Premières leçons de l’arraisonnement du Marmara (info # 010106/10) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
Je n’ai pas un seul mot à ajouter à l’analyse politique publiée hier dans ces colonnes par notre camarade palestinien Sami El Soudi. Tout ce qu’il était nécessaire de clarifier figure dans son article.
Je ne peux que saluer la clairvoyance et le courage de notre pair ; s’il existe une personne à laquelle s’applique l’adjectif incorruptible, c’est à lui. Incorruptible et insensible au brouhaha médiatique et aux pressions de tous types qui fusent autour de cette affaire.
Sami El Soudi démontre, article après article, que l’on peut dignement appartenir à un peuple, nourrir des aspirations profondes et respecter son identité sans sacrifier sa lucidité et sans tomber dans la propagande d’aucune sorte.
Lorsque l’on se trouve au centre du volcan palestinien, en éruption permanente, on peut parler d’un exercice très ardu. La recette d’El Soudi me semble être de placer l’Homme un cran encore au-dessus de tout le reste, et de ne jamais oublier que tous les hommes fonctionnent fondamentalement de la même manière, répondent aux mêmes lois naturelles, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens, bouddhistes ou agnostiques.
Ca n’est qu’au prix de cette discipline d’acier que l’on peut arriver au point où on peut se permettre de dire toutes les vérités sans faire la moindre concession au politiquement correct ou aux ambiances environnantes. C’est un privilège pour moi de publier dans les mêmes colonnes que celles où s’expriment des journalistes de cette trempe.
Au reste, Israël s’est réveillé ce mardi matin une fois de plus avec la gueule de bois, ses ambassadeurs convoqués dans les pays hôtes pour fournir des explications, des Etats amis "exigeant" de notre part des "enquêtes minutieuses".
D’autres se croyant autorisés, suite à ce qui demeure un incident, à nous donner des leçons de politique ou de stratégie, lorsqu’il ne s’agit pas carrément d’ordres. L’Union Européenne, par la voix de la cheffe de sa diplomatie, Catherine Ashton, n’hésitant pas à nous enjoindre de sacrifier notre sécurité, celle de l’Egypte et du reste de la région, en permettant "immédiatement" à toutes les marchandises d’atteindre Gaza sans contrôle.
Ce, après que l’Europe se soit engagée par écrit, en janvier 2009, y compris messieurs Kouchner et Sarkozy, à œuvrer pour faire cesser la contrebande d’armes à Rafah. Et que, depuis cet engagement, le nombre des tunnels du trafic a été multiplié par vingt, sans que l’UE n’intervienne d’aucune façon, ne serait-ce que pour condamner cette industrie de la destruction.
Dire que les leaders du Vieux continent s’étaient réunis devant les caméras pour exprimer qu’ils avaient parfaitement compris que la paix ou la reprise de la guerre à Gaza était conditionnées par l’arrêt ou la poursuite de la contrebande vers Gaza !
C’est à l’aune de ces incohérences et de cette irresponsabilité chronique que l’on peut peser la valeur des déclarations et des condamnations prononcées par les mêmes personnages.
Et le calme ou la reprise des hostilités demeurent tout de même liés au maintien à l’isolement du régime de l’organisation terroriste du Hamas, inféodée à la fratrie des Frères musulmans, les plus dangereux ennemis déclarés des démocraties sur la surface de la planète.
L’approche humanitaire authentique requiert d’œuvrer pour mettre un terme à la dictature du califat de Gaza et non à lui assurer un triomphe et à lui permettre de se réarmer et de normaliser ses contacts avec les nations du globe.
Quant aux habitants de Gaza, dans le cours d’un effort qui n’a eu d’égal que l’approvisionnement aérien de Berlin lors de son encerclement par les Soviétiques, ils reçoivent d’Israël le contenu de dizaines de camions quotidiennement, qui les tiennent à l’abri absolu des pénuries.
Et si l’essentiel de la population de Gaza ne travaille pas et se trouve dépendante financièrement de la communauté internationale, ça n’est certainement ni la faute d’Israël ni celle du fatum. C’est celle d’un gouvernement théocratique et de son idéologie, qui ne placent pas l’autosuffisance économique dans ses priorités, lui préférant la fabrication de roquettes et la formation et l’entretien de cohortes de miliciens.
Nous nous trouvons, avec Gaza, dans une situation unique, où la communauté des nations finance la survie, et Israël, la logistique, permettant à une organisation criminelle et putschiste qui les haït, de se vouer entièrement à la préparation de la prochaine guerre.
