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Antisemitisme - Entre les Lignes: "Chroniques du racisme ordinaire, le livre noir de la littérature du XIXème siècle."

 

Entre les Lignes: "Chroniques du racisme ordinaire, le livre noir de la littérature du XIXème siècle." 

 

Voici un livre sous l’écho duquel bien des statues de commandeurs vont trembler. Voici un livre courageux qui ébranle les idoles mais aussi les certitudes endormies. Alexandre Hurel, directeur des éditions Pimientos, s’en explique dans sa préface : « Je publiais des textes négligés de grands écrivains du XIXème siècle, dans une collection dédiée aux voyages, quand je décidais de travailler sur deux nouveaux albums, l’un consacré à l’Andalousie, l’autre à Jérusalem. Comme par un fait exprès, c’est à Jérusalem que ça a commencé. Le texte de Loti était immonde. » L’éditeur choisit alors d’édulcorer les écrits de Loti, « la plus mauvaise des solutions » avoue-t-il. « J’entreprends aujourd’hui de réaliser le volume dont j’eus l’idée à ce moment là : traquer dans la littérature, celle des « grands écrivains », ceux- là même qui ont laissé des textes inoubliables, devenus avec le temps des « classiques », traquer donc la propension à juger l’autre en fonction non de ses actes, mais de sa naissance, non de sa geste, mais de son sang ». Derrière l’image d’Epinal de ces grands modèles apparaît la face sombre de l’homme dans ce qu’il a hélas de moins exceptionnel : la facilité d’un jugement englué dans le plus mal odorant des lieux communs, celui qui fait que toute différence induit une hiérarchie. Mise en lumière de traces d’ombres oubliées et pourtant écrites de main de grand homme, noir sur blanc.

« Petit, malingre, les yeux vifs mais faux, le nez busqué, la barbiche jaunâtre, la chevelure inculte, les pieds grands, les mains longues et crochues, il offrait ce type inconnu du juif allemand, reconnaissable entre tous. » écrit Jules Verne. Le même précise : « Même à l’âge d’homme, combien de ces noirs ne possèdent pas les notions premières d’un enfant de cinq à six ans ». Question de contexte colonisateur ?  A propos d’ « un peuple sauvage et pourri que nous civilisons » comme le proclame Daudet à propos de l’Algérie.  Pas seulement, et Alexandre Hurel cite, en contre-exemples, d’autres grands tels que Chateaubriand, Lamartine, Flaubert ou Gérard de Nerval, prouvant la possibilité d’un autre regard, de la part de frères écrivains nés et ayant grandi pourtant dans le même contexte. Alors quoi ? Que penser ? Qu’être un grand écrivain n’est pas la garantie d’être à toute force un grand humaniste. Que l’homme qui nourrit l’esprit garde son paradoxe, qui peut être graduellement et en fonction de chacun, condescendance, mépris, haine. La parole s’envole dit-on, les écrits restent. Là est sans doute le propos de ce livre, l’importance, la nécessité d’une constante vigilance. De ne pas se laisser aveugler par la brillance qui peut, aussi, s’entacher de salissures.

Car ce qui fait froid dans le dos c’est de constater, au travers de ces écrits, le cheminement d’une pensée commune. C’est de trouver là, sous la plume de Jules Verne, de Loti ou de Daudet, les échos des haines voraces et cannibales d’époques plus proches de la nôtre. Les écrits restent… on frémit de terreur en imaginant  que certains des grands monstres du XXème siècle avaient sans doute eux aussi des lettres. Quand Maupassant écrit, en 1879, que « la race juive se révèle sous un aspect hideux qui fait comprendre la haine féroce de certains peuples contre ces gens, et même les massacres récents » on comprend aussi, avec effroi, que le mal n’est pas une génération spontanée, que la haine germe depuis longtemps dans d’anciens ferments.

« La plupart de ces textes seraient impubliables aujourd’hui, tombant sous le coup de la loi pour incitation à la haine raciale » précise Alexandre Hurel. On respire : nous, hommes et femmes du XXIème siècle savons enfin nous diriger vers la bonne lumière. « Ils sont pourtant largement diffusés, comme Nanette Salomon, trouvé en livre de poche. » Un souffle voile soudain notre respiration, et la lumière d’un coup s’assombrit. Nécessité de vigilance, toujours. Ces « Chroniques du racisme ordinaire » feront grincer des dents c’est certain, mais  c’est un livre militant, courageux et essentiel. A lire et à réfléchir.

http://editionspimientos.com

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