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Les nouveaux visages du racisme

 

Les nouveaux visages du racisme

 

 

 

 

Les manifestations de rejet de l’autre ont évolué. Elles se fondent moins sur des critères biologiques que sur des aspects culturels et religieux.

Le racisme exprime davantage une peur de voir son identité remise en question par d’autres.

Pour œuvrer contre ce phénomène, beaucoup misent sur le milieu scolaire, où se manifestent, dès le plus jeune âge, des violences à caractère raciste.

La France a-t-elle gagné ou perdu du terrain contre les manifestations du racisme ? Difficile de répondre à la question tant cette hydre du rejet de l’autre renouvelle sans cesse ses visages.

Certes, le racisme scientiste du XIXe siècle qui reposait sur une hiérarchie des hommes selon leurs caractéristiques morphologiques, s’est considérablement affaibli. Mais il se nourrit désormais d’autres sources. Aujourd’hui, tandis que 8 % de la population considèrent qu’il existe des races supérieures aux autres, 27 % des personnes interrogées se reconnaissent elles-mêmes « plutôt », ou « un peu » raciste (1).

L’écart entre les deux chiffres manifeste bien que ce terme recouvre de nouveaux mécanismes de pensée. En outre, la statistique officielle fait état d’une augmentation continue des actes et menaces à caractère raciste. En 1990, la police répertoriait un total de 600 faits constatés, contre plus de 1 200 en 2011.

Une réaction aux expériences de la vie

« Plutôt que sous la forme d’une idéologie, le racisme émerge bien davantage dans les milieux fragilisés comme une réaction aux expériences de la vie quotidienne : des différences dans les habitudes alimentaires ou des coutumes, peuvent aboutir à un rejet brutal d’autres catégories de personnes jugées comme incompatibles et en particulier des musulmans », observe Alain Mergier, sociologue et directeur du cabinet d’étude Wei.

Depuis plusieurs décennies, les ressentiments communautaires progressent. Selon un sondage diffusé en avril dernier par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), les Roms constituent « un groupe à part » pour 77 % des personnes interrogées. Un jugement qui atteint 51 % pour les musulmans, 40 % pour les Maghrébins, 38 % pour les Asiatiques. Tandis que 55 % estiment « qu’aujourd’hui, en France, on ne se sent plus chez soi comme avant ».

Intégration

« Tout le paradoxe de la France est d’être multiculturelle sans être pour autant multiculturaliste, mais intégrationniste », analyse l’historien Pascal Blanchard, pour qui le pays n’a jamais vraiment soldé son passé de puissance coloniale.

« Les lois et les discours antiracistes ont été élaborés dans les années 1970-1980 sur des grands principes sans tenir compte du passé, qui a forgé des rapports comportementaux », poursuit-il. Le chercheur au laboratoire communication et politique du CNRS prône une mobilisation citoyenne, médiatique, institutionnelle pour rompre ce silence.

Une baisse de la tolérance

Chaque individu peut être amené à sentir son identité menacée. Il suffit parfois d’un fait divers, pour mettre le feu aux poudres. À la suite de l’affaire Mérah, la courbe des violences a fait un bond, avec 167 agressions, menaces et actes d’intimidation sur le seul mois de mars.

Le service de protection de la communauté juive (SPCJ), via un partenariat de longue date avec le ministère de l’intérieur, enregistre habituellement une quarantaine d’actes antisémites chaque mois.

L’affaire d’Aigues-Mortes (Gard), début août, où un couple avait proféré des propos racistes et ouvert le feu à huit reprises sur des jeunes, faisant un blessé léger, n’a pour l’heure rien de représentatif des faits habituellement constatés. Mais la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges, craint que ce cas ne préfigure une résurgence des violences xénophobes.

« Nous savons que les chiffres que nous récoltons ne sont que l’écume de la réalité, affirme-t-elle. Globalement, un ensemble de facteurs – la crise économique, l’insécurité sociale, ou encore la dédiabolisation du FN – conduit à une chute du seuil de la tolérance. On sent que ce racisme “banalisé”, qui se traduit le plus souvent par un regard, un ricanement, un commentaire déplacé, peut très vite déraper. »

Eduquer les enfants à la différence

Plus personne n’est à l’abri du rejet, et plus personne n’en a le monopole. Sur le moteur de recherche « Google », le mot le plus fréquemment associé au terme « racisme » est « anti-blanc ». De fait, une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) publiée en avril dernier montrait que 18 % de la population dite « majoritaire » aurait déjà été la cible d’insultes, de propos ou d’attitudes racistes.

« Il y a cette tendance, quel que soit le sentiment d’appartenance, à chercher dans son groupe la stratégie identitaire la plus favorable, de manière à ressortir gagnant de la comparaison », observe Philippe Castel, chercheur en psychologie sociale à l’université de Bourgogne.

« Par exemple, une personne de statut social modeste pourra reprendre le dessus en affichant la “supériorité” de ses valeurs cultuelles ou religieuses », poursuit-il. Pour lutter contre cette mécanique pouvant conduire à des surenchères, le chercheur prône des actions éducatives dès le plus jeune âge.

Car les discriminations n’attendent pas le nombre des années. Selon une étude de 2011 réalisée par l’éducation nationale auprès de 18 000 collégiens, les violences verbales liées à l’origine représentent la part la plus importante de l’ensemble insultes proférées par les élèves (16,8 %), devant celles liées à la religion (8,2 %).

« Dès la maternelle, l’enfant développe une compétence à distinguer les choses. C’est sans doute le moment le plus propice pour commencer à percevoir la différence sans en avoir peur, et sans la rejeter », poursuit Philippe Castel.

(1) Sondage issu du rapport 2011 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

 

 

JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS 

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