C’est grande folie. Et la folie, en stratégie, ne réserve jamais de bonnes surprises.
Il est clair comme de l’eau de roche que, dans l’intérêt de la paix, de la vie et des hommes, et dans son propre intérêt - qu’il a l’obligation de prendre en compte -, Israël possède le devoir de maintenir le blocus de la Bande de Gaza.
De le maintenir jusqu’au moment où l’axe de l’obscurantisme et de la violence, Iran et Syrie en tête, n’aura plus d’autre option que de remettre réellement les clés de Gaza à l’Autorité Palestinienne, avec désarmement complet de la milice.
Jusqu’à cette occurrence, et afin d’hâter sa venue, il convient d’intensifier le contrôle des objets autorisés à pénétrer dans le califat, non de l’alléger.
C’est ainsi que le caboteur Rachel Corrie, avec 1 200 tonnes de marchandises et quelques activistes pro-islamistes à son bord, qui fait route dans notre direction, sera immanquablement, lui aussi, empêché de rejoindre le port de Gaza.
Il semble toutefois que la marine israélienne utilisera à cette fin une technique différente de celle employée pour le Mavi Marmara. C’est du moins ce qui m’a été dit par des officiers de la marine militaire.
Car la population israélienne demeure sous le choc des images de ses soldats battus et passés par-dessus bord lors de l’abordage du paquebot turc.
Des prises de vue insupportables, sur lesquelles on voit les activistes accueillir les commandos en faisant usage d’une violence inouïe, une violence destinée à tuer.
On parle beaucoup, ce mardi, de la défaillance du renseignement, qui n’avait pas su prévoir que les "pacifistes" de la flottille arraisonnée cette nuit s’étaient préparés et armés pour affronter nos soldats. Et pas uniquement avec des couteaux de bouchers et des haches, deux commandos étant soignés pour des blessures par balles.
Le renseignement a commis une faute majeure à cet égard et risqué la vie de soldats d’élite de Tsahal. Les informations qu’il a communiquées aux planificateurs de l’opération les ont amenés à héliporter des combattants équipés pour la confrontation avec des manifestants, non pour une bataille contre des tueurs désireux de faire couler leur sang.
Certes, lorsqu’il s’est rendu compte de la tournure que prenaient les événements, le PC de l’opération, embarqué sur une vedette, a rapidement autorisé ses hommes à faire usage d’armes à feu pour protéger leurs vies.
Les observateurs restent cependant interloqués devant la décision d’introduire quelques commandos, armés de fusils à peinture, sur le pont d’un navire hostile, transportant six cents militants.
Il existait d’autres moyens plus prudents d’empêcher le Marmara de poursuivre sa route. Je n’en citerai pas dans ce papier, car ils m’ont été énumérés par des officiers et pourraient être utilisés lors des futurs arraisonnements.
Ce qui est évident est que les commandos dépêchés sur le paquebot turc n’avaient l’intention de tuer personne. Au temps pour les leaders irresponsables et pyromanes qui, à l’instar d’Abbas d’Erdogan et de nombreux autres, s’autorisent à parler de massacre !
Autant pour ceux qui, avant même de connaître les faits, à l’image de Nicolas Sarkozy, ont à nouveau exprimé que l’action de Tsahal fut disproportionnée face à la menace qu’elle encourait.
C’est du contraire qu’il s’agit : l’action de la Shayetet 13 n’était pas surdimensionnée mais sous proportionnée pour atteindre l’objectif désigné. A savoir, la prise de contrôle du bâtiment en limitant au maximum le risque de pertes humaines dans les deux camps.
Mais la sous-évaluation d’un risque participe également d’une erreur du point de vue tactique. Une erreur, la seule lors de cet incident que l’on peut objectivement reprocher à Israël.
Il est ainsi clair que le sous-équipement des combattants les a privés de l’effet dissuasif lors de l’assaut. Clair que si les activistes qui recherchaient sciemment l’affrontement avaient vu débarquer, simultanément de plusieurs hélicos à la fois, des soldats puissamment armés, les tenant en joue, cela aurait considérablement augmenté l’hypothèse qu’ils se rendent sans combattre.
C’est cependant l’inverse qui se produisit, avec des militaires, en tout petit nombre initialement, avec lesquels il était loisible de se mesurer.
Au cas où l’effet dissuasif aurait été conservé, les chances pour que les commandos-yami n’eussent pas eu à faire usage de leurs armes s’en seraient trouvées grandies, celles pour que personne ne fût blessé ou tué, réduites.
