Albert Memmi au camp de travail nazi
« Les hommes nous regardèrent, puis ne s’occupèrent plus de nous lorsqu'ils ne virent qu'un contingent de travailleurs. Poussiéreux, silencieux, immobiles sur la terre desséchée, ils ressemblaient à des sauterelles affamées. Mes camarades de route se turent, n’ayant même plus le courage de leurs bravades. Je sautai du camion et me dérouillai jambes. Brusquement, sans explication préalable, deux hommes de la file se jetèrent l'un sur l'autre, et roulèrent à terre, s’envoyant des coups de poing au hasard, gênés par leurs loques. Ils furent séparés brutalement et sans hâte par les autres. De loin, les soldats regardaient, indifférents ». Albert Memmi, La statue de sel, Gallimard, p. 240.
C’est ainsi qu’Albert Memmi décrit son arrivée dans un camp de travail en Tunisie. Albert Memmi est décédé fin mai 2020 alors qu'il allait avoir 100 ans. Il est l'un des penseurs et écrivains juifs les plus importants nés au Maghreb à l'époque moderne. Dans son écriture, Albert Memmi a utilisé son expérience de vie comme base de réflexion. Par exemple, le chapitre sur la Seconde Guerre mondiale en Tunisie est basé sur des journaux intimes qu'il a écrits pendant la guerre. Il y a environ deux ans, ces journaux intimes ont été publiés pour la première fois.