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Un vent de liberté souffle sur les médias tunisiens

 

Un vent de liberté souffle sur les médias tunisiens

MEDIAS - Depuis la chute de l'ancien président Ben Ali, qui verrouillait l'information...

De notre envoyée spéciale en Tunisie

«Le ciel se dégage». «C’est une nouvelle ère qui commence.» Une semaine après la fuite du président Ben Ali, les journalistes tunisiens n’ont pas assez de mots pour exprimer le vent de liberté qui souffle sur leur profession.

Olfa Belhassine, journaliste au journal La Presse depuis 20 ans, n’arrive toujours pas à y croire. «Je suis très heureuse parce que, enfin, j’arrive à pratiquer mon métier comme le l’ai toujours rêvé», explique celle qui, à la fin des années 80, a choisi de traiter des dossiers culturels et de renoncer aux reportages et aux enquêtes sur le terrain à cause de la censure. «Ce n’était plus possible. Plutôt que de ne pas aller jusqu’au bout des choses, j’ai choisi de travailler sur d’autres sujets.»

«Ne traitez pas ce sujet»

Car, il y a moins de dix jours, c’était encore le pouvoir qui dictait aux médias leur ligne éditoriale. «Il y avait deux conseillers du président qui surveillaient tout, et appelaient les rédacteurs en chef pour leur dire “ne traitez pas ce sujet“», raconte Nasser Rabai, journaliste pour le groupe El Anouar, qui publie Le Quotidien, Al Chourouk et El Mansawar.

«Il y a certaines choses qui étaient tolérées, quand on traitait des sujets sociaux, par exemple. Mais la politique, c’était une zone militaire, même pour les indépendants», explique un autre journaliste, Abdelkrim Jawadi, salarié de TAP, l’agence de communication extérieure du pouvoir, et membre du bureau exécutif du syndicat des journalistes.

Saisie invisible

Et la censure ne négligeait aucune étape de la création du journal. «Un bon à tirer était envoyé au ministère de l’Intérieur avant l’impression, et s’il ne convenait pas, le journal n’était pas imprimé, ou était saisi», raconte Abdelkrim Jawadi. Les derniers temps, cependant, le pouvoir pratiquait plutôt la «saisie invisible» que la saisie directe: «Les policiers passaient chez les kiosquiers et leur disaient de ne pas exposer tel ou tel titre à la vue des lecteurs potentiels», explique-t-il.

Dès lors, la seule solution pour l’opposition a été de se tourner vers Internet – certains journalistes choisissant d’écrire sur un blog, et les informations «libres» circulant sur Facebook ou Twitter, comme on l’a vu durant toute la révolte, note Ahmed Choura, journaliste sportif pour Al Tunisia,un journal en ligne.

Ligne rouge

Le journaliste, qui a travaillé auparavant pour un journal papier confie qu’il y a une différence de traitement entre les deux. «Les journaux en ligne étaient moins surveillés, mais il y avait tout de même une ligne à ne pas dépasser – parler du président Ben Ali, de sa femme Leïla, de ses proches ministres comme Morjane par exemple, ou de son porte-parole.»

Mais tout cela est en train de changer, selon ces professionnels. La preuve? A la télévision tunisienne, la parole se délie. «Il y a des gens qu’on n’a jamais vu à la télé - de l’opposition, de la Ligue des Droits de l’homme - qui débattent, commentent l’actualité. C’est très nouveau», souligne Olfa Belhassine.

Les journalistes osent critiquer le pouvoir

Et, dans La Presse, jeudi, un journaliste a osé critiquer le pouvoir dans un article intitulé «Le gouvernement communique mal». «Auparavant, jamais on aurait osé», rappelle la journaliste. «Le pouvoir était intouchable, surtout à La Presse, qui est un journal gouvernemental, et pas indépendant.» Si cet article a pu être publié, c’est parce que, depuis lundi, les journalistes ont évincé le directeur et formé un comité de rédaction qui décide du contenu du journal.

Mais, après des années de censure, et même d’autocensure, il y a parfois des réflexes qui reviennent. La presse tunisienne est pour le moment en pleine transition. «Il n’y a pas de législation, il faut en créer une maintenant pour décider des critères de délivrance de la carte de presse par exemple», souligne Nasser Rabai. Comme pour la politique, tout reste à construire.

Bérénice Dubuc 

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