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A Bellevile, Nani fait renaitre la pâtisserie juive tunisienne…

A Bellevile, Nani fait renaitre la pâtisserie juive tunisienne…

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Paris – A Belleville, la synagogue Michkenot Yaacov semble posée au centre de la vie d’une petite communauté tranquille de juifs tunisiens qui, pour certains, ont émigré ici depuis les années cinquante.

Draches, chlochims et nostalgies…

Il y a quelques jours, cette petite salle de prières accueillait le drache du mois de Betty Rachel, l’épouse de Maurice Assous, l’un des membres respectés de cette communauté qui navigue entre nostalgie d’une Tunisie perdue et maintien d’un lien solide entre ses membres.

Pour cela, les draches du mois, ceux de l’année, ainsi que les chlochims à la mémoire des défunts, sont des moments de grande intensité car ils conjuguent recueillement et retrouvailles, consacrent les liens solides de cette poignée de Tunisiens qui continuent à parler arabe et vivre ensemble, comme si Belleville était l’Ariana, la Goulette ou Lafayette.

Entre le boulevard et la petite rue Lemon, la synagogue, imperturbable et discrète, semble veiller sur ces enfants de la Tunisie parmi lesquels certains sont nés en France mais continuent à cultiver la flamme d’un pays perdu que, parfois, ils n’ont jamais connu.

En 1962, Nani Djabali crée la première pâtisserie « tune » de Paris

Comme à chacune de mes vadrouilles parisiennes, ma première visite bellevilloise est pour Nani, le maître pâtissier dont les gâteaux sont un pur délice. La vitrine ruisselle de miel avec ses « zlabia » et « makharek » qu’on dirait tout droit sortis d’une soirée de Ramadan ou bien des fourneaux de Victor à la rue des Tanneurs.

Strictement cacher, la maison est spécialiste de la « debla » que l’on appelle aussi « manicotti » ou, par dérision, les oreilles du cadi. Dans le magasin, des « makroudhs » faits au four, des « freschk » aux amandes rebaptisés « mendiants » pour sacrifier à la terminologie gourmande des Parisiens, du « boulou », des »yoyo » et d’autres friandises qui fleurent bon les enfances sixties.

C’est Nani Djabali qui a créé cette pâtisserie en 1962. D’ailleurs, cela fait de lui l’un des pionniers des commerces de bouche tunisiens en France. « Nani » revendique en tous cas d’être la première et plus ancienne des pâtisseries cacher de Belleville.

Un sirop d’orgeat unique au monde…

Aujourd’hui, après la dispartion du fondateur, ce sont Charlie à la moustache fleurie et Hervé qui tiennent la maison. C’est d’ailleurs Hervé qui m’accueille au seuil de la boutique. Nous entrons ensemble jusqu’au saint des saints, la cuisine, où tout est fait à la main, dans le respect absolu des règles rigoureuses du Beth Din de Paris.

Hervé me demande des nouvelles de Pascal qui, à Sousse, tient la dernière des pâtisseries cacher de Tunisie, après la disparition de celle de Victor, à Tunis. Je lui en donne et elles sont bonnes, puis a mon tour lui demande de me dire le secret de fabrication de son sirop d’orgeat.

Bien entendu, il ne m’en dit rien mais cette taquinerie continue à nous lier depuis de bien longues années. Quant au secret de l’orgeat, il demeure l’un des mieux gardés au monde…

Avant de nous quitter, Hervé me tend un calendrier que la maison Nani a publié à l’avènement du nouvel An. J’en tourne rapidement les feuillets, jusqu’à la date du prochain chabbat, celui du 27 novembre, ou si l’on préfère du 15 Kislev, qui fera son entrée à 16h41 pour s’achever le lendemain à 17h50.

Pétri de respect au seuil de Michkenot Yaacov

J’empoche mon calendrier puis je commence mon petit pèlerinage à Belleville, ce Tunis sur Seine, en repensant à une phrase qui a décidé de trotter dans mon esprit: « Quand tu enseignes à ton fils, tu enseignes au fils de ton fils ». Et ce sont les images, les voix et les visages de Tunis qui reviennent : Mardochee, Ygal, Hector, Saadani, Jacob et tous les autres dont les pères furent comme le mien, pétris de respect et de convivialité.

Puis, dans un Belleville que je connais sur le bout des doigts, je commence ma promenade nostalgique et gourmande, mon pèlerinage dans un Tunis virtuel, qui, toujours, commence à la synagogue Michkenot Yaacov pour se terminer par une partie de « chkoba », chez René, rue Desnoyez, au carrefour des juifs tunisiens de Paris…

H.B.

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