S-300 Syrie : le piètre bluff de Poutine (012811/18) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
Suite à la perte d’un Iliouchine 20, le 17 septembre dernier dans la région de Lattaquié, abattu par erreur par la DCA syrienne, la Russie a livré à al Assad "trois systèmes complets de missiles antiaériens S-300", destinés à être opérés par trois unités de la taille d’un régiment.
Le 2 octobre, le ministre russe de la Défense, le Général Sergei Shoigu, annonçait à Vladimir Poutine que ces armes avaient été livrées et déployées en Syrie et qu’elles étaient donc opérationnelles. Les S-300, constituant 49 pièces d’équipement, ont été acheminés à Damas par un avion de transport Antonov-124.
Chaque régiment était censé être doté de huit lanceurs de missiles. Des organes d’information proches du pouvoir russe, à l’instar de VPK-News et RBC, avaient même laissé entendre, dès le 8 octobre, que les systèmes de S-300 consistaient en leur version la plus récente et donc perfectionnée, la déclinaison V.
Malheureusement pour la propagande russe, le déchargement de l’AN-124 a pu être filmé par des photographes, et le contenu des armes débarquées était loin de ce que Moscou avançait. On y a clairement identifié une station radar multifonctions de type S-300PM2, mais aucun des équipements n’appartenait à la version V.
Pour ne rien arranger à l’impression qu’entendait faire le Tsarévitch, on a compté et recompté les lanceurs de missiles sortant de l’avion, et on n’en a dénombré que 4. En tout. Loin des 24 décrits par le Kremlin.
Quelques jours plus tard, on apprenait que ces équipements, livrés sans contrepartie financière par la Russie à la Syrie, avaient été prélevés - c’est l’agence Tass qui le confessait dans un communiqué également daté du 8 octobre – sur des régiments russes, qui se sont vu équiper du système S-400 plus récent.
Par souci de ne froisser personne, à commencer par l’Armée syrienne, diverses sources moscovites ont parlé d’équipements hybrides. En français, on appellerait cela plus prosaïquement un "foutoir".
Du matériel de récupération, dont les divers éléments sont très difficiles à synchroniser entre eux, à la limite de l’impossibilité. Quant à la déclaration du Général Shoigu, relative au fait que les S-300 seraient opérationnels, elle est battue en brèche par de récentes images satellitaires prises par les Israéliens, qui font plus penser à une casse de voitures qu’à un régiment ultra-moderne d’intercepteurs d’avions et de missiles prêt au combat.
Encore que, selon les dires mêmes de Shoigu, une fois que tout serait en place, il faudrait au moins trois mois aux instructeurs russes afin d’apprendre à leurs élèves syriens l’art de se servir de ce bric-à-brac.
En attendant, des ministres israéliens ont déclaré publiquement que les activités du Khe’l Avir contre des cibles iraniennes en Syrie n’avaient pas cessé ni diminué en intensité depuis l’incident de l’Iliouchine 20. Simplement, toujours aux fins de propagande, Moscou a énergiquement prié Damas de ne pas faire état de ces raids – et Poutine sait se montrer très persuasif dans ce genre d’exercice - ; quant à Tsahal, il ne commente presque jamais les informations émises par des organes étrangers, à fortiori lorsqu’il n’y en a pas.
Tout ceci posé, les systèmes S-300 livrés par le Tsarévitch à son protégé l’assassin-oculiste al Assad, même s’ils sortaient d’usine dans leurs cartons d’emballage et qu’ils étaient de dernière génération ne pourraient strictement rien contre les appareils et les missiles du Khe’l Avir. Pour constituer ne serait-ce qu’une gêne dans les activités des avions à l’étoile de David, il faudrait qu’ils interdisent un front de plusieurs centaines de kilomètres de large et qu’ils puissent être intégrés dans la défense antiaérienne russe en Syrie. Or, techniquement, la livraison des 49 pièces d’équipement en octobre est très loin de répondre à ces impératifs.
J’en veux pour exemple que le S-300 est incompatible avec le Pantsir-S1, un système de canons et de missiles antiaériens, auquel les experts occidentaux prêtent quelque efficacité contre les missiles de croisière.
Si tout ce qui précède ne suffisait pas à se convaincre que le cadeau du Maitre des toutes les Russies au tortionnaire stagiaire de Damas ne valait que pas son effet d’annonce, il me faut encore évoquer la coopération entre Israël, Chypre et la Grèce. Car il est de notoriété publique depuis 2016, après la parution d’un article de Reuters, qu’un système complet de S-300, très similaire à celui offert par Poutine à Assad, originellement acheté par Chypre à la Russie afin de se défendre face aux Turcs en 1997, avait été cédé à la Grèce suite à d’énormes pressions d’Ankara, qui menaçait les insulaires d’un nouveau conflit armé s’ils ne s’en départissaient pas.
