La médisance - Lachon Arah

La médisance - Lachon Arah

Lorsqu’il se forme sur la peau d’un homme, une tumeur, une dartre ou une tache pouvant dégénérer en une lésion ulcéreuse de sa chair… » (Vayikra 13 : 2).

La lésion ulcéreuse (une maladie spirituelle à ne pas confondre avec la lèpre) est une punition sanctionnant sept péchés dont la médisance (Lachon Arah). La punition consécutive à la médisance est précisée dans le Psaume (101 :5) : « Quiconque calomnie son prochain, en secret, Je l’anéantirai… ». Le mot hébreu Atsmit (anéantir), explique la Guemara, est également un terme qui décrit la lésion ulcéreuse (Arkhin 16a). 

Une question s’impose : si la lésion ulcéreuse est une punition pour la médisance, pourquoi seul le Peuple Juif est-il puni de cette affection ? La médisance est pourtant très répandue parmi les autres nations, alors pourquoi ne sont-elles pas sanctionnées de la même manière ? 

Rabbi Chlomo Gantzfried explique que la différence fondamentale entre le peuple d’Israël et les nations c’est l’unité de notre peuple; l’unité est une caractéristique du peuple juif qui n’a pas d’équivalent dans les autres peuples et même lorsque l’on constate une certaine unité parmi les nations, celle-ci n’est pas comparable à la nôtre. C’est pour cette raison que seuls les juifs sont dénommés « Adam, homme » au singulier du fait que le sens de l’unité est profondément ancrée dans leurs gènes… 

Et la médisance est punie plus sévèrement parce qu’elle entraîne la division justement dans un peuple où l’union doit se maintenir. Elle est une gifle infligée à l’essence même du Peuple Juif, ce qu’on ne peut pas dire dans le cas des autres nations et c’est pourquoi elle génère une punition aussi importante. 
C'est également la raison pour laquelle la personne ainsi condamnée doit demeurer dans l’isolement total : « Il a entraîné la division, en conséquence, il doit être séparé du reste de la communauté (Arkhin 16b). 
C’est également la raison pour laquelle la personne affectée par la lésion ulcéreuse est amenée devant « Aaron Hacohen, le Grand Prêtre ou l’un de ses fils » (Vayikra 13 : 2). 

Aaron Hacohen représentait l’unité; il aimait la paix et l’harmonie et les recherchait sans cesse… 
Les commentateurs expliquent que, pendant la plaie de la mort des premiers nés, les chiens n’aboyèrent pas à l’encontre du peuple juif, comme pour indiquer que celui qui commet l’infraction de la médisance est considéré plus négativement qu’un chien qui, lui, avait respecté le silence. 

Dans le « Devoir des Coeurs », Rabenou Baya Ibn Pekouda, écrit que, lorsqu’au terme de sa vie, un homme se présente pour être jugé par le Roi des Rois, il peut trouver dans son « dossier » des Mitsvot qu’il n’a jamais faites; lorsqu’il se renseigne sur cette erreur apparente, il lui est répondu : « Les Mitsvot de tous ceux qui ont médit à ton égard sont transférées à ton crédit et tes péchés sont transférés dans leur dossier ». 

Rabbi Yehouda expliquait qu’aucun mérite n’est garanti à une personne si elle n’a pas la force de se retenir et de s’éloigner de la médisance et, ainsi que le disait Rabenou Ibn Pekouda, une personne peut perdre sa place dans le Monde futur au profit des personnes contre lesquelles elle a proféré des propos médisants.

Rabbi Moshé David Solveitchik raconte l’anecdote suivante au sujet d’un homme de Brisk qu’on surnommait, en se moquant, « l’homme de vérité ». On l’avait appelé comme cela parce qu’il avait la réputation de toujours dire toute la vérité de telle sorte qu’il fit échouer des unions conjugales éventuelles en révélant trop de détails sur les prétendants au mariage. 

Un jour, le Tsadik Rav Chalom Menaché, rendait visite au Rabbi Haïm Solveitchik à son domicile quand « l’homme de vérité » entra. Le Rav Menaché se retourna vers lui et dit : « Il n’y a pas de doute que la vérité est extrêmement importante. Nos Maîtres nous ont enseigné que la vérité apporte la lumière dans le monde. Cependant, il y a aussi des occasions où trop d’honnêteté peut détruire le monde. Tout ne mérite pas d’être toujours dit (Ouvdot Brisk). 
Dans sa Yechiva, le Rav Yehouda Tzaddok institua une règle selon laquelle tout celui qui profèrerait une parole médisante devait aller l’avouer au Rosh Yechiva et payer une amende à chaque fois qu’il parlait négativement au sujet de quelqu’un. Les étudiants se conformèrent à cette règle et vinrent voir le Rosh Yechiva à chaque incartade. 

Un étudiant fut accusé par ses amis d’avoir fait un Lachon Arah, mais celui-ci refusa de l’admettre et, pour se défendre, il insista à répéter à huit reprises ses dénégations… L’affaire fut soumise au Rav Yehouda qui infligea au jeune homme une amende pour chacune des fois où il apporta sa contestation. 
Lorsque l’étudiant s’exécuta, le Rav Yehouda apaisa l’étudiant en lui disant que, ce faisant, il s’était acquis une part du monde Futur. Combien cela vaut-il de s’acheter un costume dans ce monde ? Et là, tu as acheté une place dans le monde éternel pour juste quelques pièces ! 

Il arriva même qu’une fois, le Rav Yehouda dépose une pièce sur la table devant ses étudiants les informant qu’il payait une amende parce qu’il craignait que, pendant une conversation qu’il avait eue la veille, il aurait pu dire quelque chose qui ressemblait à de la médisance. 
Les étudiants étaient convaincus que leur Rebbe n’avait proféré aucune parole médisante… et ils comprirent que l’amende qu’il avait tenu à payer devant eux représentait une illustration pratique de la leçon importante, à retenir… 

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