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La révolte des tentes : Un bol d’air pour la société israélienne

 

La révolte des tentes : Un bol d'air pour la société israélienne

 

 

Ils sont étudiants, salariés ou même traders et participent à la contestation sociale qui secoue Israël depuis deux semaines. Illana, Jonathan, Steeve, Raphael et Myriam ont répondu à l'appel à témoignages que nous avons lancé. Ils expliquent les raisons qui les ont poussés à protester et se réjouissent de "voir des sujets tels que le logement, l'éducation ou la santé revenir au centre du débat démocratique".

 

  • Illana : "Une révolte historique et originale"

Selon un sondage effectué par le journal Haaretz, 87 % des Israéliens approuvent la "révolte des tentes", ce mouvement de contestation qui s'est développé autour du thème de la vie chère. Comme d'autres, Illana Attali, 27 ans, qui réside à Tel Aviv et "travaille dans la communication", s'est tout de suite "sentie partie prenante du mouvement", lorsqu'elle a vu les premières tentes plantées sur le boulevard Rothschild. Pour elle, "la contestation ne s'inscrit pas dans un clivage gauche-droite : il ne s'agit pas de guerre aux frontières, de la création d'un Etat palestinien, ni de la question des colonies". Autant d'éléments qui en font une "révolte historique et originale", où il est question de "revendications sociales, internes, trop longtemps laissées au placard par un gouvernement qui se sert de la peur et qui brandit la menace sécuritaire pour garder les yeux du peuple fermés".

  • Jonathan : "Les Français en partie responsables de la hausse des loyers"

Avec des amis français immigrés, Jonathan Guez a monté un "petit coin tentes 'french touch' avec des pancartes en français au coin du boulevard Rothschild et de la rue Shenkin". A 28 ans, il fait partie de ces juifs nés en France venus habiter en Israël car il est "plus facile de trouver un travail". Il déplore que "le coût de la vie augmente à une allure beaucoup plus rapide que les salaires" : "Je louais un petit deux-pièces de 40 m2 sur la rue Dizengoff et le loyer a augmenté de plus de 35 % en quatre ans, passant de 600 à plus de 800 euros."

Ce trader dans une société de gestion d'actifs à Tel Aviv veut aussi redorer l'image des Français, considérés comme "des vampires de l'immobilier qui investissent dans des appartements qu'ils laissent vides presque toute l'année". Certains manifestants considèrent en effet que les Français contribuent à l'augmentation des loyers dans la capitale économique. Jonathan en convient lui-même : "Les tensions communautaires en France ont causé le départ de près de 50 000 juifs en Israël ces dernières années. A cela s'ajoute un nombre extrêmement important de Français qui ont acquis des appartements en Israël au cas ou ils devraient quitter la France dans un avenir plus ou moins proche."

 

  • Steeve : "Avoir une voiture en Israël, c'est pire que d'avoir un enfant"

Steeve Fitoussi, étudiant en cinéma à la faculté de la vallée du Jourdain, vit plus cruellement encore les difficultés sociales décrites par Jonathan. Faute de moyen de transport, il n'a pas pu participer aux manifestations : "Avoir une voiture en Israël, c'est pire que d'avoir un enfant. J'exagère, mais ça coûte vraiment très cher : entre l'essence et l'assurance, cela pourrait représenter les trois quarts du salaire de mon travail d'étudiant." D'origine française, Steeve vit en Israël depuis six ans. Même si l'Etat finance ses études, il doit travailler en tant que projectionniste dans une salle de cinéma pour se payer le loyer, la nourriture, l'électricité. Pendant les vacances, il est serveur à Eilat, une station balnéaire israélienne sur la mer Rouge.

  • Raphael : "Remettre au centre du débat des sujets comme le logement et l'éducation"

Ingénieur dans une entreprise de hautes technologies, Raphael Goldberg-Rozen se trouve plutôt bien loti par rapport à la moyenne des Israéliens. Pourtant, ce trentenaire de Jérusalem a rallié spontanément la manifestation du 30 juillet pour dénoncer la flambée des prix dans le pays : "A l'heure où les indicateurs macroéconomiques sont au vert, pourquoi moi qui travaille, qui paie des impôts, ai-je encore du mal à m'y retrouver et ne vois-je pas mon niveau de vie augmenter ?" Pour lui, "voir les manifestants remettre au centre du débat démocratique les sujets tels que le logement, l'éducation, la santé, le niveau de vie, est particulièrement émouvant" : "Même si le mouvement balbutie encore, et bien que ses différents courants ne se soient pas encore alignés sur des revendications précises, c'est déjà à coup sûr un sacré bol d'air pour la société israélienne."

 

  • Myriam : "Une effervescence à la Woodstock"

A 26 ans, Myriam Kalfon est étudiante en cinéma. Elle a vécu en France avant de revenir en Israël, son pays natal. Elle s'est vite aperçue "que la vie quotidienne était féroce" : "A part quelques rares secteurs, comme le high-tech, les salaires sont très bas. J'ai des amis managers qui gagnent moins de 900 euros par mois. Je connais peu de couples, voire de familles, qui ne s'appuient pas sur leurs parents pour surmonter les fins de mois difficiles, payer les études, se loger."

La jeune femme décrit aussi la mobilisation avec enthousiasme : "Ce qui se passe actuellement est magnifique. La contestation sociale est quelque chose de neuf pour les jeunes générations, il y a beaucoup de fraîcheur, de solidarité, d'étonnement aussi à se trouver ainsi ensemble dans la rue, et de réussir si vite a obtenir des résultats." Elle décrit une évolution rapide de la contestation depuis les premières tentes de Tel Aviv : "Le premier soir, il y en avait peut-être vingt. Deux semaines plus tard, l'avenue est recouverte sur des centaines de mètres, il y a des concerts, des projections, une vraie effervescence à la Woodstock."
Hugo Domenach

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