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Eh oui, Valls a raison, par Bernard-Henri Lévy

Eh oui, Valls a raison, par Bernard-Henri Lévy

 

 

Les éléments d’un état d’urgence intellectuel que l’on regrette de ne pas voir proclamé avec la même vigueur que l’autre.

Manuel Valls avait raison quand il a dit que le djihadisme ne souffrait aucune excuse et que refuser cette culture de l’excuse revenait à se méfier, aussi, de la tentation de trop l’expliquer.

Et il a de nouveau raison quand il met en garde, aujourd’hui, contre une possible victoire politique d’un salafisme qui est l’idéologie de ce djihadisme et qui tient l’Europe et, en Europe, la France, pour des terres de mission. Tout a commencé avec la démission des gouvernements qui ont, depuis trente ans, acheté la paix sociale en acceptant que d’autres droits que celui de la République prévalent dans des pans entiers de nos cités.

Puis ce fut l’aveuglement des mêmes, refusant de voir dans l’islamisme radical cet islamofascisme, cette troisième variante du totalitarisme, que s’époumonent à dénoncer, depuis un quart de siècle et plus, les pourfendeurs de la «pureté dangereuse».

Puis ce fut la cécité symétrique et, au fond, complice des deux extrêmes du champ politique: quand Mme Le Pen met sur le même plan, afin de les interdire ensemble (Le Monde, 21 septembre 2012), ce signe religieux qu’est la kippa et cet emblème politique qu’est le port du voile ou quand la sénatrice écologiste Esther Benbassa nous dit (Libération, 6 avril 2016) que le port de la minijupe n’est pas moins «aliénant» que celui du tchador, que font-elles d’autre, toutes deux, que de banaliser une barbarie dont le visage éventuellement humain ne peut faire oublier que l’on tue, bastonne, viole en son nom?

S’ajoute à cela la loi bien connue qui, parce que ce sont eux qui crient toujours le plus fort, donne l’avantage aux exagérés sur les modérés, aux montagnards sur les girondins et donc, en la circonstance, aux enragés du djihad sur le très grand nombre de ceux qui ne demanderaient pas mieux que de vivre leur islam dans la paix, le respect de l’autre, le droit.

Et l’on rappellera enfin, pour mémoire, la terrible reculade de cette frange de nos élites qui, quand, hier, Salman Rushdie ou, aujourd’hui, Kamel Daoud sont stigmatisés par les fous de Dieu, a pour premier réflexe de suggérer qu’ils l’ont cherché et, donc, de les stigmatiser aussi.

Le résultat, en tout cas, est là.

Il y a un faisceau de présomptions qui donnent, encore une fois, raison au Premier ministre.

Et il y a là, par voie de conséquence, les éléments d’un état d’urgence intellectuel que l’on regrette de ne pas voir proclamé avec la même vigueur que l’autre.

Comment?

Eh bien en disant – et faisant – l’exact inverse de ce qui se dit et fait partout.

1. Appeler un chat un chat. C’est-à-dire un islamiste, un islamiste. Ou, mieux, un musulman perdu, un musulman dévoyé – mais un musulman tout de même dont on ne peut plus se contenter de répéter, tels des disques rayés, qu’il n’a «rien à voir avec l’islam».

2. Admettre, autrement dit, qu’il y a, plus que jamais, deux islams; qu’ils sont engagés, l’un contre l’autre, dans une guerre à mort; et que cette guerre, parce qu’elle tient la planète pour son champ de bataille et qu’elle s’en prend, par ailleurs, à des valeurs que l’Europe tient pour universelles, n’est pas l’affaire des seuls musulmans mais nous concerne tous.

3. Déployer alors, pour identifier, démêler et exposer les réseaux de cet islam de haine et de terreur, toute l’énergie dont nous sommes capables et qui vient d’être employée pour commencer de démanteler les trafics mondiaux des fraudeurs du fisc: à quand les Panama papers du salafisme? et pourquoi pas autant de grands journaux pour aller débusquer, dans le «dark Web», les Mossack Fonseca du djihad mondialisé et ses sociétés du crime offshorisées?

4. Aider, encourager, voire armer idéologiquement ceux des musulmans qui refusent ce djihadisme et plaident pour un autre islam, respectueux des femmes, de leur visage, de leurs droits et, plus généralement, des droits de l’homme: n’est-ce pas ce que nous fîmes, jadis, du temps du deuxième fascisme, avec ceux que nous appelions les dissidents? et n’avons-nous pas eu raison, à l’époque, de ne pas écouter ceux qui nous racontaient qu’ils étaient une minorité et qu’ils n’auraient jamais, au grand jamais, raison de l’idéologie de granit du communisme?

5. Protéger un Kamel Daoud, par exemple, cet écrivain de langue française dont je répète qu’il a, pour avoir osé suggérer que l’Europe a des valeurs qu’il vaut mieux apprendre à aimer quand on vient y chercher asile, écopé d’une double fatwa: celle, pour parler comme Mohamed Sifaoui, de ses frères assassins; mais celle, plus désespérante encore, d’un quarteron d’intellectuels français prétendument progressistes et antiracistes qui lui ont reproché, quand il exhorte des hommes arabes à respecter la dignité des femmes, de «recycler les clichés orientalistes les plus éculés» (sic).

6. Bref, dans les territoires perdus de nos républiques comme dans les pays – Kurdistan, Maroc, Bosnie, Bangladesh… – où l’islam des Lumières est en pointe, s’engager dans cette guerre sans merci qui oppose, à l’intérieur du monde de l’islam, l’islam de modération et de paix à celui, criminel, des salafistes.

Telle est la tâche et telle est l’urgence.

Tel est, pour un républicain, un démocrate, un antiraciste ou un anti-impérialiste, le premier des commandements.

Il y a une guerre des civilisations, si l’on veut: mais elle est idéologique et religieuse; théologique et politique; elle traverse les mondes, les cultures et ce qu’il est convenu d’appeler, justement, les civilisations – et c’est celle qui sépare l’islam en deux.

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