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Guy Sitbon : Ghannouchi et Caïd Essebsi m'ont dit...

Guy Sitbon : Ghannouchi et Caïd Essebsi m'ont dit...

 

 

C’est Rached Ghannouchi qui parle : «Un séisme a ébranlé la Tunisie. La révolution s’en est suivie. Nous continuons à subir les secousses. La terre tremble encore».  Nous sommes dans son salon, enfoncés dans de profonds fauteuils. Qui ne tremblent pas. Autour de nous trois, parfois quatre de ses assistants. Une jeune responsable du parti prend consciencieusement des notes. Après avoir répondu une heure durant à mes questions de sa voix lente et son élocution mesurée, il s’est précautionneusement levé en s’excusant d’un sourire: «C’est l’heure de la prière».  Trois hommes et deux femmes ont déroulé des tapis dans la pièce voisine. Téléphone à la main, j’ai demandé si je pouvais filmer.

D'un signe de la tête, ils ont acquiescé. Quelques minutes de murmures sacrés et de prosternations, le rite accompli, nous renouons avec les choses de ce bas-monde.

Dans la matinée, le président de la République avait interrompu son agenda surchargé pour me recevoir quelques instants. Il m’a dit l’étroitesse et la permanence de ses rapports avec le leader  d’Ennahdha. J’ai rapporté à Ghannouchi l’estime dans laquelle le tenait le chef de l’État. «Nous n’avons pas le même âge, a constaté Ghannouchi, mais nous avons traversé les mêmes époques. Nous sommes tous les deux des centristes, loin des extrêmes. Il a une vision positive de la religion, comme moi de la modernité».

Mais vous, vous êtes islamiste.

Islamiste, ce n’est pas le mot qui convient. Je suis un musulman démocrate.

Vous n’êtes pas islamiste?

Je vous le répète, je n’aime pas le mot

Vous n’êtes quand même pas un Tunisien comme les autres. Normalement, les élites tunisiennes parlent français comme Voltaire. Vous, non.

Vous savez, je n’ai appris le français qu’à l’époque primaire, sous la colonisation. Puis j’ai emprunté un tout autre itinéraire en arabe.

Du coup, l’élite tunisienne vous est étrangère.

L’élite… l’élite… elle s’est… comment vous dire… elle s’est déracinée.

Vous voulez dire que vous, vous êtes resté ancré dans le peuple.

(Il éclate de rire comme cela lui arrive souvent) C’est exactement ça. (Plus sérieusement) En fait, le peuple a commencé à étudier le français grâce à l’éducation généralisée. Le peuple s’est francisé après le départ de la France. Aussi étrange que cela puisse paraître.

Caïd Essebsi parle sécurité, économie. Il déplore que la gauche lui mette des bâtons dans les roues. Il faut mettre fin aux poursuites contre les hommes d’affaires qui n’ont aucun délit à se reprocher. Il faut tourner la page. Les entrepreneurs doivent entreprendre, les investisseurs doivent investir, se mettre à l’ouvrage pour faire repartir l’économie. La gauche médit aussi la fermeté des mesures de sécurité. Ce n’est pas sérieux. «Mais je préfère que les opposants m’injurient plutôt que de les censurer. La liberté de la presse vaut bien quelques soucis.»

Je m’étonne de la relative stabilité de la monnaie tunisienne. Virtuellement, après la tourmente de ces cinq dernières années, le dinar devrait être dans le ruisseau. Il ne s’est dévalué que modérément. D’où cette énigme ? Le génie de Chadli Ayari, le patron de la Banque centrale ? «C’est le génie du peuple tunisien.», assure Si El Béji.
Ce n’est pas l’avis du chauffeur de taxi qui me menait au Palais de Carthage. Pour lui, le terrorisme n’a d’autre raison que la misère, l’augmentation écrasante du coût de la vie. «Vous comprenez monsieur, les jeunes gens voient leur mère incapable de nourrir ses enfants. Ils en crèvent de ne pouvoir rien faire pour elle. Les gens de Daech offrent aux candidats au jihad une enveloppe de dix mille, parfois vingt mille dinars. Qui refuserait. Moi-même, à leur âge, dans leur situation, j’aurais accepté. Avant la révolution, c’était la police qui régnait. Aujourd’hui, c’est le dinar, l’argent des voleurs. Ils sont tous voleurs, les nouveaux venus.»

Daech… Moi, je le vois reçu par les jeunes dévoyés comme une nouvelle religion issue de l’Islam. Dans la chrétienté naissent parfois des églises en rupture totale avec le gros des chrétiens, il en est de même dans l’islam. Daech, c’est cette nouvelle foi.

Non, me dément Ghannouchi. Daech n’est pas une nouvelle religion. C’est une lecture extrémiste de la religion. Une variété de takfirisme, née sous la torture des polices de Gamal Abdel Nasser. Qui a une autre vision que la leur est un mécréant à exterminer. Ce qui caractérise le takfirisme c’est l’intolérance. Daech est une forme de totalitarisme. Souvent la jeunesse est aspirée  par ces idéologies qui offrent une utopie. Des Français ne sont-ils pas allés se battre et offrir leur vie auprès de Che Guevara. Le takfirisme de Daech est la seule utopie offerte aujourd’hui sur le marché des idéologies. D’où son succès.

La guerre en Syrie/Irak va durer encore longtemps?

Très probablement, longtemps. Mais ce n’est pas la seule guerre. Celle que subit le peuple palestinien n’est pas moins grave. Tant que souffriront les Palestiniens, la paix ne reviendra pas dans la région.

N’avez-vous pas remarqué que Daech n’évoque pratiquement jamais la Palestine ? Que l’Etat Islamique a frappé dans près d’une vingtaine de pays, de l’Australie au Canada, jamais en Israël?

Ils s’en occuperont plus tard. Croyez-moi, ils le feront.

Béji veut croire que la coalition internationale réussira à porter des coups mortels à Daech. Ghannouchi en doute mais il voit un autre point commun entre lui et le Président. «Nous avons été condamnés à mort l’un et l’autre à plusieurs reprises par Daech.» Ça crée des liens. Surtout lorsque la terre continue à trembler.

G.S.

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Les questions pertinentes de Guy Sitbon n'ont pas ébranlé l'aveuglement des principaux leaders de la vie politique Tunisienne.

L'islamisme démocratique est une nouvelle version de la fumisterie inventée par l'AKP, principal sponsor de Ennahda.

Le consensus établi entre BCE et Ghannouchi, place la Tunisie dans la catégorie des indigents "supportables".
Son PIB est tellement ridicule qu'il lui est impossible de prétendre à un quelconque crédit sérieux. Seul cet arrangement entre deux partis politique assurent aux occidentaux, une relative stabilité de ce pays qui crève sous le poids d'un arabisme forcé.

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