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La révolution des femmes arabes est encore à faire, par Rachid Barnat

La révolution des femmes arabes est encore à faire

 

 

Le sort réservé aux femmes dans les sociétés arabes est symptomatique du malaise que vivent ces sociétés, qui ont besoin d'une révolution culturelle pour sortir de l'arriération.

Par Rachid Barnat

 

«Quiconque est digne de la liberté n'attend pas qu'on la lui donne: il la prend», disait Louise Michel. Et cette réflexion, les Arabes devraient en faire leur devise. Et, surtout, les femmes arabes.

Deux informations ont retenus notre attention ces deux dernières semaines. Elles concernent deux documentaires : l'un sur Dr Nawal Saadaoui, la Simone de Beauvoir égyptienne, âgée de 84 ans, qui, par la force de son caractère, a refusé le destin que lui imposaient sa famille pauvre et son milieu social de simples fellahs; et l'autre sur Sisa Abou Daooh, une vieille paysanne égyptienne de 63 ans, qui pendant 43 ans s'est déguisée en homme pour pouvoir travailler et élever son enfant après la mort de son mari.

L'interminable combat des femmes

Ces deux documentaires sont extrêmement émouvants car ils mettent en évidence le courage et la force de caractère de ces femmes.

Émouvants certes, mais révélateurs aussi de l'injustice absolue de ces sociétés qui pour des raisons culturelles et, hélas souvent prétendument religieuses, ne permettent pas aux femmes de s'épanouir, de développer leurs possibilités et de donner ainsi beaucoup à la société.

Ces deux documentaires démontrent clairement que le droit des femmes est essentiel pour le développement des sociétés.

L'histoire de ces deux femmes pose cette question : Qu'ont elles fait de mal et de répréhensible pour mériter un tel sort? Il n'y a que les arriérés, et notamment certains mauvais théologiens pour essayer de nous dire qu'en sortant de leur statut d'inférieure et de leur destin d'enfermement dans la maison, elles commettent une faute. Que ceux qui face à ces deux destins osent soutenir cela, aillent brûler en enfer: ils n'arrivent pas à la cheville de ces femmes.

On regrette que le prix Nobel ne leur soit pas décerné, et qu'il soit accordé à des hommes politiques pour un simple discours, comme celui d'Obama au Caire !

Comment ne pas se révolter face à de tels destins auxquels les hommes ont réduit ces femmes.

Nawal Saadaoui luttant bec et ongles contre l'obscurantisme que diffusent les Frères musulmans dans la société égyptienne et qui vont jusqu'à proposer l'excision gratuite des fillettes, en disant qu'en dominant le corps de la femme on domine les femmes. Tentant avec ses faibles moyens d'éduquer les fillettes en ouvrant des bibliothèques dans les fins fonds de l'Egypte pour soustraire les enfants à l'obscurantisme qui sévit de manière endémique, elle se souvient du plaisir qu'elle éprouvait à faire les courses dans l'espoir de récupérer le journal ayant servi d'emballage aux marchandises pour le lire avec gourmandise !

Ou que pour échapper au destin des veuves réduites à la mendicité, Sisa Abou Daooh soit contrainte d'occulter sa féminité tout simplement pour faire vivre sa famille !

Si les deux femmes méritent notre admiration, elles doivent interpeller les responsables politiques de leurs pays où la condition de la femme est révoltante.

Al-Sissi osera-t-il faire comme Bourguiba?

Le président Al-Sissi a, semble-t-il, été ému par le sort de cette femme. Mais cela ne suffit pas. Osera-t-il faire ce que Bourguiba avait fait en son temps et prendre des mesures fortes sur deux plans : donner aux femmes un statut d'égalité et développer vraiment l'éducation de son peuple, seule moyen pour lutter contre tous les obscurantismes.

Ce sont des dossiers difficiles. L'un parce qu'il s'agit de s'attaquer à des comportements millénaires précisément dans une société manquant d'instruction; et l'autre parce que le défi est immense, compte tenu de l'importante population jeune de ce pays.

Pourtant le peuple égyptien qui, dans sa grande majorité, lui est reconnaissant d'avoir chassé les obscurantistes assoiffés de pouvoir, adhérerait encore plus à son pouvoir s'il prenait ces mesures qui sont les seules à le prémunir des Frères musulmans. Ce faisant, Al-Sissi pourra s'enorgueillir d'avoir ancré son pays dans la modernité, et en finir ainsi avec certaines traditions.

La véritable révolution qui restera à faire aux Egyptiens est, comme le dit Nawal Saadaoui, la révolution culturelle!

Blog de l'auteur.

Illustration: Sisa Abou Daooh et Nawal Saadaoui.

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