Nanou, Manino et Mamy Lily

Nanou, Manino et Mamy Lily

Hatem Bourial

Une petite pause gourmande fait toujours du bien. Et pourquoi pas un chabbat à emporter si on est à Djerba ou Belleville ! En guise de plaisirs de la table, je voudrais évoquer trois enseignes qui me sont chères et le sont aussi pour tous les Tunisois et les Goulettois. Bien sûr, je ne vais pas m'engager dans une rétrospective des restaurants cacher et ne parlerai donc ni de Bichi, ni du Novelty ou du Robinson.

Cela, je le ferai une autre fois car pour le moment c'est une photo du grand Manino qui m'a sauté au visage. Un cliché en noir et blanc qu'on dirait sorti des archives ou de la mémoire du Passage.

J'ai bien connu Manino qui vivait dans l'immeuble à l'entrée de l'avenue de la Liberté. Son fils Naïm, était un ami et ses plats traditionnels un rituel incontournable.
Manino

Chez Manino, c'était Complet poisson ou plat tunisien avec aussi des casse-croûte bien garnis. Sur cette photo, Manino est endimanché alors que nous ne l'avons connu qu'en tenue de travail, derrière son établi, souriant et souvent narquois.

De même, je voudrais brièvement évoquer Mamy Lily qui, avec son fils Jacob Lellouche, a tenu le dernier restaurant cacher à la Goulette.

Mamy Lily, avec sa cuisine, a marqué ce dernier quart de siècle et son enseigne reste un repère dans nos mémoires.

Enfin, comment ne pas évoquer Nanou, à la rue Saint Charles. Enfant, mon père m'y emmenait pour les tout aussi rituels briks avec ou sans œuf. Ces trois mousquetaires font partie de notre histoire désormais !

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À quoi sert-il de lire ? La question peut sembler saugrenue mais certaines réponses méritent qu'on s'y arrête. En voici une qui vaut amplement le détour : ′′J'ai lu beaucoup de livres, mais j'en ai oublié la plupart. Mais alors quel est le but de la lecture ? C'est la question qu'un élève a posée une fois à son maître. Le maître n'a pas répondu à ce moment-là.

Cependant, après quelques jours, alors que lui et le jeune élève étaient assis près d'une rivière, il a dit qu'il avait soif et a demandé à l'enfant de lui apporter de l'eau avec une vieille passoire sale qu'il y avait sur le sol. L'élève a sursauté parce qu'il savait que c'était une commande sans logique. Cependant, il n'a pas pu contredire son maître et, ayant pris le coup, il a commencé à accomplir cette tâche absurde.

Chaque fois qu'il plongeait la passoire dans la rivière pour tirer de l'eau pour l'emmener à son maître, il ne pouvait même pas faire un pas vers lui, car il ne restait plus une goutte sur la passoire. Il a essayé des dizaines de fois mais, même s'il a essayé de courir plus vite de la rive à son maître, l'eau a continué à traverser tous les trous du tamis et s'est perdue sur la route.

Épuisé, assis à côté du maître, il dit : ′′ Je ne peux pas avoir d'eau avec cette passoire. Pardonnez-moi Maître, c'est impossible et j'ai échoué dans mes devoirs ". ′′ Non, répondit le vieil homme en souriant, vous n'avez pas échoué. Regarde la passoire, maintenant elle brille, elle est propre, elle est comme neuve. L'eau, qui est filtrée par ses trous, l'a nettoyé ". Quand tu lis des livres, a poursuivi le vieux maître, tu es comme une passoire et ils sont comme de l'eau de rivière.

Peu importe si tu ne peux pas garder dans ta mémoire toute l'eau qu'ils laissent couler en toi, parce que les livres, cependant, avec leurs idées, émotions, sentiments, connaissances, la vérité que tu trouveras parmi les pages, nettoieront ton esprit. Et ton esprit fera de toi une personne meilleure et renouvelée. Voilà le but de la lecture".

Une autre anecdote pétri de sagesse et de bon sens : avant le décès d'un homme très riche, il a fait trois demandes. Que son cercueil soit porté par les meilleurs médecins de l'époque, que les trésors qu'il possédait soient dispersés sur le chemin de sa tombe, que ses mains restent en l'air à l'extérieur du cercueil à la vue de tous.

Quelqu'un d'étonné lui a demandé quelles étaient ses raisons, il a répondu en ces termes. "Je veux que les plus éminents médecins portent mon cercueil pour montrer qu'ils n'ont pas le pouvoir de guérir face à la mort. Je veux que le terrain soit couvert par mes trésors, afin que tout le monde puisse voir que les biens matériels conquis ici, restent ici. Je veux que mes mains soient découvertes à l'extérieur du cercueil, afin que les gens puissent voir que nous sommes venus les mains vides, et avec les mains vides nous partons, quand nous mourrons rien de matériel n'est enlevé.

Le temps est le trésor le plus précieux que nous ayons, nous pouvons produire plus d'argent, mais pas plus de temps. Telle semble être la morale de cette histoire à saveur de parabole.

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Encore deux pépites pour la route. En commençant par Christian Bobin et ce qu'il pense de la "lingua franca" de notre présent : "La terre se couvre d'une nouvelle race d'hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce qu'un tel mot a pu jadis désigner. Quand quelque chose de la vie les atteint malgré tout, un deuil ou une rupture, ces gens sont plus démunis que des nouveaux nés. Il leur faudrait alors parler une langue qui n'a plus cours, autrement plus fine que le patois informatique."

Et un dernier verre pour terminer. Il est servi par l'excellent Sylvain Tesson : "La vodka ne fait jamais mal quand on la boit à deux. Le principe du toast a été inventé par les Russes pour se passer de la psychanalyse. Au premier verre, on se met en train ; au second, on parle sincèrement ; au troisième, on vide son sac et, ensuite, on montre l’envers de son âme, on ouvre la bonde de son cœur, et tout – rancœurs enfouies, secrets fossilisés et grandeurs contenues – finit par se dissoudre ou se révéler dans le bain éthylique."

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