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Les habitants de Djerba rejettent le fanatisme

Yamina Thabet

Les habitants de Djerba rejettent le fanatisme

 

L'île tunisienne de Djerba a une réputation de tolérance et de diversité religieuse vieille de plusieurs siècles. Elle abrite la synagogue de Ghriba, la plus ancienne d'Afrique, ainsi que dix-huit autres, deux églises chrétiennes et plusieurs dizaines de mosquées. Mais des incidents récents ont porté un coup à ce climat de coexistence pacifique, et les habitants juifs s'inquiètent aujourd'hui de la dégradation de la situation sécuritaire.

Magharebia a rencontré Yamina Thabet, présidente de l'Association tunisienne de défense des minorités, pour parler de la situation et savoir comment les habitants de Djerba résistent aux extrémistes.

Magharebia : Est-on en présence d'une campagne organisée visant les minorités religieuses, ou les récentes attaques ne sont-elles que des incidents isolés ?


Ils ont attaqué la synagogue de l'école, et des heurts s'en sont suivis avec une personne de confession juive venue récupérer son fils ; il a tenté de calmer les assailants mais a été violemment pris à parti par l'un d'eux. Il m'a expliqué avoir craint pour sa vie, en particulier dans la mesure où l'autre homme brandissait l'objet pointu qu'il tenait. Après que ces heurts avec ce juif tunisien eurent contraint les agresseurs à s'enfuir, il a déposé plainte auprès des forces de sécurité en fournissant les détails de cet incident aux policiers qui recevaient sa plainte.

Thabet : Ces incidents ont débuté il y a plus de trois semaines, lorsque l'école hébraïque de Djerba a été attaquée par deux individus qui ont démoli le portail pendant que les enfants se trouvaient dans la cour intérieure. L'un de ces hommes portait un objet pointu destiné à être utilisé violemment.

Constatant que le traitement de cet incident ne bénéficiait pas du sérieux nécessaire, il a alors informé la police que l'école disposait d'un système d'enregistrement vidéo destiné à enregistrer tous les faits survenant dans ses locaux, et donc en mesure de montrer les faits. Il a précisé que l'école publierait cette vidéo sur les réseaux sociaux. Les forces de sécurité en ont alors demandé une copie et l'ont reçue ; mais aucun des suspects n'a été poursuivi et aucune mesure véritable n'a été prise contre ces agresseurs.

De plus, l'un d'eux a continué à harceler et terroriser les habitants de confession juive, s'en prenant physiquement à deux jeunes filles lors du dernier jour de la fête juive de Succoth. Il a profité du fait que les hommes se trouvaient à la synagogue pour attaquer à moto le Conseil des femmes égalitaires, faisant tomber une fille à terre en la tapant du pied et en tapant une autre après l'avoir également renversée.

Nous considérons donc ces aggressions comme une campagne systématique impliquant une persécution honteuse contre des citoyens juifs, encouragée par une force cachée visant à les chasser de leur pays.

Magharebia : Comment les habitants de l'île ont-ils réagi à ces violences ?

Thabet : Nous avons constaté le désaveu des habitants musulmans de l'île. Ils nous ont fait part de leur condamnation de tels actes, qui sont pour eux étranges et inconcevables, notamment l'indolence des autorités officielles à traiter cette question sensible qui viole les droits de base des citoyens tunisiens.

Magharebia : Et quelle a été la réaction des responsables politiques ?

Thabet : Nous avons vu l'ensemble des composantes de l'échiquier politique se chamailler et se déclarer la guerre, mais négliger les problèmes les plus fondamentaux des citoyens. D'une façon générale, les forces politiques devraient être attentives et conscientes de ce qui se produit dans les profondeurs de la société, parce que les fondements d'une société démocratique sont enracinés dans la base sociale, et les élites ne peuvent les réduire à de simples prises de position temporaires. Certains habitants juifs de Djerba m'ont même expliqué en avoir assez du rituel du pèlerinage politique de certaines personnalités du gouvernement venues pour être prises en photo lors de ces fêtes, comme s'ils venaient visiter une réserve naturelle ou voir une quelconque espèce animale en danger.

Par Jamel Arfaoui à Tunis pour Magharebia

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