Les fondements du discours anti-occidental, par David Bensoussan
Pourquoi l'Occident, et plus particulièrement les États-Unis, sont-ils si impopulaires dans certains pays du tiers-monde et plus particulièrement dans des pays arabo-musulmans? Plusieurs facteurs contribuent à renforcer cette impopularité: les contradictions de la politique américaine, une vision de l'islam qui ne fait pas de distinction entre le théologique-religieux et le politique, les perceptions erronées de la démocratie, l'héritage colonial - bien qu'il soit révolu - et la couverture médiatique des évènements.
De l'admiration au dénigrement
L'American way of life avait représenté pour le monde entier un parangon de bonheur au lendemain de la Seconde Guerre mondiale: les images souriantes hollywoodiennes combinées à la richesse et l'avancée technologique américaines ont fait rêver. Des pays du tiers-monde ont cherché à émuler l'Occident sans toujours y réussir. C'est le cas notamment de certaines sociétés traditionnelles arabo-musulmanes qui éprouvent de grandes difficultés à s'adapter à la vie moderne et se replient sur la religion. Par ailleurs, un courant de gauche dogmatique a émis des réserves en regard de la suprématie politique et économique des États-Unis. Et il n'est pas inhabituel de constater qu'au sein de la gauche ou de ces sociétés, l'on prête volontairement l'oreille à des théories conspirationnistes voyant la main de la CIA partout.
Les contradictions de la politique américaine
Les motivations réelles de la politique des États-Unis ne sont pas toujours faciles à discerner: intérêts économiques ou géopolitiques, promotion de la liberté, ou même erreurs de parcours. L'omnipuissante Amérique peut sembler inconsistante. Elle fait la promotion de la démocratie, mais soutient des régimes autocratiques pour des raisons de realpolitik. Les États-Unis ont participé à l'attaque contre le régime du président libyen Kadhafi, mais ont refusé de s'engager fermement en Syrie. Mû par des idéaux démocratiques, le président Obama a appuyé le régime des Frères musulmans vainqueur des élections en Égypte, après avoir critiqué sans relâche le président sortant Moubarak. Il n'a formulé aucune critique envers l'Arabie saoudite ou le Bahreïn ou même les autres pays du Golfe, clientélisme oblige: ces pays se procurent des armes américaines par dizaines de milliards de dollars.
La perception de la démocratie
L'islam est une religion qui touche à toutes les dimensions de la vie privée et publique. L'émancipation de la femme, le droit à la libre opinion et la vie moderne et démocratique créent au sein de certaines sociétés musulmanes traditionnelles des tensions qu'il est parfois difficile d'assumer et qui peuvent pousser à des extrêmes. La liberté et les droits individuels prévalant en Occident sont parfois assimilés à la débauche. L'on assiste parfois à un repli sur l'application pure et simple de la loi islamique, la charia, qui est à l'antipode des valeurs démocratiques et laïques. Bien des pays musulmans ont recours à une police des mœurs qui s'en prend aux femmes non ou partiellement voilées ou encore à ceux qui transgressent le jeûne du ramadan. Cela peut aller jusqu'à la dérive des radicaux islamistes qui nourrissent leurs ouailles de discours alarmants sur l'islamophobie ou sur la rhétorique du retour des croisés et qui militent pour un djihadisme apocalyptique.
L'héritage colonial
Les empires coloniaux n'existent plus. Longtemps, les pays du tiers-monde ont imputé leurs déboires au colonialisme du passé. Cet argument qui a été rabâché à saturation voile les carences endogènes de ces pays. Les richesses du tiers-monde constituent un potentiel extraordinaire. Mais la denrée la plus exportée est celle des ressources humaines. Faute de n'avoir pu créer une société civile où il fait bon vivre et d'y pouvoir évoluer dans la dignité, bien des élites du tiers-monde choisissent d'émigrer en Occident.
«L'Occident est le bouc émissaire des frustrations du tiers-monde et plus particulièrement de certains courants arabo-musulmans qui refusent de reconnaître et de surmonter leurs propres déficiences.»
La dérive médiatique
Les médias rapportent les déclarations excessives des radicaux de l'islam et tendent à leur trouver des causes justificatives exogènes qui alimentent ces radicaux de l'islam et omettent ceux des modérés qui militent pour une autoémancipation endogène. La pensée libérale prend parti pour le faible contre le fort, omettant la nécessité de préciser que des droits de tout un chacun s'acquièrent aussi avec des devoirs. Or, les préceptes du Lévitique 19-18 «tu aimeras ton prochain comme toi-même» ou de St-Jean (I, 3-15) «celui qui hait son prochain est un assassin» constituent des pierres angulaires de la morale judéo-chrétienne.
Trop souvent, des préceptes islamiques similaires s'égarent dans les discours des religieux qui mettent en exergue les versets terribles du Coran et la voix des modérés de l'islam est difficile à entendre et est absente de la couverture médiatique. Le président égyptien Sissi a déclaré à l'institut islamique d'Al Azhar qu'il était grand temps de mettre fin aux diatribes insensées contre les non-musulmans tenues par des prêcheurs islamiques, mais son propos n'a pas eu le retentissement qu'il mérite. La vision médiatique stéréotypée ne retient que ce qui cadre avec son interprétation simpliste des tensions sociétales.
L'Occident est le bouc émissaire des frustrations du tiers-monde et plus particulièrement de certains courants arabo-musulmans qui refusent de reconnaître et de surmonter leurs propres déficiences. La couverture médiatique qui donne facilement la parole aux radicaux pour faire augmenter les cotes d'écoute néglige habituellement la voix des modérés qui, bien que faible, mérite d'être entendue.
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