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Le ministre égyptien des Affaires Etrangères en Israël : très importante visite

Samekh Shoukry en Israël Israël et l’Egypte : des "alliés stratégiques vitaux dans la région

Le ministre égyptien des Affaires Etrangères en Israël : très importante visite(info # 011207/16) [Analyse]

Par Sami el Soudi© MetulaNewsAgency

 

Dimanche dernier, Samekh Shoukry était en Israël pour une visite officielle. C’était la première fois en neuf ans qu’un ministre des Affaires Etrangères des bords du Nil se rendait à Jérusalem. A son arrivée, Shoukry a déclaré que "la réalisation de la vision de la solution des deux Etats réclame des initiatives pour construire la confiance, de même qu’un désir authentique qui résiste à toutes les circonstances. L’Egypte est engagée", a ajouté le ministre, "à soutenir les efforts de paix israélo-palestiniens et est disposée à fournir pour ce faire toutes les formes d’assistance possibles".

 

Cette annonce participait de l’emballage médiatique que les deux pays avaient conjointement décidé de proposer pour dissimuler les enjeux réels de cette rencontre de la plus haute importance. Il s’agissait de ne pas pousser des Egyptiens dans les bras des Frères Musulmans, alors que la situation reste quasi-insurrectionnelle aux bas des pyramides, et que la cause palestinienne demeure sensible pour un grand nombre de concitoyens du Maréchal Abdelfattah al Sissi.

 

L’emballage en question avait été coordonné avec grand soin avec Isaac Molkho, l’émissaire spécial de Netanyahu, que l’on a plus vu dans la capitale égyptienne qu’à Tel-Aviv durant ces dernières semaines. Molkho a d’ailleurs atterri à l’aéroport Ben Gourion quelques minutes seulement avant l’arrivée du ministre d’al Sissi.

 

En fait, l’unique proposition tangible concernant le processus de paix exprimé durant cette visite concerne l’invitation faite au Premier ministre israélien et à Mahmoud Abbas de se rencontrer face à face dans la capitale égyptienne, sans conditions préalables, en présence du maréchal. M. Netanyahu, c’était dans le scénario, s’est empressé d’accueillir favorablement cette initiative, tandis qu’elle était très fraichement perçue à Ramallah, ce qui était également attendu.

 

La proposition d’al Sissi s’inscrit en porte-à-faux avec la démarche de la France, et Abbas sait qu’au Caire il ne serait pas ovationné debout par le parlement, et qu’il ne jouirait d’aucun traitement de faveur de la part de ses hôtes. Cela contraste avec la démarche des Européens, qui lui promettent de faire pression sur Israël pour qu’elle accepte de négocier un règlement ayant pour cadre la ligne d’armistice de mai 1967.

 

En résumé, on dira que le processus prôné par le Pharaon conduit à un Etat avec la plus petite indépendance possible pour les Palestiniens, assortie de garde-fous sécuritaires draconiens, alors que celui de l’Union Européenne favorise un Etat de Palestine le plus autonome envisageable, assorti d’une ingérence maximale de la communauté internationale. La différence, mais elle est de taille, consiste en cela que l’initiative égyptienne a le soutien des autres grands Etats arabes et qu’elle a une chance d’aboutir, jouissant d’un a priori favorable du Premier ministre hébreu. Tandis que l’initiative européenne, précisément parce que Jérusalem s’y oppose, n’est qu’un show qui ne mène nulle part, comme tout le monde en est conscient. Son objectif principal vise à souligner l’empathie des gouvernements du vieux continent pour la cause palestinienne, principalement destinée à calmer les populations musulmanes qu’ils gèrent, qui en ont fait un symbole et un sujet de rassemblement, source de désordres.

 

Reste que Shoukry n’est pas venu en Israël pour s’occuper des problèmes des Palestiniens dont son gouvernement n’a cure, mais de s’entretenir de l’accentuation de la coopération avec le pays qu’il définit désormais comme un "allié stratégique vital dans la région", et je tiens cette formule de la bouche même de hauts fonctionnaires cairotes avec lesquels je me suis entretenu.

