L’irrépressible retour de l’antisémitisme en Europe(info # 010805/16)[Analyse]
Par Guy Millière ©MetulaNewsAgency
Un maire musulman vient d’être élu à Londres, Sadiq Khan. Ce qui ne se dit pas, ou très peu, est que ce maire a été longtemps proche d’organisations islamistes au sein desquelles se tiennent des propos plus que douteux.
Ce qui ne doit pas être oublié est que ce maire travailliste a été élu dans un contexte dans lequel le Parti travailliste britannique est confronté à une série de « dérapages antisémites » venus de plusieurs de ses dirigeants. Ceux-ci ont été sommés de s’expliquer. Leurs explications ont été si peu convaincantes, qu’ils ont été suspendus du parti. Le chef actuel de celui-ci, Jeremy Corbyn, plutôt que s’inquiéter davantage, a décidé de nommer une commission interne pour étudier le dossier, ce qui signifie que celui-ci sera rapidement enterré.
Le dossier sera d’autant plus vélocement refermé que ces « dérapages » n’en sont pas vraiment : de multiples remarques, d’innombrables prises de position du Parti travailliste britannique, ces dernières années, ont montré que l’antisémitisme y était un état d’esprit. Et Jeremy Corbyn lui-même n’est pas très éloigné de cet état d’esprit.
L’antisémitisme de nombreux travaillistes s’est longtemps caché sous le masque hypocrite de l’antisionisme : le masque a simplement glissé et a révélé ce qu’il cachait.
Ce qui se révèle ainsi est ce que l’on pourrait avoir tendance à oublier : l’antisémitisme postchrétien, celui qui s’est développé au dix-neuvième siècle en Europe, était essentiellement de gauche et s’en prenait au Juif « avide, usurier et cosmopolite ». Et l’un des livres les plus lus chez les antisémites de gauche au dix-neuvième siècle était La question juive de Karl Marx.
L’antisémitisme au Royaume Uni a, comme ailleurs en Europe, été longtemps à gauche, et le travailliste Ernest Bevin, Secrétaire d’Etat britannique aux Affaires Etrangères après la Deuxième Guerre Mondiale, était un antisémite virulent (et un « antisioniste » très actif). Le Parti travailliste britannique d’aujourd’hui est l’héritier d’Ernest Bevin et a refermé la parenthèse ouverte par Tony Blair.
Ce qui se révèle aussi, et qu’il était difficile d’ignorer, à moins d’être sourd et aveugle, est que l’antisionisme est une déclinaison de l’antisémitisme, et que la gauche antisioniste est fondamentalement antisémite : le Parti travailliste britannique est très antisioniste, donc fondamentalement antisémite. Ernest Bevin était un précurseur sur ce plan, puisqu’il s’en est pris à Israël avant, pendant et après la naissance de cet Etat. Les dirigeants actuels du Parti travailliste britannique sont d’ardents ennemis d’Israël et des soutiens tout aussi ardents de la « cause palestinienne ».
Ils ne peuvent ignorer que la haine des Juifs est omniprésente, non seulement au sein du Hamas, mais aussi au sein de l’Autorité Palestinienne. Ils ne l’ignorent pas. Ils sont semblables en cela à toute la gauche antisioniste européenne, qui ne l’ignore pas non plus.
Ce qui est sous-jacent au fait que le masque « antisioniste » glisse et laisse voir désormais ce qu’il dissimulait est la transformation de la société britannique. La présence islamique ne cesse de s’accroître au Royaume-Uni. Elle charrie avec elle l’antisionisme islamique qui considère l’existence même d’Israël comme une insulte à l’islam. L’Etat hébreu constitue à ses yeux l’objet d’une intrusion admissible dans un territoire étranger devenu un jour [Jérusalem est tombée face à l’islam en 638, Césarée en 640] une colonie de l’islam [wakf], et destiné à le rester pour toujours.
Ladite présence charrie avec elle, en outre, un antisémitisme musulman présent dans l’islam dès l’origine, mais exacerbé par l’existence d’Israël. Les Juifs, selon l’islam, sont fourbes et menteurs et peuvent être tolérés en situation de dhimmi. Qu’ils prétendent constituer un peuple souverain est inadmissible [ils ont été colonisés par l’islam. Ndlr.] et mérite un châtiment sans merci. Le Parti travailliste britannique est impacté par la présence islamique au Royaume-Uni et s’en fait le vecteur. Il mêle donc à son antisionisme l’antisionisme islamique et l’antisémitisme musulman. Il est, là encore, dans une position similaire à celle de toute la gauche antisioniste européenne.
Le Royaume Uni a, comme le reste de l’Europe, deux millénaires d’antisémitisme dans son héritage. La gauche britannique a, elle, comme l’essentiel de la gauche européenne, plus de cent cinquante années d’antisémitisme de gauche dans son propre héritage, et plusieurs décennies d’ « antisionisme ». Elle a également dans son héritage, comme l’essentiel de la gauche européenne, plusieurs décennies de contamination par le discours islamique et par l’antisémitisme musulman.
Elle a vu émerger en elle des gens dignes, tel Tony Blair ; la gauche d’autres pays d’Europe a pu et peut inclure elle aussi des gens dignes, à l’instar de Manuel Valls.
Mais en Angleterre, la gauche s’incarne aujourd’hui dans des gens tels que Jeremy Corbyn, Ken Livingstone, Naseem "Naz" Shah, George Galloway (qui fut expulsé du Parti travailliste britannique en 2003, mais n’a cessé de se considérer comme un travailliste), ou Sadiq Khan, désormais maire de Londres.
Ces gens personnifient, on peut le craindre, une tendance profonde, et l’on peut craindre également, vu le poids croissant de l’islam au Royaume Uni, que cette tendance ne s’inversera pas.
La gauche, dans le reste de l’Europe, est porteuse de tendances identiques, et l’on peut craindre, pour la même raison, que la tendance, à l’échelle européenne, ne s’inversera pas non plus.
J’ai appelé cet article « l’irrésistible retour de l’antisémitisme en Europe » parce que je pense que ce retour est assurément irréversible.
Je me suis brièvement demandé si je devais parler de retour pour un mal qui a seulement changé d’apparences, parfois, mais qui n’a jamais disparu.
Que ce retour se fasse par la gauche ne semblera étrange et consternant qu’à ceux qui ignorent l’histoire de la gauche européenne.
Je conseillerai à ceux-là de lire ou de relire le superbe et courageux livre du regretté Robert Wistrich : From Ambivalence to Betrayal*. C’est un livre dense et long, six cent quarante-huit pages, mais c’est un livre essentiel.
Note :
*Robert Wistrich, From Ambivalence to Betrayal : The Left, the Jews and Israel [de l’ambivalence à la trahison, la gauche, les Juifs et Israël], University of Nebraska Press, 2012.
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