Et Gad Elmaleh devint Goy Elmaleh

Et Gad Elmaleh devint Goy Elmaleh

Laurent Sagalovitsch

Demain sort le dernier film de Gad Elmaleh, «Reste un peu», l'histoire de sa conversion au catholicisme. Un véritable camouflet pour le juif que je suis.

J'ai failli en perdre ma kippa. Quoi, Gad Elmaleh se serait converti au catholicisme?!!! Franchement, si c'est une blague, elle est de très mauvais goût. À moins qu'il ne faille attribuer cette trahison à l'un des effets particulièrement retors du changement climatique. Allez savoir si avec le réchauffement de la planète, par je ne sais quel transfert d'énergie, les juifs ne vont pas se convertir en masse et se ruer comme un seul homme à l'église de leur quartier?

Mais Gad, tout de même! Qu'est-ce qu'il lui a pris de déclamer ainsi son amour à la Vierge Marie, de chanter les louanges d'une religion qui n'a eu cesse à travers les âges de persécuter les juifs, d'en faire leur souffre-douleur préféré? Il souffre du syndrome de Stockholm ou quoi? À moins que ce ne soit à l'alcoolisme qu'il se soit converti. Ou à quelque drogue récréative qui lui aurait mis le cerveau à l'envers. Parce que franchement, cesser de se réclamer du judaïsme pour épouser les mirages de la chrétienté, c'est comme d'encourager l'A.J. Auxerre après avoir fréquenté les allées d'Anfield Road, le stade mythique des Reds de Liverpool.

Et en plus, le chenapan ose en faire un film. Comme si de divorcer de la religion de ses pères ne constituait pas déjà un sacrilège en soi, une infamie susceptible de le clouer au linteau de la porte de Damas, de l'exclure à tout jamais de la communauté juive. Mais non, plein de sa suffisance toute chrétienne –le bougre, il n'aura pas perdu de temps– il s'est senti obligé de partager avec la Terre entière le récit de son égarement, de ce détournement de foi indigne d'un comique de sa trempe.

Troquer les colères et les commandements de l'Éternel –la glorieuse intransigeance de l'Ancien Testament– pour la prosodie toute mollassonne des Évangiles, c'est comme de renoncer à la viande pour s'énamourer de tofu, échanger son amour des interrogations infinies afférentes au judaïsme contre les platitudes larmoyantes d'un christianisme dégoulinant de bienveillance, un déclassement, un affadissement, une descente dans la division inférieure de la foi.

Et la prochaine étape, c'est quoi? Une tournée mondiale avec le pape? La remontée du Golgotha avec une croix sur les épaules? La confession en direct live de tous ses péchés? La dénonciation à l'évêché de ses parents juifs? L'accusation faite à Michel Boujenah de déïcide? La réappropriation de son prépuce par le soin d'une chirurgie esthétique effectuée sous les ors de l'Hôtel-Dieu? La célébration en grandes pompes de Noël avec sa messe de minuit où il pourra chanter la gloire de celui qui né juif a fini, à force de passer ses journées à transformer de l'eau en vin, par se prendre vraiment pour le Messie, incarnant à lui tout seul les ravages de l'alcool à l'époque romaine?

En même temps, roué comme un vendeur de caleçon qui te fait croire que sa marchandise vient tout droit des mines du roi Salomon, je ne serais point étonné si dans quelques mois, le comique franco-marocain ne vienne nous dire que tout ceci n'était qu'une farce, un stratagème finement élaboré par les sbires de Goldman Sachs pour amener la fine fleur du christiannisme à visionner son film. Coup de maître qui lui aura permis de cartonner comme jamais au box-office.

Parce que bien entendu, son film va connaître un succès monstre. Tu penses. Rien qu'à l'idée de voir sur grand écran un juif barboter dans des eaux baptismales, les goyims vont accourir de partout. C'est mieux qu'un film porno, cette histoire. Ils la tiennent leur revanche, la preuve éclatante de l'inanité du judaïsme, la confirmation que le Christ est bien le Fils de Dieu et non pas un simple barbu –un hippie shooté aux miracles– égaré sur une croix.

C'est sûr que si demain Franck Dubosc annonçait sa conversion au judaïsme –que Dieu Tout-Puissant nous en préserve!– et en tournait un film, il ne déplacerait pas les masses. T'imagines un peu, Franck Dubosc en tongs et marcel, sorti tout droit de son camping pour gravir les marches de l'autel et venir lire un passage de la Thorah?!!!

Là, c'est sûr que moi aussi, je me convertis!

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