Depuis, l’Armée hellène a installé le S-300 sur l’île de Crète et permis au Khe’l Avir de s’entraîner à l’envi contre ce système, notamment en simulant des attaques en conditions réelles, ce, afin de développer les parades adéquates.
Et ces parades électroniques existent. Selon l’expert russe Igor Sutyagin, du Royal United Services Institute for Defence and Security Studies [l’Institut Royal des Services Intégrés pour les Etudes en Matière de Défense et de Sécurité], il est possible de répliquer l’écho du radar du S-300, ce que les ingénieurs hébreux ont eu tout le loisir d’apprendre à faire, et ensuite de le brouiller brutalement à votre guise, ou de générer de faux échos, faisant croire à l'opérateur radar qu’il est en présence de cinq, dix ou 20 appareils adverses, ne sachant pas différencier les authentiques des virtuels.
C’est probablement ce que les Israéliens ont fait le 17 septembre dernier, semant la panique chez les lanceurs de missiles syriens, ce qui les a amenés à abattre l’Iliouchine russe.
Sur le plan tactique, les considérations concernant le S-300 ne sont ainsi pas d’une grande importance, puisque les Israéliens les maîtrisent totalement. Mais dans cette analyse que la cacophonie médiatique dominante nous oblige à faire, nous pourrions omettre de préciser certains éléments qui ont plus d’incidence. Par exemple, que suite à la perte d’un Soukhoï 24, rattaché à la base aérienne russe de Khmeimim/Lattaquié, le 24 novembre 2015, les Russes ont déjà déployé un système de missiles antiaériens pour protéger leurs avions et leur corps expéditionnaire. Et il ne s’agit pas de S-300 obsolètes, mais de S-400, que d’aucuns considèrent comme le système d’interdiction aérienne le plus performant du moment. Or le déploiement des S-400 de Khmeimim est censé contrôler l’espace aérien du sud de la Turquie au nord d’Israël.
A la Ména, nous avons toutefois acquis la conviction absolue que l’Etat hébreu dispose également des moyens électroniques nécessaires à protéger efficacement ses avions et missiles face aux capacités du S-400.
Ce, ne serait-ce que par la constatation que le Khe’l Avir n’enverrait pas ses pilotes bombarder régulièrement des objectifs iraniens et syriens dans la zone de contrôle de ce système. Plus particulièrement, les appareils de l’Armée de l’Air israélienne n’auraient pas pulvérisé, le 17 septembre dernier, des dépôts d’armes iraniens dans la ville de Lattaquié, au cœur même du dispositif antiaérien russe.
Ce faisant, même si cela n’était pas leur objectif, nos avions avaient la base de Khmeimim à portée de leurs armes. Et c’est précisément ce qui a jeté un froid dans les relations entre Moscou et Jérusalem, Vladimir Poutine refusant ostensiblement de recevoir Binyamin Netanyahu à Moscou, comme il en avait pris l’habitude. L’accusation portée par la Russie accusant Israël d’être indirectement responsable de la perte de l’Iliouchine et de ses 15 occupants russes n’étant qu’un mauvais prétexte.
La question est militaire, certes, surtout pour Israël, mais pas principalement pour les Russes. Elle est aussi stratégique et… commerciale. Car Moscou est en train de vendre des S-400 à l’Iran, à la Turquie et même à l’Arabie Saoudite pour des milliards de dollars. Or si les experts de ces pays font la même analyse que nous - et pourquoi ne la feraient-ils pas ? -, ils pourraient exiger de renégocier les contrats déjà signés. De même que d’autres clients potentiels pourraient réexaminer leurs intentions d’achat.
Au niveau stratégique, Jérusalem a fait perdre à Moscou sa capacité de dissuasion, liée au concept frelaté que son recours de pointe pour l’interdiction du ciel est tout sauf imperméable. Au moment où le Tsarévitch vient de décider de déployer des S-400 à la frontière de l’Ukraine, et où ses adversaires occidentaux multiplient les exercices aériens, on réalise l’ampleur du mauvais tour que les pilotes israéliens ont joué à Monsieur Poutine.
C’est d’autant plus conséquent lorsque l’on réalise que la Russie est l’unique puissance mondiale qui gère ses conquêtes expansionnistes et sa politique internationale par un recours incessant à la force armée. Comme en Syrie, en Ukraine, en Tchétchénie, en Géorgie, etc.
La semaine dernière, le Kremlin a même proposé au Liban de l’armer afin de prendre pied dans le pays aux cèdres, promettant à Michel Aoun de faire cesser les survols pluriquotidiens du Khe’l Avir dans son ciel. Beyrouth a refusé l’offre sous la pression massive de ses alliés occidentaux, et vraisemblablement de l’Arabie Saoudite, qui refuse l’hégémonie du Hezbollah chez notre voisin immédiat.
