Conseil à l'électeur juif qui songerait à voter pour le Front national

Par Laurent Sagalovitsch 

[Blog] Certes Marine n'est pas la fille de son père quand il s'agit d'antisémitisme. Mais de là à se l'imaginer en protectrice du Juif traumatisé, c'est tout de même pousser un peu loin le prépuce.

Je sais, je sais ce que tu vas me dire.

Que la fille n'est pas son père ni sa nièce –Dieu nous en préserve– que le Front national a enfin compris que de toutes les raclures possibles, ce n'était pas le Juif qu'il fallait stigmatiser mais bien l'Arabe de service, que désormais la formation frontiste regardait Israël avec les yeux doux, que les Juifs, tous les Juifs étaient désormais les bienvenus pour soutenir Marine et toute sa clique.

Que l'histoire n'est pas un éternel recommencement, qu'il faut arrêter avec le traumatisme de la Shoah –personne ne va être déporté de nouveau– qu'on n'a rien à craindre de ces gens-là, que ce sont les immigrés qu'ils ont dans le nez, pas nous; nous on respecte la Loi de République, nous on n'est pas des sauvageons, nous on ne brûle pas des bagnoles, nous on ne fait pas des cartons dans des salles de spectacles, nous on ne brandit pas des drapeaux algériens sur nos balcons ; nous on sait se tenir.

Et cela, au FN, ils en ont sacrément conscience. Ils nous admirent presque. Parce que nous les Arabes on connaît pas vrai ? On sait ce que c'est. En Israël, les Arabes ils ont trouvé à qui parler. Et cette attitude de fermeté vis-à-vis des indigènes, les frontistes ils la respectent vachement. On est un modèle pour eux.

Quand je leur dis que je suis juif à mes camarades, c'est tout juste s'ils ne me félicitent pas de l'être. Je représente le fort désormais, la grande gueule de colon qui marche sur les Palestiniens en piétinant à tout-va le Droit international.

Ce discours, parfois, parfois seulement, je commence à l'entendre.

On sait les efforts entrepris par les dirigeants du Front National pour expurger de leur idéologie toute trace d'antisémitisme. Pour apparaître comme le meilleur défenseur de l'impossible communauté juive. Pour leur dire qu'eux et seulement eux, des hommes avec des vraies couilles, sauront nous protéger des Merah et autre Nemmouche.

Balivernes!

Je veux bien croire que Marine Le Pen ne se réveille pas tous les matins en se demandant combien de youpins elle va buter dans la journée, je veux bien concéder que rien dans son comportement de ces derniers temps ne laisse à penser qu'elle s'endort tous les soirs en relisant l'exemplaire des Protocoles des Sages de Sion empruntée à son père mais de là à se l'imaginer en protectrice du Juif traumatisé, c'est tout de même pousser un peu loin le prépuce.

Quand on se prétend grande prêtresse de la cause juive, on ne va pas comme en 2012, juste quelques semaines avant l'élection présidentielle, danser la valse de Vienne au bras d'ignobles nostalgiques du Troisième Reich. C'est pourtant ce qu'elle a fait sans jamais exprimer un quelconque remords. Rien que pour cette imprescriptible infamie, je me garderai bien de lui confier les clés de la synagogue.

Et puis surtout, derrière la belle façade d'un Front national aimant tous les circoncis de la terre, enfin les circoncis point trop bronzés.., il y a l'envers du décor, là où s'agite et prospère toute une galerie de militants ou de responsables locaux qui ont tâté de l'antisémitisme depuis si longtemps maintenant que tout effort de désintoxication serait voué à l'échec.

Ceux qui voient dans la France une nation de race blanche de filiation uniquement chrétienne, ceux qui attrapent des crises d'urticaire quand votre patronyme ne sent pas le doux parfum de la campagne française, ceux qui astiquent encore en secret le portrait du Maréchal accroché au vestibule de leur indécrottable nostalgie, ceux qui s'en prennent à la haute finance, aux banquiers, aux lobbys, pour mieux cacher leurs passions antisémites, ceux qui vomissent l'idée même de cosmopolitisme, ceux-là ne changeront jamais. Jamais.

Pourtant, ce sont ceux-là qui feront la France de Marine. Et croyez-moi ce jour-là, il vaudra mieux connaître l'adresse des catacombes de votre ville.

Avant-hier, on a encore surpris l'un deux en plein doute révisionniste: étaient-ils vraiment six millions, ces braves sémites qui passaient leurs grandes vacances aux abords des camps d'extermination ? Ça fait tout de même beaucoup de monde à caser sous une simple douche, non?

Certes, Marine n'a pas tardé à le virer. Pas de cela chez nous. Hors de ma vue, la brebis galeuse. Dégage , petite crevure d'antisémite. Bravo, bravo  Marine!

L'ironie de l'histoire retiendra tout de même que la ville d'où Marine prononça son anathème se nomma... Six-Fours-Les-Plages.

Certes on ne va pas loin avec six fours mais tout de même.

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Laurent Sagalovitsch 

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