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En Israël, Benyamin Nétanyahou ouvre une brèche dans le monopole des ultraorthodoxes

 

En Israël, Benyamin Nétanyahou ouvre une brèche dans le monopole des ultraorthodoxes

 

Peut-on envisager en Israël une nette séparation entre l'Etat et la religion juive ? Posant cette question, dimanche 3 juin, dans son éditorial, le quotidien Jerusalem Post répond par la négative : "Dans un Etat qui se définit lui-même comme juif, une séparation comme celle qui existe en France est non seulement impossible, elle est contraire à la raison d'être d'Israël, Etat qui a été établi pour offrir aux juifs une autodétermination politique pour la première fois en près de deux mille ans."

En décidant, le 29 mai, que les rabbins des courants réformé et conservateur seront dorénavant payés sur fonds publics -comme le sont les rabbins ultraorthodoxes-, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a ouvert un débat essentiel sur la compétence de l'Etat en matière religieuse, et pris le risque deheurter de front les partis ultraorthodoxes de sa majorité. Alors que les laïcs et les juifs religieux modérés ont dans l'ensemble salué une décision historique, les ultraorthodoxes ont dénoncé une tentative de déstabilisation du rabbinat.

Le risque politique est cependant relatif : s'il est vrai que les partis "haredim" (les "Craignant-Dieu") que sont Shass et United Torah Judaism ont souvent été les faiseurs de majorités gouvernementales, cette position stratégique a été largement affaiblie depuis que le Parti Kadima (centre-droit) a rejoint la coalition de M. Nétanyahou, le 8 mai : les partis ultraorthodoxes ne sont plus en position de faire tomber le gouvernement.

COURANTS MINORITAIRES EN ISRAËL

Les courants réformé et conservateur du judaïsme, qui sont nés en Allemagne au XIXe siècle, sont très minoritaires en Israël, où ils représenteraient moins de 200 000 personnes, alors qu'ils sont majoritaires parmi les quelque 5,3 millions de juifs américains. Cette minirévolution va concerner dans un premier temps une quinzaine de rabbins réformés et conservateurs -quelque 4 000 rabbins orthodoxes sont rémunérés par l'Etat-, à commencer par leur chef de file, "la" rabbin Miri Gold, du kibboutz Gezer : cette reconnaissance implicite d'une femme-rabbin constitue une autre provocation aux yeux des ultraorthodoxes.

Le grand rabbinat d'Israël, mais aussi le ministère des cultes et les conseils religieux locaux sont dominés par les ultraorthodoxes, qui ne reconnaissent pas aux rabbins libéraux (réformés) la moindre autorité en matière de circoncision, de mariage, de divorce et d'enterrement. Sur ce point, le gouvernement s'est montré prudent. Les rabbins réformés vont être classés comme "rabbins des communautés non-orthodoxes". Ils recevront un salaire, mais rien d'autre : outre que, à ce stade, ceux des grandes villes ne sont pas concernés, l'interprétation de la halacha (la loi juive) reste de la compétence exclusive des orthodoxes.

Il n'empêche : pour le courant du judaïsme réformé et conservateur, une brèche vient d'être ouverte dans le monopole des ultraorthodoxes. Le signal est d'autant plus significatif que les haredim sont depuis quelque temps la cible de nombreuses attaques politiques : une majorité d'entre eux sont rémunérés par l'Etat pour étudier dans les yeshivas (écoles talmudiques) et ils échappent au service militaire.

SATISFACTION DES LAÏCS

C'est la question de l'aménagement de cette exemption, prévue par la loi Tal (laquelle est caduque à partir de fin juillet), qui devrait occuper une place importante dans le débat politique israélien au cours des prochains mois. Pour les laïcs les plus militants, les ultraorthodoxes, qui ne constituent qu'environ 9% de la population mais reçoivent près de cinq fois plus en matière de subventions sociales et imposent leur loi religieuse, sont des parasites de la société israélienne. La décision gouvernementale a engendré une âpre polémique entre ses partisans et ses adversaires.

Le député du parti Meretz (laïc et socialiste) Nitzan Horowitz s'est fait le porte-parole des premiers en saluant "une étape très importante dans la lutte pour le pluralisme et la liberté de religion". Pendant des années, a-t-il insisté, le judaïsme"a été kidnappé par des groupes extrémistes [ultraorthodoxes] qui l'utilisent comme instrument politique". A l'inverse, les représentants des courants orthodoxe et ultraorthodoxe ont estimé que l'Etat n'a aucune autorité pour se prononcer sur "l'identité juive", c'est-à-dire décider qui peut être qualifié ou non de rabbin. 
 

Laurent Zecchini (Jérusalem, correspondant)

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