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France : la pré-guerre civile dont il est interdit de parler

France : la pré-guerre civile dont il est interdit de parler (info # 010505/16) [Analyse]

Par Patricia La Mosca © MetulaNewsAgency

 

Mardi dernier, à Nantes, un policier a été projeté au sol par les émeutiers qui lui ont enlevé son casque et l’ont battu à la tête à l’aide de barres de fer. Le gardien de la paix a été grièvement blessé lors de cette agression, et, selon les badauds et les commerçants présents alentours, s’il n’avait pas été secouru par ses camarades ainsi que par quelques volontaires spontanés, il ne fait aucun doute qu’à l’heure actuelle, il serait mort.

 

Les media tricolores ont globalement commenté cet épisode des violences qui secouent leur pays sans interruptions, mais ils s’efforcent d’isoler et de minimiser l’étendue et la dureté des affrontements, comme nous l’explique Damien.

 

Damien, c’est cet officier de police qui nous avait informés à l’occasion du déraillement de Brétigny-sur-Orge, en juillet 2013, et qui avait permis au public de savoir ce qui s’était réellement passé sur les lieux de l’accident, notamment au sujet du pillage des blessés et des cadavres, et des affrontements entre les individus issus des banlieues et la police.

 

A l’instar de ses camarades, Damien est écœuré par le traitement biaisé de l’information. Il nous confie que, dans la seule ville de Nantes, lors de chaque "manifestation", les forces de sécurité doivent faire usage de 400 à 1 000 "grenades de désenclavement". "Ce sont des projectiles qui, comme leur nom l’indique, sont utilisés par les policiers afin de briser un encerclement dont ils sont victimes, et auxquels ils n’ont recours que lorsque leur intégrité physique est compromise.

 

Si nous ne disposions pas de ces grenades", poursuit notre interlocuteur, "des gardiens de la paix auraient été tués". Puis il termine en expliquant que "1 000 grenades de ce type en une seule journée constitue un nombre énorme qui permet d’évaluer la dimension et la violence des heurts, que l’on cache délibérément au public, de même que l’étendue territoriale du mouvement et les bilans matériel et pécuniaire des dégâts".

 

Nantes est effectivement un point rouge sur la carte des émeutes, mais toute la France est touchée. Des confrontations du même genre ont lieu chaque semaine à Paris (voir vidéo), Marseille, Grenoble, Bordeaux, Toulouse, Dijon et Rennes, à Metz et à Strasbourg, pour ne parler que de ces métropoles.

 

Le ministère de l’Intérieur et l’ensemble des media ne publient que des bilans partiels et, partant, illisibles pour permettre de saisir l’étendue du phénomène. Dans les livraisons des quotidiens nationaux, il arrive le plus fréquemment que l’on ne mentionne absolument pas ces altercations, même si elles se sont déroulées dans la ville où ces confrères sont installés, et mêmes si elles ont fait des dizaines de blessés et pour des millions d’euros de dommages au bien public et aux commerces.

 

Dans un article de mardi paru dans Le Monde, le journaliste Adrien Sénécat se contente de contester les chiffres des blessés et des dégradations articulés par Christian Estrosi, député des Alpes Maritime, Président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et Maire de Nice.

 

Pour Sénécat, l’essentiel est qu’Estrosi exagère, que ce ne sont pas 400 policiers qui ont été blessés depuis le "commencement du mouvement", mais 230, au 1er mai. Damien pose la question : "Ce journaliste se rend-il compte de ce que signifie ce chiffre de 230 collègues blessés ? De ce qu’il représente en matière de volume de violence et de souffrances ?".

 

De plus, les chiffres qui courent parmi les syndicats et association policiers, qui sont, en principe les premiers informés, font état de 311 gardiens de la paix blessés et ayant dû recevoir des soins hospitaliers, ainsi que de 111 autres, plus légèrement atteints, mais dont la plupart a justifié des arrêts de travail.

 

"C’est énorme !", s’exclame l’officier, "cela fait penser aux chiffres d’un conflit armé". S’agit-il effectivement d’un conflit armé, rebondis-je ? "Non", répond mon interlocuteur, "pour la raison que les émeutiers n’utilisent pas d’armes de guerre, pour le moment en tout cas, mais ils nous lancent des pavés, des barres de fer et des bouteilles, qui sont également capables de tuer quelqu’un".

 

La presse française parle de quelques centaines de "casseurs" dissimulés dans les manifestations qui seraient responsables des troubles, est-ce aussi votre sentiment ? Damien trépigne légèrement : "Pensez-vous vraiment que quelques centaines de casseurs au total pourraient blesser 400 policiers et membres des forces spéciales ? C’est plus qu’une plaisanterie médiatique de mauvais goût, c’est l’un des artifices destinés à flouter la réalité aux yeux des Français. En réalité, il existe des noyaux durs dans les manifs, qui se dissimulent au cœur du cortège, ils disposent de cagoules et de divers projectiles sur eux. A l’approche des forces de l’ordre, ils les agressent, mais, ce qu’il faut dire, c’est que beaucoup des autres participants les suivent et prennent part aux violences et aux dégradations. Les durs jouent le rôle de détonateurs, mais les gens qui participent à ces défilés savent pertinemment comment ils risquent de se terminer. Une personne qui n’a pas l’intention d’en découdre ne se mêlera pas à ces manifestations".