A la décharge de Jérusalem dans l’affaire de Lattaquié, ce sont les Russes qui avaient permis aux Iraniens d’utiliser Khmeimim en permettant aux ayatollahs d’y débarquer leurs chargements d’armes et de matériel électronique destinés au Hezbollah au Liban, ainsi que de les stocker au cœur de la ville de Lattaquié. Or ces matériels mettent directement en danger la sécurité d’Israël et le renforcement du Hezb accentue l’urgence d’intervenir au Liban et laisse planer le spectre d’une nouvelle guerre.
On prétend souvent que la Russie et son président n’ont pas d’alliés mais uniquement des opportunités. C’est un axiome largement vérifié, il n’empêche que les alliés d’opportunité de Moscou sont les Iraniens, les Syriens et le Hezbollah, qu’ils sont les pires ennemis de l’Etat hébreu, et que la Russie les arme, les soutient et les protège. Ce qui fait conjoncturellement de la Russie un ennemi d’Israël, même si, dans leur relation strictement directe, les deux pays ne connaissent pas de désintérêts de nature à les mettre en conflit.
Reste que, pour Israël, il procède d’une nécessité supérieure de tenir la coalition chiite éloignée de ses frontières. Le Khe’l Avir continuera ainsi à oblitérer ses tentatives d’avancées en direction de du nord d’Israël. Ce, particulièrement si Israël, de par sa prépotence technologique, ne fait pas courir des risques démesurés à ses soldats.
L’équation militaire est relativement simple : si les Russes ne tentent pas de nous empêcher de mener à bien nos raids contre nos ennemis, toute confrontation avec le corps expéditionnaire de Poutine n’aura pas de raison d’être. En revanche, si – directement ou par proxys interposés -, des missiles russes venaient à être tirés sur nos pilotes, le système ayant lancé ces engins serait immédiatement neutralisé, ce, quel qu’en soit le propriétaire. Et si, par malheur, à cause d’une défaillance technique ou par hasard, l’un de nos avions était abattu, la base de Khmeimim et l’aile de l’aéroport international de Damas abritant les Mig seraient en danger d’anéantissement. Cela marquerait, au moins pour un temps, la fin de la présence russe armée dans la région ; et si Israël devait faire face à des menaces de représailles, il ne fait aucun doute que les Etats-Unis s’interposeraient.
A ce propos, le porte-avions Harry Truman, les 90 appareils à son bord et ses navires d’escorte ont brièvement pénétré cette semaine dans les eaux territoriales syriennes, à quelques dizaines de kilomètres de Khmeimim. L’imposant navire a pris ses quartiers flottants dans le bassin est-méditerranéen. Il y côtoie d’ailleurs le Dupuy de Lôme, le bâtiment fleuron de la Marine française dans le domaine de la collecte d’informations militaires, particulièrement en matière de lutte électronique.
Ces éléments et d’autres font que Russes et Israéliens y réfléchiront à deux fois avant de s’engager dans une passe d’armes même limitée, mais, dans les conditions qui prévalent, et vu l’enchevêtrement des zones d’opérations, une confrontation ne peut être totalement exclue, et les deux armées s’y entraînent.
Quant à la suprématie israélienne dans la lutte entre les missiles russes et les aéronefs israéliens, elle a été mentionnée par un ministre hébreu, le 6 courant, dans le media de propagande internationale de Poutine : Sputnik. Zeev Elkin, le ministre israélien de la Protection Environnementale, originaire d’Union Soviétique, et partant, russophone, y déclarait dans une interview que l’avance technologique israélienne sur la Russie était très importante, que les systèmes russes d’interdiction aérienne actuels ne pouvaient rien contre nos avions, et que nous pouvions les neutraliser au moment qu’il nous plairait. Elkin partage avec nous l’opinion selon laquelle le problème n’est pas militaire mais politique. Le ministre n’est certes pas un expert en stratégie militaire, mais s’il s’est fendu de ces déclarations dans un media russe, c’est qu’il en avait reçu l’autorisation, voire qu’il avait été instruit de le faire.
Les révélations de Zeev Elkin étaient sans doute un peu abruptes pour les Russes, aussi, l’article dans son entièreté n’est resté affiché que quelques heures sur le Net (pas assez longtemps pour que nous l’enregistrions), avant d’être largement amputé de sa partie la plus intéressante.
Pendant ce temps, hier (mardi), l’Aviation israélienne a mené un exercice d’envergure au Liban-Sud, selon des sources étrangères, multipliant des simulations d’assaut à basse altitude contre des positions du Hezbollah, et quadrillant l’éther de nos voisins avec de nombreux drones de type Hermès 450, dits drones tactiques, possédant la capacité d’observation et également celle de lancer des missiles avec une grande précision. Les survols intenses de notre rédaction à Métula ont duré plusieurs heures.
Comments
article ci-dessus
Quel blabla de russophobe primaire!