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On avait zappé la religion, nos enfants nous ont remis le nez dedans

 

On avait zappé la religion, nos enfants nous ont remis le nez dedans

 
Chloé Andries

 

 

 

Il y a quelques semaines, Delphine, 35 ans, baptisée mais totalement mécréante depuis une vingtaine d’années, a fait un « truc de fou ». Elle a amené sa fille à l’église. Pour assister à une messe. Le tout en cachette de son mec, athée convaincu, né dans une famille de bouffeurs de curés.

Delphine nous ferait-elle une soudaine crise de la trentaine version catho ? Non, elle fait simplement partie de ces personnes qui croyaient avoir totalement zappé la religion et se la reprennent comme un boomerang à l’arrivée des gamins.

Au risque de déclencher une guerre nucléaire, quand les traditions d’origine du couple diffèrent.

Delphine :

« Avec ton conjoint, tu partages tes valeurs, point barre. C’est facile. Mais quand ta fille naît, tu te pose la question de la transmission. Ça change tout. Alors que ça ne m’avait jamais effleuré l’esprit, je commence à avoir peur qu’elle passe à côté du sacré. Et je voudrais l’éveiller à la spiritualité, à la notion de communion. Alors je l’ai emmenée à l’église. Et je me suis même renseignée sur la façon de parler de la foi aux enfants.

Mon mec, ça le rendrait dingue rien que d’y penser, tout ce qui a rapport à la foi le débecte, c’est culturel et familial, chez lui. »

La situation de Delphine n’a rien d’un cas isolé. Dans une société multiculturelle et sécularisée, les couples ne partageant pas les mêmes cultures religieuses se multiplient. Et il ne suffit pas d’avoir perdu la foi pour faire table rase de son passé... Le besoin de rite et d’appartenance est toujours là.

Si on le faisait circoncire ?

C’est ce qui est aussi tombé sur Caroline et Ismaël. De cultures catholique et musulmane, la religion n’a jamais été un sujet de débat entre eux. Forcément, aucun des deux n’est croyant. Ismaël fume et boit de l’alcool, Caroline ne se rappelle plus vraiment la dernière fois qu’elle a poussé la porte d’une église. Sauf qu’à l’arrivée des enfants, un mot a été lâché : circoncision. Depuis, c’est le bras de fer.

« Ismaël me demande souvent à propos de nos enfants : qu’est-ce que je leur transmets au fond ? On fête bien l’Aïd dans sa famille, mais rien n’est vraiment expliqué, alors que les fêtes cathos comme Noël prennent plus de place dans notre vie.

Pour lui, circoncire notre fils le rattacherait à sa culture et lui permettrait d’avoir un garçon qui lui ressemble physiquement. Pour moi, hors de question d’imposer un acte chirurgical au nom d’une culture. »

Dans les couples où l’un des conjoints est d’origine musulmane, (dont l’augmentation est certaine, mais difficile à quantifier précisément), la circoncision est avec le choix du prénom l’un des principaux sujets de débat. Parce qu’elle dépasse largement la notion de croyance, mais intègre l’enfant dans une communauté, une culture religieuse.

« Un besoin irrationnel de circoncire »

Côté judaïsme, elle se nomme Brit Milah (littéralement alliance de la coupure), et se pratique huit jours après la naissance. Elle symbolise l’union de Dieu au peuple juif.

Séverine Mathieu, sociologue au CNRS, auteur de « La transmission du judaïsme dans les couples mixtes », aux éditions de l’Atelier, confirme son importance :

« La circoncision fait l’unanimité chez les pères juifs non pratiquants que j’ai rencontrés. Il ont un besoin impérieux, irrationnel, de faire circoncire leurs fils. Outre la question de l’identification, il s’agit d’un outil de transmission fort, qui inscrit l’enfant dans la lignée symbolique du peuple juif.

Plus largement, dans les couples mixtes juifs/non juifs, en constante augmentation – selon un sondage de 2002 paru dans l’Arche, 40% des juifs mariés de moins de 30 ans l’étaient avec un non-juif – le besoin de transmission est d’autant plus prégnant que le devoir de mémoire et l’angoisse de la disparition du peuple juif sont forts. Pris entre ce devoir de mémoire et une certaine culpabilité, il est donc primordial pour certains parents, juifs et non juifs, de transmettre cette culture à leurs enfants. »

C’est le cas de Bernard, juif non pratiquant, marié à Florence, de culture catholique. Leur couple s’est posé toutes les questions qui fâchent avant l’arrivée des enfants. Les garçons seront circoncis, iront à l’école publique, suivront un cours de religion juive. Bernard :

« Je veux que mes enfants sachent d’où ils viennent et qui ils sont. Les rites sont importants, car ils ont une signification par rapport à l’histoire de notre peuple. Alors que je n’y avais pas pensé avant, j’ai même ressenti le besoin de les emmener en voyage en Israël, sur les terres de nos ancêtres. »

« On dit qu’on fête Hannou-Noël »

À la maison, on se rassemble pour les grandes fêtes et on se fabrique ses propres mélanges. Où l’alimentation joue aussi son rôle de transmission, à la façon d’une madeleine de Proust. Florence :

« Entre nous, on dit qu’on fête “ Hannou-noël ”. On allume les bougies les jours précédant Hannoucca, puis le 24 décembre, toute la famille (juive et non juive) se réunit pour la dinde, le foie gras ou le homard – vu qu’ils ne mangent pas casher – , avant de poursuivre plus tard avec la fête de Hannoucca. »

Dans ce savant mélange des cultures, reste une donnée de taille... la belle famille. Le sujet a d’ailleurs largement inspiré les cinéastes ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur, comme dans « Mauvaise foi », comédie à succès de Roschdy Zem, qui met en scène un couple juif/musulman aux familles plutôt coriaces.

Extrait de Mauvaise foi, comédie de Roschdy Zem

Sandrine, mariée à Fouad, (couple catho-musulman), se souvient de la naissance de leur premier fils :

« Je savais que c’était important pour mon mari et mes beaux-parents de donner un prénom arabe. Cela ne me posait aucun problème. On avait choisi Ismaïl. Quand il est né, mon mari a téléphoné à sa mère. On se disait qu’elle serait comblée.

Il est revenu blême. Elle n’aimait pas le prénom, parce qu’elle n’avait pas été consultée avant, ce qui se fait souvent dans les familles musulmanes. Elle avait choisi Najib. Pendant plusieurs mois, je croisais des amies de ma belle-mère, qui me demandaient : alors, il va bien le petit Najib ? »

Dans un autre genre, Bruno, athée militant, jure avoir frôlé l’infarctus, le jour où sa fille a voulu lui chanter une chanson, avant d’entonner : « Je vous saaluuue Mariiiiie. »

« Je lui ai demandé : “D’où tu sors ce truc ?” Il a répondu : “C’est mamie. Avec elle, on fait le caté.” Je me dis qu’au final, moi l’athée de service et ma femme la catho qui s’ignore, on pourrait bien être aussi une sorte de nouveau couple mixte. »

 

http://blogs.rue89.com/religion/2012/07/17/avait-zappe-la-religion-nos-e...

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