Pour en finir avec les législatives en Israel – B. Lachkar
Apres plus d’un an de campagne, le premier tour des législatives françaises en Israel s’est enfin déroulé et les résultats sont riches d’enseignements. Cette élection était une fantastique opportunité d’étude, puisqu’elles se déroulaient à la fois pour la première fois, sans cadre de référence, et sans le moindre sondage réel qui aurait permis de donner une idée de la situation. C’etait donc une sorte de cadeau révé pour un analyste politique qui ne pouvait se baser que sur ses capacités de réflexion et sa lecture du terrain.
Voila ce que je disais depuis le début:
- Bien que les Francais d’Israel représentent 56% des inscrits, l’election se jouera hors d’Israel car le taux de participation en Israel est faible.
- Dans ces conditions, un candidat qui ne fait campagne qu’en Israel n’avait aucune chance.
- La division entre les candidats dits “Pro-Israel” jouerait en faveur d’autres moins sionistes.
Mes prévisions chiffrées sur Israel pour ce premier tour étaient: une participation de 15%, et une répartition du vote de l’ordre de 40% pour Karsenty, 30% pour Taieb, 15% pour Poznanski, 10% pour Hoffenberg et 5% pour le reste. Je voyais Poznanski certaine au second tour, et Karsenty était mon favori comme second prétendant.
Au final, je ne me suis pas complètement trompé. Karsenty est arrive en tête avec 30%, suivi de Taieb avec 26%, puis Poznanski avec 20% et Hoffenberg avec 18%.
J’ai surtout surestimé la participation (seulement 8%), pensant que le vote par internet serait nettement plus fort. C’est la grosse surprise et l’enseignement majeur du scrutin: alors qu’au niveau mondial, 12% des inscrits ont voté par internet, et même un peu plus dans la circonscription, ce taux n’atteint que le minuscule 2% en Israel, record mondial, inférieur à ce qu’on trouve en Afrique. Notons que Karsenty fut le principal bénéficiaire de ce vote. Comment expliquer ça dans un pays leader en matière technologique ? En fait cela démontre que si les Francais d’Israel votent peu ce n’est pas parce qu’ils travaillent le dimanche, mais bien parce qu’ils ne sont pas intéressés. Le vote par internet – qui a certes connu quelques accrocs chez certains – étaient une manière rapide et pratique de voter pour tous ceux qui étaient même vaguement intéressés. Le fait que presque personne n’a choisi cette voie démontre qu’ils n’en voyaient pas l’intérêt.
L’autre surprise à mes yeux est le score d’Hoffenberg en Israël. Je connais des gens qui ont voté Karsenty, Taieb, Poznanski. Personne, strictement, qui a voté ou souhaitait voter Hoffenberg. Ce vote s’est apparemment principalement concentré sur Tel Aviv alors qu’ailleurs les résultats ressemblent plus à ce que je prédisais. Elle devait donc posséder un réseau local. Evidemment, avec un taux de participation plus fort, son score aurait été beaucoup plus faible. De même pour Poznanski dont le vote reposait essentiellement sur ses réseaux locaux et pas une adhésion de masse. Ces deux candidates ont été les grandes bénéficiaires de la non-participation massive. En revanche la gagnante – on peut le dire sans prendre de risques, ça sera Daphna Poznanski – ne pourra pas se présenter comme représentante des Francais d’Israel.
En dehors d’Israël, on constate que le taux de participation a aussi été faible mais de l’ordre de 20% (contre 30-40% aux présidentielles). Ce qui signifie qu’un effort supplémentaire en Israel aurait radicalement transformé les résultats. Karsenty a obtenu un score décevant hors d’Israël – près de 7% en Italie, 5% en Grèce, 3% en Turquie (contre moins de 1% pour Taieb dans ces pays). Il aurait fallu qu’il obtienne 10% pour avoir une chance sérieuse d’être au second tour.
Au final, restent deux questions:
Comment aurait-il été possible d’augmenter le taux de participation en Israël alors que les électeurs ne se sentent pas concernés par une élection “étrangère” ? C’est une mission difficile. Je propose une piste. Je pense qu’une campagne basée avant tout sur l’aspect “hasbara” que l’élection d’un candidat très pro-Israélien représenterait couplée à un effort d’explication massif sur le vote par internet et sa facilité aurait pu rajouter des milliers de votants motivés.
Et enfin un mystère: mais pourquoi donc Gil Taieb s’est-il présenté à ces élections ? Sachant qu’il n’a pas fait campagne hors d’Israël (et n’y a obtenu presque aucune voix), il n’avait mathématiquement aucune chance dès le départ. 3 hypothèses: il pensait que son charisme et les nombreuses actions qu’il a mené pour Israël créeraient une grande vague de mobilisation sur son nom. Si c’est le cas, lui et ses soutiens étaient légèrement déconnectés de la réalité.
Soit il voulait se faire de la pub ou renforcer son statut dans la communauté. Au vu de certaines réactions très hostiles envers lui suite aux résultats, je pense qu’il a plutôt nui à son image qu’autre chose.
Soit il cherchait, sous les ordres du PS, à faire perdre Karsenty comme certains partisans de ce dernier l’affirment. Cette hypothèse me semblerait a priori sortie d’un esprit conspirationniste si un important journaliste ne m’avait pas confié que Taieb clamait en privé que son principal objectif était de faire battre Karsenty. Cependant, il semble que cela soit avant tout par ressentiment envers ce qu’il considère comme des attaques injustes envers lui.
Mon opinion personnelle penche pour la première hypothèse. Au moment ou j’écris ces lignes, alors que les résultats définitifs sont connus depuis des heures, Gil Taieb continue d’affirmer sur Facebook qu’il a “gagné en Israel” (alors qu’il est arrivé second) en citant des chiffres fantaisistes sortis de son imagination. Cela dénote plutôt d’un ego surdimensionné et qui a du mal à accepter la réalité, et pas d’un manipulateur sordide.
Par Benjamin Lachkar - son blog
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