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La plus grande histoire d’amour de Claude Lelouch

 

La plus grande histoire d'amour de Claude Lelouch

 

 

 

 

Quarante-quatre longs métrages au compteur. Et pourtant la même ferveur qu'au début. Après 50 ans de cinéma, Claude Lelouch dit apprendre davantage de ses échecs que de ses succès.

Claude Lelouch pourrait presque reprendre à son compte la chanson de Barbara Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous. À en juger par l'affection que lui a témoignée le public du FFM lors d'une classe de maître tenue vendredi, le lien amoureux entre les deux partenaires est encore très fort.

Quarante-cinq ans après la sortie d'Un homme et une femme; 30 après celle du film Les uns et les autres (à l'affiche pendant deux ans à Montréal!), le célèbre réalisateur français persiste et signe. Sa carrière fut jalonnée de succès fulgurants, mais aussi d'échecs retentissants. L'échange était d'autant plus intéressant qu'il succédait à la présentation du documentaire D'un film à l'autre, dans lequel l'auteur cinéaste retrace, avec beaucoup de lucidité, son parcours de créateur.

«Ce film n'était pas du tout destiné au public, explique-t-il d'entrée de jeu. Je l'ai fait pour mes sept enfants. Pour essayer de leur expliquer pourquoi leur papa s'est autant consacré au cinéma.»

D'un film à l'autre commence d'ailleurs avec un court métrage vertigineux, réalisé en 1976. C'était un rendez-vous, qui a un statut culte, est constitué d'un plan-séquence d'environ huit minutes, au cours duquel Lelouch, au volant de sa Mercedes, traverse Paris à toute vitesse sans jamais s'arrêter, en grillant tous les feux rouges. Sorte de cinéma extrême réalisé sans aucun trucage, sinon celui d'avoir remplacé le son du moteur de la Mercedes par celui d'une Ferrari. Sur grand écran, l'effet est toujours aussi saisissant. Et illustre bien la témérité d'un autodidacte qui a toujours fait des «infractions aux codes cinématographiques».

«C'est le film dont je suis le plus fier, mais aussi celui dont j'ai le plus honte, a-t-il commenté. Sur le plan civique, c'est monstrueux!»

De l'époque où, pendant la guerre, le petit garçon juif était déposé par sa mère au cinéma du coin pour y passer la journée (évitant ainsi l'attention des agents de la Gestapo) jusqu'à aujourd'hui, le cinéma reste la grande histoire d'amour de sa vie.

«Quand on aime, on ne compte pas, dit-il. Mon histoire avec le cinéma relève du rapport amoureux.»

Des hauts et des bas

Les épisodes de cette histoire ne se déroulent toutefois pas tous dans la parfaite harmonie. La critique a souvent été féroce à son endroit. Son premier long métrage, Le propre de l'homme, a d'ailleurs été accueilli avec une prophétie assassine par les Cahiers du cinéma en 1961: «Claude Lelouch: retenez bien ce nom; vous n'en entendrez plus jamais parler!»

Des films ambitieux, dans lesquels il a tout investi de lui-même, ont été des échecs sans appel. On pense à Edith et Marcel, à La belle histoire ou à Un homme et une femme, 20 ans plus tard. «Le film de trop», dira-t-il de la suite de son film le plus célèbre, emberlificoté dans une trame trop compliquée par rapport à l'histoire originale.

Au plus bas, Lelouch arrive pourtant toujours à se refaire. Sa plus récente - et longue - traversée du désert aura duré plus de 10 ans. Et aura pris fin grâce à Roman de gare, un film qu'il a d'abord signé sous un nom d'emprunt. Ces amours-là, film-somme dans lequel on retrouve même des scènes tirées d'anciens films, fut plutôt bien reçu lors de sa sortie en France l'an dernier. Aucune entente de distribution n'a toutefois encore été conclue pour le territoire québécois.

«J'ai plus appris de mes échecs que de mes succès, affirme-t-il. Quand une relation amoureuse ne marche pas, il vaut peut-être mieux se regarder en face que de rejeter la faute sur l'autre. Quand un film n'est pas adopté par le public, c'est pareil. C'est peut-être parce que je n'ai pas su bien le faire aimer.

«Toute ma carrière est faite de ces hauts et de ces bas, poursuit-il. Nous sommes plus créatifs dans la souffrance que dans le bonheur. J'ai eu l'idée d'Un homme et une femme en voyant un couple sur la plage avec un chien alors que j'avais passé la nuit dans ma voiture avec l'envie de mourir. Itinéraire d'un enfant gâté est aussi né d'un moment de dépression survenu 20 ans plus tard. Le drame, c'est qu'on a tendance à rejeter la faute sur les autres. Or, cela ne sert à rien.»

Histoires d'actrices

Si Lelouch affirme que la caméra est toujours l'acteur principal de ses films, sa carrière est bien entendu marquée par des rencontres avec des comédiens. Particulièrement des actrices.

«Annie Girardot reste l'un de mes très grands souvenirs, révèle-t-il. Elle m'a montré, avec Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, qu'on pouvait filmer non pas des acteurs, mais des êtres humains. Et que l'humeur du jour peut être déterminante. Dans Les Misérables, Annie a tourné l'une des plus belles scènes de sa vie alors qu'elle était très pressée de retourner chez elle. Elle avait des problèmes dans sa vie personnelle. La direction d'acteur, ce jour-là, ce fut sa mauvaise humeur!»

Catherine Deneuve, à qui le FFM rendait hommage hier soir, a de son côté tourné deux films sous la direction de Claude Lelouch: Si c'était à refaire (1976) et À nous deux (1979). Ce dernier film fut d'ailleurs tourné en grande partie au Québec.

«Je garde un bon souvenir de ce tournage, mais je suis quand même un peu triste quand j'y pense. J'aurais aimé faire avec Deneuve son meilleur film. Je suis triste de ne pas avoir pu aller plus loin avec elle. Catherine et Jacques Dutronc jouaient côte à côte, mais jamais ensemble. Leur couple de cinéma n'a pas marché. Le film a souffert de ces complications.»

Même avec 44 longs métrages au compteur, Lelouch ne compte pas s'arrêter. Il souhaite toujours faire «le grand film» dont il rêve. Il veut aussi s'amuser. Parmi ses projets, un film dont l'esprit rappellerait celui de L'aventure c'est l'aventure.

«Une histoire de vieux cons, de jeunes cons et de cons en activité, prévient-il. La grande connerie aura son film de référence!»

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