrouver leurs racines pendant l’espace d’une semaine. La coutume veut que les Musulmans et les Chrétiens soient associés aux fidèles juifs car il s’agit d’un jour de fête, célébré 33 jours après la pâque juive, Pessah, mettant fin à une longue période de deuil. 
La Hiloula de la Ghriba, coutume juive consistant à se rendre sur les tombeaux des grands Justes, est l’occasion de la célébration du grand rabbin Shimon Bar Yohaï qui fut persécuté au deuxième siècle et qui fut un exégète de la Kabbale et du Zohar. Un autre rabbin kabbaliste  Meir Baal Haness est aussi célébré à cette même période.
Meir  Baal Haness
 
Charters d’El Al
 
            Il fut un temps pas très lointain, durant la gouvernance de Ben Ali, où des charters affrétés par El Al déversaient une partie des 60.000 Israéliens originaires de Tunisie, vivants en Israël. La révolution islamiste tunisienne a semé quelques inquiétudes puisque les pèlerinages de 2011, 2012 et 2013 sont presque passés inaperçus parce que les Juifs les ont boudés pour des raisons sécuritaires et idéologiques. L’incident du paquebot norvégien et les attaques systématiques des islamistes tunisiens au pouvoir contre l’État d’Israël mettent encore en danger la célébration de cette année.
 
Le ministère tunisien des affaires religieuses s’est rendu compte du risque puisqu’il a cherché à corriger sa maladresse en allouant un budget de dix mille dinars (4.600 euros) pour la restauration, le réaménagement et la maintenance de la synagogue de la Ghriba ; une goutte d’eau par rapport à l’offrande annuelle des pèlerins juifs à la synagogue. Mais c’est un geste symbolique pour s’attirer les faveurs des vacanciers qui risquent de bouder cette année encore le pèlerinage et pour réconforter les Juifs de Djerba, inquiets de l’arrivée au pouvoir des islamistes.
Yeshiva de Djerba
 
Rien pourtant n’a changé dans le quartier de Houmt Souk où la plus ancienne communauté juive de Tunisie, qui a trouvé refuge après la destruction du Temple de Jérusalem en 587 avant notre ère, entretient toujours la yeshiva, école talmudique,  pour des jeunes ayant un regard furtif vers Israël. La communauté n’a pas oublié l’appel à exterminer les Juifs lancé par le premier ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh, à l’occasion de sa visite en Tunisie en 2012. Il a été relayé avec zèle par certains imams dont les prêches haineux ont été diffusés par la télévision.
 
Posture de dhimmi
 
Dhimmi dans les pays arabes
 
 
Perez Trabelsi, représentant de la communauté juive à Djerba et organisateur des festivités, fidèle à sa posture de dhimmi, a lancé un appel auprès des Juifs en utilisant un argument usé et dépassé : «la communauté juive vit en paix et en harmonie avec les Musulmans tunisiens» sans cependant soulever les raisons de la peur qui règne dans les esprits. Mais le problème ne concerne pas la population locale mais ceux, parmi les 120.000 Juifs habitants la Tunisie en 1950, qui ont quitté le pays depuis l'indépendance ainsi que tous les autres Israéliens, d'origine tunisienne ou non. Il ne peut y avoir deux catégories de Juifs. 
Amel Karboul
 
La ministre du Tourisme Amel Karboul s’est aussi exprimée en reconnaissant que le nombre de Juifs à faire le pèlerinage à Djerba s’est fortement contracté après la révolution. Le président Moncef Marzouki a également compris qu’il devait soutenir la communauté juive de Tunisie. Lors d’une visite, le 16 mars, à une exposition sur les synagogues à La Goulette, il a déclaré que la communauté juive de Tunisie était «une composante essentielle de la diversité culturelle du pays. La Tunisie est fière de ses enfants juifs». Mais il s'adressait aux 1.200 Juifs, en majorité des vieillards, qui ont choisi de rester en Tunisie sans un mot pour ceux qui ont choisi de vivre en Israël.
            Cependant la Tunisie ne peut souffler le froid et le chaud en fustigeant Israël au moment où plusieurs formations politiques tunisiennes ont appelé à «criminaliser» la normalisation avec l’État d’Israël et à «mettre un terme» aux relations avec lui sur tous les plans. C’est cette ambigüité qui a poussé la moitié les Juifs de Tunisie à émigrer à l’avènement de l’indépendance tunisienne et à l’autre moitié de s’exiler au lendemain de l’incendie de la grande synagogue de Tunis en 1967. La population juive a complètement disparu.
 

Aujourd’hui l’appel aux Juifs de renouer avec leur pays natal risque de sonner creux car il semble intéressé financièrement, artificiel, dénué de tout sens politique et très éloigné du postulat que les Juifs, faisant partie intégrante du peuple israélien, considèrent toute atteinte à cette entité comme un casus belli.  Il ne peut y avoir deux types de Juifs, les Israéliens et les autres. 
Si les Tunisiens veulent accueillir les Juifs, ils doivent le faire sans distinction et permettre l’entrée sur leur sol à tous ceux qui détiennent un passeport israélien. Si nous, Israéliens, ne sommes pas les bienvenus en Tunisie, alors nous pouvons choisir d’autres destinations plus accueillantes. Les Juifs ne peuvent pas être les vaches à lait d’une économie exsangue et ensuite être voués aux gémonies en dehors de la saison de la Ghriba. 
Une publicité à laquelle nous devons dire NON
Tant que la position tunisienne ne sera pas clarifiée vis-à-vis d’Israël, les Juifs doivent ignorer le pèlerinage de Djerba par solidarité avec les Israéliens et ne pas céder au chant des sirènes qui ne dure que le temps d'un pèlerinage. 
 
http://benillouche.blogspot.com/2014/04/lambiguite-de-la-tunisie-vis-vis-des.html?spref=fb

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