 

Le gouvernement al Sissi, soit l’Armée égyptienne, considère le Hamas comme un ennemi mortel. Il n’oublie pas que cette organisation est la version palestinienne de la confrérie des Frères Musulmans, et que ce sont eux qui l’ont créée. Il n’oublie pas non plus que le Hamas avait activement participé au "Printemps égyptien", en s’attaquant notamment aux prisons pour libérer des terroristes islamistes qui avaient ensuite soutenu Morsi.

 

A cet égard, on note que le blocus imposé par l’Egypte à la Bande de Gaza est largement plus hermétique que celui des Israéliens, qu’aucune marchandise ne transite du Sinaï vers l’enclave palestinienne, que le poste frontière de Rafah est plus souvent fermé qu’ouvert, et que les habitations palestiniennes, qui dissimulaient des sorties de tunnels côté égyptien, ont été dynamitées par milliers, sans aucun ménagement ni dédommagement pour ceux qui y résidaient.

 

Un Etat palestinien indépendant est la dernière chose que Le Caire appelle de ses vœux ; Le Caire, qui exclut d’avoir pour voisin un califat islamique dirigé par le Hamas, œuvre au contraire pour la disparition de cette organisation. Le gouvernement al Sissi n’est pas même disposé à prendre le risque de l’établissement dans la Bande d’un Etat gouverné ou co-gouverné par le Fatah, par crainte d’un nouveau putsch islamiste, rampant ou violent.

 

Pour ces raisons, lorsque les Israéliens ont proposé aux Egyptiens la construction d’une île artificielle au large de Gaza pour abriter un port commercial, ils se sont vu opposer une ferme fin de non-recevoir.

 

Quant à l’Autonomie Palestinienne, l’Armée du Pharaon la considère comme un agglomérat de pantins corrompus, dont l’objectif consisterait à maintenir le statu quo le plus longtemps possible afin d’amasser des fortunes personnelles sur la base des donations internationales et arabes. A propos de ces dernières, on observe leur diminution de mois en mois, à l’exception de celles du Qatar. Parlant précisément de Mahmoud Abbas, mes interlocuteurs d’outre-canal m’affirment qu’il ne peut pas même compter sur 50 000 partisans fiables [sur un total de 2.5 millions Palestiniens, y compris à Jérusalem] vivant en Cisjordanie. "L’Autorité Palestinienne, son président et ses barons sont inconsistants et se trouvent à la tête d’une institution imaginaire, qui ne devrait pas être en charge des négociations avec Israël et qui devrait accepter avec des applaudissements une solution définitive qui serait négociée avec les Juifs par l’Arabie Saoudite et l’Egypte", affirment les membres du gouvernement d’al Sissi, ajoutant que "s’ils persistent dans leur attitude butée, arrogante et irrationnelle, ils n’obtiendront rien, et Israël avalera ce qu’il leur reste de territoires, et qu’alors, il n’y aura plus rien à faire pour eux".

 

L’un des locuteurs égyptiens de haut rang présent lors de l’une de nos rencontres m’a dit, en présence de ses collègues : "Le monde arabe en a marre des Palestiniens qui ne comprennent pas que l’ennemi des vrais musulmans est l’Iran, et que pour le combattre, notre meilleur allié est Israël", poursuivant, "cela fait des décennies que nous sacrifions nos hommes et nos ressources afin de vous aider et que vous, vous ne faites rien pour justifier le gigantesque dévouement des Arabes. Vous êtes des égoïstes dont la population vit dix fois mieux que chez nous", ponctua l’intervenant sur un ton vif.

 

Pour l’Egypte, la priorité absolue, c’est la pacification de la péninsule du Sinaï, où les islamistes, à commencer par l’organisation Wilayat Syna (Province du Sinaï – de l’Etat Islamique d’Irak et du Levant, ayant intégré DAESH en 2014), mène une guerre de guérilla contre les forces du régime. En octobre dernier, les islamistes actifs dans ce désert avaient abattu un Boeing russe, tuant tous ses occupants et infligeant un coup terrible à l’activité touristique, indispensable à la survie économique de l’Egypte.

