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Finkielkraut : «Je suis un intellectuel juif et français»

 

Finkielkraut : «Je suis un intellectuel juif et français»

 

Par Cécilia Gabizon .
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INTERVIEW - Le Crif a tenu dimanche sa première convention nationale, intitulée «Demain les Juifs de France». Les débats ont porté sur les défis communautaires, les nouveaux visages de l'antisémitisme, ou les nouveaux défis pour les Juifs de France. Alain Finkielkraut, qui participait à une table ronde, revient pour Le Figaro sur la bataille autour de l'appel « Appel à la Raison-Jcall » qu'il a signé en 2010 avec de nombreuses personnalités françaises pour réclamer la création d'un État palestinien. Le texte a suscité de profondes divisions dans la communauté où beaucoup réclament un soutien inconditionnel à Israël.

LE FIGARO. - Faut-il s'aligner sur la politique du gouvernement israélien, au nom de l'unité des Juifs de diaspora comme le prônent certains, ou assumer la pluralité des opinions ?

ALAIN FINKIELKRAUT. - Ici, les Juifs souffrent de voir Israël sans cesse critiqué et réclament un soutien inconditionnel. Mais il est absurde de réclamer une unité qui n'existe pas même en Israël, où l'opinion est divisée sur la politique conduite par le gouvernement.

Quel est la nature de votre lien à Israël ?

Mon soutien est indéfectible, mais pas inconditionnel. Ces derniers temps, mon attachement est renforcé par la vulnérabilité d'Israël. Le sionisme a échoué dans sa tentative de normaliser la vie juive. Finalement les stéréotypes antisémites se recyclent contre Israël. Le tragique du destin juif se referme sur Israël dit l'écrivain David Grossman. Et cette fragilité, bien réelle, nourrit mon amour de ce pays, j'en ai conscience.

Êtes-vous sioniste ?

Si je l'étais, je vivrais en Israël. Puisque le projet sioniste fait de l'État Hébreu le destin unique du peuple juif. Je crois qu'il peut y avoir des Juifs en diaspora. A condition qu'il existe un État où les Juifs sont majoritaires. Il y a toujours une part de crainte, que l'antisémitisme ne reprenne vigueur en Europe. Or il n'est pas égal d'être exposé comme juif à la haine, en tant que minorité, que d'être visé comme une nation.

Tariq Ramadan avait désigné les intellectuels français comme en réalité des intellectuels juifs dans une tribune qui avait fait grand bruit au début des années 2000. Comment vous qualifiez-vous ?

Ce n'est pas simple dans le monde intellectuel en France d'avouer son attachement à Israël. Je suis régulièrement conspué comme «réactionnaire» et «sioniste». Et je ne suis pas le seul. Récemment Régis Debray osait pourfendre en ces termes la tiédeur des intellectuels français devant le printemps arabe : «Ils sont tétanisés parce qu'ils ont une trouille bleue de l'islamisme et qu'ils ne savent pas quoi penser de mouvements populaires qui, tôt ou tard, risquent de se retourner contre Israël». Si l'État Hébreu en venait à bombarder les installations nucléaires iraniennes, je redoute le déchaînement médiatique et l'alliance des banlieues avec l'intelligentsia.

Qu'on le veuille ou non, qu'on soit critique ou inconditionnel, cela montre que notre sort est lié à Israël. Je suis un intellectuel juif, certes, je ne renie pas cette identité, mais pas exclusivement. Il ne faut pas essentialiser les êtres. Je me considère comme un intellectuel français.

 

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