La démythification de Mein Kampf
Mein Kampf va être réédité en Allemagne. L’état régional de Bavière, qui en détient les droits, prévoit de publier une version « commentée » en 2015. Son ministre des finances nous rassure cependant : « c’est pour démythifier cet ouvrage », ou encore « Nous voulons clairement montrer à quel point ce livre, aux conséquences catastrophiques, est absurde ». La Bavière se propose donc de le démythifier d’urgence puisqu’il va tomber dans le domaine public en 2016. Alors on se demande si dans le même souci desa mission pédagogique, elle ne devrait pas songer à y glisser un DVD sur les camps d’extermination.
Il faut dire que l’immonde ouvrage a de beaux tirages derrière lui avec les millions d’exemplaires offerts en cadeau de mariage par l’État aux couples allemands au cours des années noires.
Ajoutons que l’interdiction dont il a fait l’objet jusqu’à ce jour, n’empêche ni nazillons ni propagandistes de se le procurer sur d’irréspectables sites comme Amazone. Quant à l’éthique, elle bricole avec ses limites comme on l’a vu, en cette même année 2012, Mein Kampf dans sa version arabe, à la foire du livre de Rabat. On n’arrête pas la culture.
Cependant ne faut-il pas craindre que cette querelle germano-bavaroise, qui reconnaît donc des « droits » à ce livre, ne devienne campagne publicitaire ?
L’affaire, s’il ne s’agit pas « d’affaires », ça y ressemble, fait débat. Certains s’empressent d’affirmer que la culture, c’est aussi mettre le nez dans la poubelle de l’Histoire, mais la sagesse d’un proverbe judéo-arabe nous prévient que « celui qui met sa tête dans les ordures ne saurait s’étonner si les poules la lui picorent ».
Les poules ne sont jamais loin et qui sait si on ne marche pas sur des œufs, peut-être même sur la tête devant ce sursaut bavarois, présenté comme une thérapie nationale à l’usage de la majorité silencieuse allemande qui va pouvoir enfin vider son sac dans la poubelle de ses pères.
Rien ne dit pourtant que le citoyen allemand, déjà rôdé aux dérives de la société qui se dit libre, accordera plus d’importance à cette édition qu’il n’en accorde aux sites pédophiles, racistes ou terroristes qui peuplent les ordinateurs européens. On pourrait même parier qu’un match du Bayern de Munich le passionnera davantage que le livre du psychopathe qu’ont adulé ses aînés. En somme on peut parier sur l’indifférence, et là est le danger !
Comme l’histoire de la haine, rompue à la pratique du copier-coller, ne dédaignera peut-être pas de faire du neuf avec du Reich moisi, on peut imaginer des doubles mentons du « nazional socialism » et des crânes rasés, en pleines « happy hours », se rengorgeant de bière et de plaisir à l’idée que leur bréviaire n’est plus qu’à quelques foulées du domaine public.
Espérons seulement que les nazillons européens ne verront pas dans la vulgarisation, voulue démythifiante, de ce livre, le signe d’un renouveau. Écumants comme ils le sont
par ces temps migratoires, ils chercheront peut-être quelques exploits de haine à se mettre sous la « Bavière » entre les mosquées et les synagogues, sans compter les têtes de Turcs
sur lesquelles leurs fusils se sont déjà exercés.
Les choses étant ce qu’elles n’auraient jamais dû être, on ne saurait que trop conseiller aux juifs et aux musulmans d’Europe de faire front commun de vigilance. Et puisque nous en parlons, osons un « I have a dream » : des intellectuels, religieux, des hommes, des mères de familles, des gosses, juifs et musulmans, manifestant ensemble contre la fatalité historique qui empoisonne leurs relations. Je ne pense pas à quelque défilé scandant « Nous sommes tous des juifs allemands » ou « Nous sommes tous des musulmans français » mais à des mots nouveaux pour le slogan d’un irrépressible appel que l’avenir serait en train d’inventer, comme un immense écho à l’exemple de courage des musiciens israéliens et palestiniens de l’admirable orchestre que dirige la baguette prophétique de Daniel Barenboim.
Pol Serge KAKON
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