La faute d’appréciation que je décris n’enlève rien de la responsabilité des activistes, qui ne se trouvaient pas en état de légitime défense et qui ont agressé pour tuer des soldats qui n’avaient pas encore employé la force à leur encontre.
Dès que les militants eurent agressé les soldats, ceux-ci se trouvèrent autorisés à se défendre, ce qu’ils firent. S’ils avaient perdu le sens de la proportionnalité ou les pédales devant la meute qui les menaçait, on aurait ramassé les cadavres par dizaines.
Les responsables de l’opération rejettent ces critiques, expliquant qu’ils avaient prévu d’agir de manière graduée, correspondant à l’attitude des gens qu’ils rencontreraient.
Ils avancent également que le risque de blessures au combat appartient au risque inhérent d’une opération d’arraisonnement, que la dégradation des événements ne les a pas surpris et qu’ils s’étaient préparés à cette hypothèse.
Bien que nous reconnaissons que les combattants ont agi avec sang froid et "professionnellement", on ne nous enlèvera pas de l’esprit que les fondements sur lesquels a été bâtie l’opération étaient inadaptés.
Au vu des images de la confrontation, nous persévérons à penser que les commandos ont eu de la chance de ne pas subir de pertes, et nous attendons, avec une certaine appréhension, les bulletins de santé détaillés des deux militaires plus sérieusement touchés.
Nous admettons aussi un autre argument présenté par l’armée, défendant qu’il est impossible de prévoir théoriquement à l’avance le déroulement d’une confrontation. Nous maintenons seulement que la préparation de l’appontement manquait d’informations pourtant disponibles.
Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder et d’écouter les déclarations bellicistes formulées par les organisateurs et des participants du convoi avant qu’il ne s’approche des eaux territoriales israéliennes.
Connaissant le mode opératoire des "services" de l’Etat hébreu, nous pensions qu’ils avaient pu infiltrer le groupe des 700 participants de la flottille, et rendre compte des armes qui étaient chargées à bord, de même que des plans dressés aux fins de s’opposer à la prise de contrôle du Mavi Marmara par les forces israéliennes.
Cela ne nous apparaît toujours pas – en comparaisons d’autres exploits précédents autrement plus complexes – comme une mission qu’il aurait été impossible de réaliser.
Il est vrai que l’on ne s’attend pas, instinctivement, à pareil comportement de la part de membres d’une expédition humanitaire. Mais ça n’est pas une excuse, le renseignement n’étant pas censé fonctionner sur la base de ses instincts, ni sous-estimer les actions qui impliquent des défenseurs d’Israël.
On s’attend maintenant à ce que les unités concernées tirent les enseignements de l’erreur commise avant-hier matin, et il ne fait aucun doute que cela sera fait. La leçon aurait pu se payer beaucoup plus chèrement. Sur le plan opérationnel, il n’y a pas lieu de dramatiser : les forces ont réagi correctement sur le terrain lors d’une situation délicate.
Les objectifs ont été atteints : la flottille des casseurs de blocus n’a pas abordé à Gaza, la cargaison est en voie d’inspection et il n’y a pas de morts parmi la Shayetet 13.
L’heure est à l’interrogatoire des membres du convoi débarqués à Ashdod. Il ne sera pas difficile d’identifier ceux qui ont attaqué les militaires. Restera la décision quant à savoir s’ils devront répondre de leur comportement devant la justice.
Cela nous paraît souhaitable, même si, dans le même temps, devant l’Assemblée Nationale française, à l’instar de dirigeants d’autres Etats, François Fillon a demandé le rapatriement immédiat et sans enquête des pacifistes armés de nationalité française.
Nous en sommes à nous demander ce que les démocraties occidentales pourraient encore faire pour préserver les réseaux qui supportent le terrorisme islamiste.
Je souhaite qu’une autre chose soit clarifiée dans l’esprit de nos lecteurs : les manifestants déferlant un peu partout sur les représentations israéliennes à l’étranger, hurlant des slogans pour l’éradication de l’Etat hébreu, ne sont pas des supporters de la paix ou des individus spontanément révulsés par l’attitude des commandos.
Ce sont des militants pro-islamistes et anti-israéliens mettant à profit un incident prémédité par les instigateurs de la croisière afin de permettre le réarmement du Hamas et son désenclavement. Ce sont des activistes qui participent au second front en vue de l’éradication physique d’Israël et de ses habitants.