 

Existe-t-il un danger pour que ces désordres dégénèrent en guerre civile ? "A mon sens, nous nous trouvons dans une situation de pré ou de para-guerre civile, ce qui ne signifie pas qu’elle risque de menacer la survie de l’Etat. Ce, même si les violences sont désormais attisées par des personnalités politiques, tels qu’Olivier Besancenot et Jean-Luc Mélenchon, et des organisations syndicales, comme la CGT. Ce qu’ils veulent c’est créer un climat d’insécurité permanente pour affecter les prochaines consultations électorales et influer sur le déroulement du débat démocratique à l’Assemblée. Le problème se pose sur la durée", détaille Damien, "l’équation se base sur deux données : la hauteur de la flamme et la durée de la contestation. La question fondamentale s’inscrit en ces termes : combien de temps le pays peut-il respirer alors qu’un demi-million de personnes sont mobilisées par intermittence afin de l’empêcher de fonctionner, que des centaines de véhicules privés sont incendiés, des dizaines de véhicules de police dégradés, des centaines de commerces saccagés ou barricadés, incapables de se sustenter normalement, et des dommages de l’ordre de dizaines de millions d’euros infligés à la propriété publique et privée ?

 

Le vrai risque consiste à ce que le désordre actuel se pérennise et qu’il franchisse encore quelques crans dans la violence. A ce rythme, la paix et l’ordre sociaux sont effectivement menacés et la situation risque de devenir incontrôlable. D’ailleurs, à mon avis, dans certaines circonstances et dans certains lieux, elle est déjà incontrôlable".

 

Pourquoi, d’après vous, les media nationaux ne couvrent-ils pas correctement les avatars de ce soulèvement ? "On nous a dit, de même qu’aux journalistes, que si on accordait à ce mouvement la place qui est la sienne dans l’information, cela ferait boule de neige et cela encouragerait des centaines de milliers d’autres individus à participer à l’affrontement. On nous demande également de faire preuve de la plus grande restreinte dans nos répliques, en invoquant la même raison. Un responsable politique a dit à un groupe de nos officiers, que si, par malheur, un émeutier était tué, dès le lendemain et pour plusieurs jours, quelles que soient nos justifications, la France brûlerait".

 

Et vous pensez quoi de ces directives ? "Nous pensons, dans la police, que cela ne fait que retarder l’échéance, en donnant aux formations politiques impliquées dans la violence l’occasion de rameuter des renforts en touchant des catégories de personnes qui ne sont toujours pas complètement impliquées dans le mouvement. Nous pensons, qu’avec le niveau de violence auquel nous avons à faire face, et malgré tous nos efforts, il n’est pas exclu que l’irréparable survienne, d’un côté ou de l’autre. Nous pensons que le travail d’un policier est de maintenir l’ordre et de protéger les citoyens, et que le travail d’un media consiste à informer ses clients et non à préjuger des réactions des uns ou des autres en fonction des orientations du pouvoir politique. Et nous pensons qu’il est périlleux, chacun dans son domaine, de sortir de nos attributions. Nous pensons, surtout, que nous, les policiers et les gendarmes servons de paravent aux politiciens, qui nous jettent à leur place dans la fosse aux lions pour représenter le gouvernement face aux émeutiers à leur place ; et que cela dépasse notre fonction, que notre tâche n’est pas celle de boucs émissaires".          

 

Quelles sont les revendications du mouvement ? "Officiellement, c’est la révolte contre la nouvelle loi du travail, thème auquel viennent s’ajouter des conflits locaux ou régionaux. Mais, en fait, nous affrontons des gens qui veulent provoquer un changement global par la force, et qui utilisent la Loi El Khomri comme signal de ralliement, comme plus petit dénominateur commun, et comme justificatif à la violence. Quel rapport existe-t-il entre le rejet de la Loi Khomri et frapper au visage un agent au sol avec des barres de fer ?".

 

Les banlieues participent-elles au mouvement ? "Moins au niveau des revendications, plus à celui des affrontements. Il existe beaucoup d’individus issus de l’immigration parmi ceux qui nous agressent, et l’on entend fréquemment le cri d’ "Allahou Akbar" [comme sur la vidéo jointe à cet article. Ndlr.], ainsi que, moins souvent, des insultes contre la France ou contre les Juifs au cours des échauffourées. Suivant les villes, il y a un nombre au moins égal de Français d’origine entre les violents.

 

Damien, je vous trouve très lucide dans votre commentaire qui est remarquablement posé relativement à la situation que vous subissez, que nous vaut cette réserve ?

 

"La recherche d’efficacité. Hurler ne sert à rien, il est préférable de se faire entendre. De plus, nous sommes français, nous aimons notre pays et nous comptons bien le défendre, et non pas l’enfoncer davantage en adoptant une démarche dévastatrice. Nous sentons bien que nous constituons l’unique barrage entre la violence et les citoyens. Mais je peux vous assurer, Patricia, que les officiers et les membres des forces de l’ordre en ont très gros sur la patate, à commencer par la sensation d’être abandonnés dans l’arène, de ne pas avoir le droit de rétablir l’ordre ni de le préserver efficacement, d’être déshonorés et salis dans nos media et par certaines organisations politiques, de constater que la gravité de la réalité est cachée à nos compatriotes, et de ne pas pouvoir exprimer ce que nous avons à en dire. D’ailleurs", ponctue Damien, "ce n’est guère un hasard si, comme lors des émeutes à la Villeneuve (Grenoble, juillet 2010) et lors du déraillement à Brétigny, c’est dans la Ména, un media étranger, que nous pouvons nous exprimer librement. A l’heure actuelle, aucun media français mainstream ne publierait cette entrevue. Soyez assurée que vos analyses sont très lues par les officiers de police, de l’Armée et des services du Renseignement. Vous êtes à la fois professionnels, honnêtes, très présents et peu marqués politiquement, c’est ce que nous apprécions". 

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