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Jour du souvenir, par Ofer Sitbon

Jour du souvenir, par Ofer Sitbon

 

 

Décembre dernier, j'ai assisté, pour la première fois, à Yad Vachem, à la cérémonie qui rappelle l'occupation de la Tunisie par les Nazis (Novembre 1942) et la rafle des Juifs qui commença alors; à cette cérémonie – dont l'initiative il y a déjà quelques années revient à  mon père Claude Sitbon – participèrent plus d'une centaine de personnes, pour la plupart originaires de Tunisie et arrivant d'un peu partout dans le pays. Outre la partie classique – discours et présentation de témoignages – il y eut un moment de grande émotion quand le chantre Gad Ichaïe chanta un piout qu'Acher Mizrahi – l'un des plus grands chantres-compositeurs du judaïsme tunisien – composa en 1930. Des lignes comme

שׁוּבִי אֶל מִשְׁכְּנוֹתַיִךְ/שׁוּבִי אַתְּ וַאֲנִי אָשׁוּבָה/וְאֶגְאַל אֶת שְׁבִיּוֹתַיִךְ/וְיִהְיוּ לְאַלְפֵי רְבָבָה/אֲרַחֵם עַל אַדְמוֹתַיִךְ/וּתְהִי לְגֶפֶן פֹּרִיָּה"

sont comme l'un des hymnes de la communauté tunisienne d'Israël et elles sont l'expression de son profond  lien sioniste – et religieux. Le public se joignit avec enthousiasme à la voix du chantre et en demanda encore – ce qu'il reçut. A la fin de la cérémonie, tout le public se rendit à la salle Yzkor – et là on alluma la flamme éternelle en souvenir des centaines de morts ; ensuite le chantre chanta un autre piout tunisien,au grand desarroi de vla responsable de Yad Vachem qui annonça le chant de El Maleh Rahamim .

 

Ces dernières années, il y a un débat en Israël autour du Jour de la Shoa et de la manière de le célébrer. Pour ne citer que la réflexion, la semaine dernière, de la directrice du Musée de Lohamei Haguetaot, qui critiqua le caractère manipulatif des cérémonies organisées en ce jour-là. Que ce  débat vienne du fait que l'on prend conscience que d'ici quelques années, il n'y aura plus de rescapés de l'enfer nazi pour témoigner, ou qu'il fasse partie de la "guerre culturelle" qui ne cesse de se développer en Israel, et dans le monde juif en général, entre le  particularisme et l'universalisme, il est évident que c'est là un sujet qui nous invite à une réflexion nécessaire.

La cérémonie à laquelle j'ai participé propose à mes yeux une direction : quelque chose dans ce rassemblement où se rencontrent "l'officialité yad vachemiste" et l'expression plus libérée qu'en donne le judaïsme tunisien, exprime à mes yeux, une sorte de milieu entre la mélancolie et l'espoir, entre l'anéantissement et la résurrection, entre la douleur et la victoire de la vie. Il est possible que les proportions réduites de la tragédie – l’occupation de la Tunisie par les Alliés en Mai 1943 empêcha que "la solution finale" soit également appliquée sur le judaïsme tunisien – ont permis aux participants de la cérémonie à Yad Vachem de "desserer la cravate »"; à mon avis, c''est justement cet aspect humain, le souvenir avec la continuation, le particulier avec l'universel, qui est la composante essentielle pour conserver et perpétuer une tradition de souvenir solidaire, commune à l'ensemble des "tribus d'Israël".

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