Association «Nous tous/Tunis nous rassemble »: Réécrire l’Histoire et préserver la mémoire
L’Association Nous Tous souhaite ouvrir la voie à la réécriture de l’Histoire et offrir aux chercheurs les instruments nécessaires à leur recherche.
Qui sommes-nous ? Et lorsque nous disons «nous tous», qui cela englobe-t-il ? La famille, notre rue, notre village ? Une communauté, un peuple, une ethnie, une race, une religion ? Une association porte ce nom et cet ambitieux projet quelque peu téméraire.
Qu’est-ce donc que cette association fondée autour d’un collectif d’amis, historiens, juristes, universitaires, écrivains, sous le label de «Tounestejmaâna» ou de «Nous tous» ?
L’argument est intéressant : «Il s’agit d’une association qui veut déconstruire le roman national autour d’une identité arabo-musulmane et considérer que la réalité tunisienne est celle de tous ceux qui l’ont construite, indépendamment de leurs nationalités, ethnies ou religions».
Car les enseignants qui militent au sein de cette toute jeune association le constatent souvent :
«Je remarque souvent que mes étudiants n’ont aucun sens de la chronologie parce que l’Histoire qu’on leur a enseignée est pleine de trous. On a appris l’empire romain, mais pas les puniques. Sous Bourguiba, on a occulté l’Histoire husseïnite, et sous Ben Ali l’ère Bourguiba. Mes étudiants, qui ont quelquefois plus de 45 ans, ignoraient totalement l’histoire de la minorité juive en Tunisie» constate Rabaâ Abdelkafi, universitaire.
En fait, ce qui a déclenché le désir de fonder cette association «Nous Tous» à ce collectif d’amis a été un très regrettable incident : quand la famille de Paul Sebbag est venue offrir la bibliothèque du grand homme disparu à la faculté, ils ont été accueillis par jets de pierres en dépit de la présence du ministre et du doyen.
La famille fut ulcérée, et les enseignants présents confrontés à une réalité intangible : leur rôle ne consistait-il pas à transmettre quelque chose ? Et s’ils ne transmettaient pas l’histoire de leur pays, que pourraient-ils donc transmettre ?
Ce fut le point de départ et le coup d’envoi de la création de cette association : «Nous Tous » reçut son agrément en 2020. Elle réunit des membres tunisiens musulmans d’origine algérienne, juifs d’origine tunisienne ou livournaise, d’origine sicilienne.
Tous se sont posé la question :
«Que savons-nous de notre histoire ?… Peu de choses, chaque génération ayant, au gré des fluctuations politiques, acquis des connaissances pour le moins biaisées… Un roman national a été écrit, fondé sur le mythe de l’unicité ethnique et religieuse de la Tunisie… Un leurre historique a construit la nation tunisienne sur l’exclusion des minorités essentiellement juives et berbères, mais également noires et ibadites.
Avec la révolution est né, non seulement le désir de réécrire l’Histoire, mais le souci de préserver la mémoire et les patrimoines nationaux».
L’Association Nous Tous souhaite ouvrir la voie à la réécriture de l’Histoire et offrir aux chercheurs les instruments nécessaires à leur recherche.
En un premier temps, cette association s’attachera à recenser le patrimoine tunisien juif, constituer les collections pour le musée du Bardo ou un futur musée judéo-tunisien, organiser expositions et conférences pour faire connaître et valoriser le patrimoine juif tunisien, publier des textes inédits, et créer un musée virtuel.
C’est à cette association que l’on doit l’organisation, cette semaine, au palais Kheïreddine, de l’exposition consacrée à Jacques Perez : « Souvenirs d’avant l’oubli».
C’est à elle que l’on doit également l’hommage rendu à Albert Memmi, notre premier grand écrivain francophone, lors de son décès et le livre paru à cette occasion auquel a participé une pléiade d’écrivains et d’universitaires, toutes générations confondues.
L’association, toute jeune encore, a organisé deux grandes manifestations de belle visibilité. Elle en prévoit d’autres.