Les Juifs et l'identité française, de la précarité à l'intégration, par Béatrice Philippe (*)
Ce nouveau livre explore avec rigueur et minutie la période qui va de 1784 à l'Affaire Dreyfus.
Une recension de Jean-Pierre Allali
Professeur émérite des universités, Béatrice Philippe est, sans conteste, une grande spécialiste de l'histoire des Juifs de France. En témoigne ses nombreux ouvrages sur le sujet comme « Être juif dans la société française du Moyen Âge à nos jours » (1) ou encore « Les Juifs à Paris à la Belle Époque (2).
Dans ce nouveau livre, truffé de citations, elle explore avec rigueur et minutie la période qui va de 1784 à l'Affaire Dreyfus.
« Pauvres hères, gueux ou bourgeois », les Juifs vivent depuis des siècles en terre de France. L'auteur commence par dresser un état des lieux à la veille de la Révolution qui nous emmène de l'Alsace à Paris en passant par la Lorraine, les Trois-Évêchés et le Midi. Au moment où la Révolution éclate, « les Juifs forment un corps étranger dans le pays ». On leur reproche de pratiquer l'usure et d'être incapable d'avoir des métiers utiles.
Bien après juillet 1789, c'est le 27 septembre 1791 qu'un décret émancipera les Juifs de France, décret qui aura force de loi le 13 novembre de la même année. Puis viennent les années de Napoléon le Grand avec l'Assemblée des Notables de 1806, sous la présidence du Bordelais Abraham Furtado suivi du Grand Sanhédrin de 1807. Dès lors vont s'organiser les Consistoires et, au fil des ans, les Juifs vont devenir des « Français à part entière ».
À juste titre, Béatrice Philippe note que les Juifs, loin de se contenter des droits acquis de haute lutte, compterons parmi les défenseurs des Noirs, des Chrétiens du Liban et des minorités et seront de farouches partisans de l'abolition de la peine de mort.
Très vite, les dirigeants de la communauté juive réalisent que l'instruction est un levier essentiel de l'intégration. Très vite, des écoles sont installées comme celle du passage des Singes dans le quartier du Marais à Paris. Avec l'Alliance Israélite Universelle, créée en 1860 et l'ENIO, des établissements voient le jour en France métropolitaine au Levant et en Afrique du Nord.
Des développements intéressants sont consacrés au maintien scandaleux du serment « More judaïco », à l'affaire Mortara, aux débuts du sionisme, aux mariages mixtes et aux conversions avec des incursions dans les communautés voisines de la France : Allemagne, Italie, Europe de l'Est. Sans oublier « Nos frères d'outre-Méditerranée ».
En achevant son étude à l'époque de l'Affaire Dreyfus, l'auteur déclare : « La conclusion ne peut être que provisoire... » On sait ce qu'à été depuis la vie des Juifs de France.
Un travail très intéressant.
Notes :
(*) Éditions Odile Jacob. 318 pages. Janvier 2016.
(1) Éditions Montalba, 1979 et Éditions Complexe, 1997
(2) Éditions Albin Michel, 1991
Commentaires
Surprenant que l’on oublie l’un des quatre piliers de la société française (et pourtant l'un des plus importants). Volonté d’oubli volontaire, marque d’anti sémitisme (ne pas parler de ce qui est, est aussi un anti), ignorance d’une réalité ou encore volonté de rester au dessus de la mêlée au nom d’une érection divine (par le jeu de l’élection). Pourquoi cette impasse…. ?
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