A propos de Pourim

Pourim est souvent vu comme un moment historique et rare, unique, où le sort s’est retourné pour le bien des Juifs. C’est cela, mais c’est beaucoup plus.

1. C’est un épisode d’amour extraordinaire et qui nous enseigne sur l’amour et sur l’amour réussi. Voici comment. Le Roi de Perse est émerveillé de la droiture et de la qualité et de la beauté d’Esther. Quand, audacieuse, elle vient vers lui, il lui dit en persan des phrases merveilleuses au lieu de la repousser: «Qu’y a-t’il vers toi, Reine Esther, et quelle est ta demande. Jusqu’à la moitié du royaume je te le donne». Quel bonheur si c’est la relation que vivent tous les époux! Vraiment, chacun est alors moitié totale avec l’autre. Ce dialogue est encore plus beau que le Cantique des Cantiques car il n’a aucune déception.

2. Et pourquoi en Perse-Iran? C’est vraiment alors la réussite de toute la Création qui commença difficilement entre Adam et Eve. Pour bien comprendre ces dialogues dans leur langue originale, j’ai appris le persan, de même que j’ai appris l’arabe avant notre alya. Rien de politique en cela, simplement travailler et participer à la réussite de la Création de bonté.

3. Mais pourquoi, dans toute l’histoire, cela se passa-t’il uniquement en Iran? Quand on connaît la littérature poétique constante de cette nation, on comprend mieux: dans tous les siècles c’est une littérature d’amour total, délicat, inégalé (Roumi, Hafez, et autres). Même les discours des meetings politiques qui luttent contre les horreurs sont en poèmes d’une beauté allusive inimaginable et que tous les auditeurs captent sans ajout politique précis et sans demander autre chose. 

4. Mais il faut lire les dernières lignes de toute la Bible (II Chroniques 36;22-23) pour comprendre pourquoi notre tradition a remis le message ultime à ce peuple, non pas à un prophète ni à un rav de notre peuple. Voici ce texte stupéfiant: «Dans la première année de Cyrus roi de Perse, à l’époque où devait s’accomplir la parole de Hachém annoncée par Jérémie, Hachém éveilla le bon vouloir de Cyrus, roi de Perse; et celui-ci fit proclamer dans tout son royaume par la voix (des messagers) et aussi par des missives écrites ce qui suit: Ainsi parle Cyrus, roi de Perse: Hachém, Dieu du ciel, m’a mis entre les mains tous les royaumes de la terre, et c’est Lui qui m’a donné mission de lui bâtir un Temple à Jérusalem, qui est en Judée. S’il est parmi vous quelqu’un qui appartienne à Son peuple, que Hachém son Dieu soit avec lui et qu’il monte (véyaâl, la alya)». Quand on pense au conflit actuel entre une minorité qui a pris le pouvoir en Iran et le mal qu’elle veut faire à Israël et à son peuple et à son droit à Jérusalem, on comprend qu’il y a en ce moment une heure historique comme Pourim.

Je ne rajoute pas, méditons, aimons ce peuple qui a tant aimé le nôtre, qui nous a parlé clairement avec les noms divins et selon l’essentiel de l’attente divine. Quel peuple. Prions pour lui. Et ouvrons la Bible, le Tanakh, pour y relire ces lignes comme message final de toute la Torah et de toute l’histoire humaine. Et comme la tombe de Cyrus en Iran. Soyons infiniment et délicatement reconnaissants à ce peuple. Un poète iranien au 14e siècle au nom de son peuple a écrit: «je possède un joyau et je cherche quelqu’un qui puisse le regarder, Goharé dâram béssaheb nazari mi djouyam» (Hafez, Diwan 373,4). Soyons ce regard dont ils ont besoin à leur tour aujourd’hui. Et écoutons la méguila de Pourim dans ces regards vrais et nouveaux. Que notre qualité envers eux leur apporte à leur tour ce qu’ils nous ont autrefois donné. Gratuitement, comme le Créateur le fait. De tout coeur tous ensemble à Pourim.

Rav Yehoshua Rahamim Dipour

 
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