 

Or Israël, à la demande du Caire, intervient plusieurs fois par semaine par des frappes de drones contre les djihadistes du Sinaï. La mission principale de Samekh Shoukry en Israël consistait à approfondir toujours davantage la coopération stratégique et tactique avec Tsahal, qui inclut déjà une coordination permanente au niveau opérationnel et du renseignement.

 

De son côté, Jérusalem a autorisé Le Caire à acheminer des troupes et des avions dans la presqu’île, très au-delà des limites stipulées dans les Accords de Camp David. A en croire le no.2 de Tsahal et l’ambassadeur israélien au Caire, les relations et la coopération entre les deux pays sont "plus étroites que jamais".

 

Ces relations de confiance avaient débuté lorsque, à la demande des généraux égyptiens, à l’été 2013, Israël était intervenue auprès de l’Administration Obama afin que les USA ne déclarent pas officiellement que Mohamed Morsi avait été renversé par un "coup d’Etat militaire" [bien que ce fût le cas], ce qui les aurait privés, à cause de la législation américaine, de toute aide économique et militaire. Depuis cette intervention, les relations sont allées se solidifiant.

 

En plus du volet sécuritaire direct, Sissi aimerait qu’Israël l’aide à rétablir des relations correctes avec Ankara, ainsi qu’à résoudre une dispute lancinante qui l’oppose à l’Ethiopie au sujet du partage des eaux du Nil. L’Egypte voudrait aussi bénéficier des percées israéliennes dans le domaine énergétique, notamment des forages de gaz et de pétrole dans la Méditerranée et de leur exploitation.     

 

Les discussions ont aussi certainement abordé les questions régionales, dont l’intégration des moyens militaires et leur déploiement concerté face à la menace iranienne, y compris en Irak, en Syrie et au Yémen. Au Yémen, où, les spécialistes stratégiques de la Ména en sont absolument convaincus, l’Arabie Saoudite, principal bailleur de fonds du Caire, a largement recours aux conseillers hébreux, aux drones israéliens, ainsi qu’à d’autres matériels.

 

On le voit dans le sillage de la visite de Shoukry, la coopération entre Israël et les grands pays sunnites a atteint des dimensions importantes. Au point que la cause palestinienne, longtemps instrumentalisée par les mêmes pays pour justifier la guerre contre Israël, n’a plus de raison d’être et est devenue une gêne dans l’élaboration des stratégies régionales.

 

Les Etats arabes n’ont toutefois pas officiellement abandonné les Palestiniens, car leurs opinions publiques ne le leur pardonneraient pas. Mais M. Abbas ne doit pas se laisser aveugler par l’emballage favorable décidé pour dissimuler cette rencontre bilatérale, car sans la volonté effective du Maréchal Sissi de faire évoluer notre cause, elle va s’embourber.

 

L’intelligence voudrait qu’Abou Mazen [Abbas] fasse tout ce qu’il peut pour accrocher notre petit wagon au train arabo-israélien en marche. Pour y parvenir, il devrait revoir ses prétentions à la baisse, prendre conscience de notre poids relatif dans la balance des relations internationales, et cesser à la fois sa guerre diplomatique contre Jérusalem et son soutien symbolique au terrorisme. Ce, même si, au-delà de la rhétorique, les forces de l’Autorité collaborent pleinement avec les Israéliens pour juguler ce fléau.

 

Car désormais, et c’est l’exigence d’Israël, partiellement comblée par la visite de Samekh Shoukry, Binyamin Netanyahu demande que la coopération israélo-arabe devienne visible, aussi bien dans les relations bilatérales qu’au sein des instances internationales, où les diplomates arabes agissent comme si la guerre contre les Juifs se perpétuait.

 

Faute de saisir la dynamique de la situation, les forces et les intérêts en présence, faute de laisser les Européens à leurs manipulations, à leur commerce avec l’Iran et à leurs chants de sirènes trompeurs, l’avenir de l’émancipation palestinienne, qui avait parié sur la réussite des printemps arabes, va s’embourber, et notre horizon politique va se boucher, peut-être même définitivement.

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