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Judéophobie ordinaire en banlieue

Judéophobie ordinaire en banlieue

Une triste histoire

 

Amaury Grandgil
anime le blog mesterressaintes.hautetfort.com

Ceci est une histoire vraie, qui s'est déroulée dans un collège du quartier (sensible) de la Madeleine à Evreux en 2011. L'éducateur dont il est ici question s'appelait Amaury Grandgil.

La petite histoire ci-dessous n’est pas qu’une anecdote désagréable. Ce n’est pas qu’une anecdote non plus. Cela arrive quotidiennement, malheureusement, l’insulte « feuj » (juif en verlan) se banalisant. Mais personne n’en tient réellement compte car il est établi parmi les élites qu’une personne « issue de la diversité » ne saurait être raciste. Et il est plus facile de nier les problèmes graves d’éducation se posant dans les quartiers où la précarité sociale est endémique plutôt que de chercher à les résoudre. On est libre de la réfuter comme on est libre de détourner le regard ou se cacher la tête dans le sable.

L’éducateur était content ce jour-là des adolescents qu’il avait sous sa responsabilité. Ils avaient bien travaillé. Ces jeunes étaient de toutes les origines et de toutes les couleurs de peau. Qu’il était difficile de les faire vivre tous ensemble eux qui se rassemblaient spontanément selon leur ethnie. Ce jour spécial, ils s’étaient investi sans qu’il n’ait besoin de prendre son ton sévère et de lancer une ou deux plaisanteries caustiques bien senties pour les faire taire. C’était pour le moins inhabituel pour une veille de vacances de printemps.

Drumont surpassé

Pour les récompenser, après un goûter et quelques jeux de groupe classiques, il avait décidé de leur passer un film. Il jeta un coup d’œil dans la vidéothèque de l’endroit et tomba sur deux « de Funès » : La Folie des grandeurs et Rabbi Jacob. Il évacua le premier, trop de références aux « classiques », ils n’aimeront pas se dit-il la parodie de Ruy Blas. Rabbi Jacob » avait son petit côté « citoyen » avec son discours antiraciste. Il ferait un peu d’éducation civique en passant. Il se dit que c’était sans risques…

Il mit le DVD dans l’appareil.

A peine trois minutes du film s’étaient-elles écoulées qu’il entendit fuser de toute part dans la salle des injures judéophobes d’une abjection à faire rougir Édouard Drumont lui-même. Il arrêta aussitôt la lecture du film, sermonna les coupables mettant leur agitation sur le compte de la provocation envers la grande personne choisissant un film qu’ils trouvaient ringard. Il nota en passant leurs airs tendus à l’extrême. Ils obéissaient parce que c’était lui mais il sentait bien qu’ils bouillonnaient de colère rentrée, d’une fureur qu’ils maîtrisaient à grand-peine.

Au bout d’à peine quelques secondes, les injures antijuives recommencèrent à jaillir de toute part comme un feu d’artifices. D’abord à voix basse, puis bien audibles et enfin hurlées. L’éducateur arrêta définitivement la projection de Rabbi Jacob, ralluma la lumière. Les gosses s’étaient tus. Ils voyaient bien combien ils l’avaient mis en colère et bouleversé. Mais ils se justifiaient : « Monsieur c’est à cause de la Palestine », « Monsieur les feujs y z’ont des sous, nous on n’a pas que le RSA, c’est pas juste », « Monsieur les feujs y peuvent aller dans les bonnes écoles et pas nous c’est pour ça qu’ils réussissent ». Ad libitum ad nauseam…

Haine anti-”feuj”

L’éducateur leur posa cette question : « Et si j’étais juif, moi ? Que diriez-vous ? ». Ils protestèrent en s’amusant de la question : « Vous monsieur c’est pas pareil, et puis si vous étiez feuj vous bosseriez pas ici », rajoutant cela en rigolant. Il leur rappela que eux aussi avaient été certainement victimes d’accusations racistes, d’injures sur leurs origines. Comment pouvaient-ils donc faire à d’autres ce dont eux avaient souffert ? Ils répondirent que « eux c’était vraiment du racisme contre eux, mais que les feujs ils dirigeaient la France, que tout le monde leur léchait les c…es et qu’ils dirigeaient le pays ».

Il avertit quand même ses collègues et sa direction ensuite, mais sans grande conviction, il savait très bien qu’ils ne feraient rien, excepté peut-être quelques mots bien mièvres. Ils voulaient la « paix sociale » à n’importe quel prix et partait eux aussi du principe qu’un adolescent « divers » ne peut être raciste. Ce soir-là, il ressentait beaucoup de lassitude. Il savait bien que les indignés professionnels, les donneurs de leçons habituelles sont parfaitement indifférents à ce racisme qu’ils vont même parfois jusqu’à justifier en employant les mêmes arguments que ces gosses de « quartiers ».

Mais bien entendu on est toujours libre de détourner les yeux, de se boucher les oreilles…

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