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Mitzpe Ramon, la magie au centre du Néguev

Mitzpe Ramon, la magie au centre du Néguev

 

 

La première fois que l’on prend le bus de Beershéva pour Mitzpé Ramon par la route 40, pendant ces 85 kilomètres dans les cailloux, le sable, les rochers et quelques touffes d’herbes du désert, on ne peut s’empêcher de penser : des tentes de Bédouins, des bases militaires ou quelques kibboutz pionniers, oui, mais une ville ! Et puis, après une heure et demie de route, arrivant sur les hauteurs des monts du Néguev, à 830 m d’altitude, Mitzpé Ramon !(en français : point d’observation du Ramon).

Le bus traverse d’abord un quartier moderne de petites villas avec garage, terrasse et jardinet, villas qui gagnent chaque année sur le désert.
On passe alors devant le grand hôtel, Auberge du Ramon, entouré de bâtiments à trois étages et l’on descend au centre ville. Puis de nouveau de petites maisons couleur de sable, bordant le désert, avant d’arriver à un quartier de blocs de trois étages, aux murs blancs, près du Makhtesh Ramon (le cratère de Ramon).
 Descendre du bus, c’est être accueilli par des ibex. Si tu veux aller plus loin, vers le sud, trouver une autre ville, il te faudra franchir encore 120 km dans ce Néguev rocheux et tumultueux, et ce sera Eilat.

Le Makhtesh Ramon

Un immense « cratère », ou plus exactement selon le mot hébreu, un « mortier ». C’est un cirque d’érosion karstique, formation géologique unique dans le monde, de 40 km de long, et de 10 km de large.
Ramon, vient du nom arabe « Romans » donné à une voie au fond du cirque que les Romains auraient tracée.
Mitzpé Ramon est donc construite sur l’arête nordique de ce Makhtesh.
Lorsque l’on est sur le « balcon des oiseaux », plateforme en bois qui surplombe le vide d’une falaise de 500 m, à contempler cet immense cirque et ces chaînes de montagnes qui se succèdent jusqu’à l’horizon, on peut tout à fait ignorer qu’il y a une ville derrière nous ; on peut tout au plus se rappeler que l’on a passé la nuit dans l’auberge de jeunesse à 50 m de là. Et pourtant la ville de Mitzpé,  qui n’est encore qu’un Conseil local, est bien là, avec ses 5 500 habitants.

Histoire d’une ville au cœur du désert.
Dans les années 1950, il n’y avait là que des camps transitoires pour les ouvriers construisant la route 40 allant de Beershéva à Eilat, et un poste militaire.
En 1956, quatre familles, des pionniers, débarquent dans ce désert pour y demeurer, trois familles d’Afrique du nord et une de Paris :
 « On habitait dans des baraques en plaques d’amiante », raconte Rachel, l’une de ces pionnières, mère de cinq enfants.
Actuellement deux filles avec leur famille sont dans des kibboutz du pays, deux (une fille et un garçon) à Mitzpé et l’aînée aux Etats-Unis.
Quant à Rachel, elle n’a jamais quitté Mitzpé.
« On faisait venir l’eau en camion citerne que l’on emmagasinait dans des conteners. Nous avions deux petites filles en bas âge, c’était dur, mais l’ambiance était sympathique, on mangeait ensemble le shabbat ». Elle nous montre une photo de l’époque, une dizaine d’enfants posent dans ce désert, debout sur le sol aride : des plaques de pierre.

Aujourd’hui, Mitzpé Ramon est une ville agréable, aux larges avenues avec des palmiers, des eucalyptus, des bosquets de pins, des fleurs, des rosiers, des peintures claires et naïves un peu partout ; beaucoup de bancs et de nombreuses aires de jeux pour enfants, une piscine, une bibliothèque, un centre communautaire, des écoles, des dispensaires, une grande surface, un marché hebdomadaire, une banque, une poste, des synagogues, des magasins, des coiffeurs et des clubs pour tous les âges et toutes les traditions orientales ou russes. A la sortie de la ville, des pierres sculptées en mémoire de la Shoa et un monument en souvenir des 15 soldats de Mitzpé tombés pour le pays.

En 1960, de nouveaux immigrants juifs du Maroc et de Roumanie furent envoyés sans cérémonie dans ce lieu désertique : « à une heure et demie de Tel-Aviv » leur avait- on dit pour les rassurer. Plusieurs, en voyant ce désert, ont pensé : « demain nous repartons ». Mais ils sont restés et ont construit cette ville.
Une des raisons originelles pour fonder une ville dans cet endroit isolé au milieu du désert, était de tirer profit du trafic sur la route 40 qui relie les grandes villes de la bande côtière et du Nord Néguev à Eilat, le port du sud sur la Mer Rouge. L’autre raison était la volonté de l’Etat de renforcer la population dans un espace quasiment vide, le Néguev, afin d’affirmer pleinement l’appartenance de la région à Israël ; Sdé Boker, le kibboutz de David Ben Gourion, n’est pas loin.

Malheureusement la croissance de la ville fut sévèrement stoppée pendant plusieurs années quand, vers la fin des années 1960, la route 90, plus grande et plus directe, a été ouverte dans la Arava, le long de la frontière jordanienne.
En effet pratiquement tout le trafic vers Eilat a dévié par cette route et Mitzpé Ramon s’est retrouvée isolée. Il faudra attendre le milieu des années 90, avec l’arrivée de nouveaux immigrants, l’aménagement de la route 40 qui s’avérait difficilement praticable et la croissance de l’éco-tourisme, pour que la ville connaisse une renaissance.

En 1980, après qu’Israël ait rendu le Sinaï à l’Egypte, beaucoup de familles de militaires de carrière s’installent à Mitzpé Ramon. Des camps militaires se multiplient dans le Néguev. De plus, l’armée de l’Air s’installe dans la région, avec son école d’officiers à proximité de Mitzpé.

En 1990, Mitzpé Ramon se joint à l’effort national pour l’intégration de nouveaux immigrants de l’ancienne Union Soviétique (3000 environ) qui prendront une place importante dans l’évolution de la ville. Parmi eux, beaucoup de retraités touchant leur retraite d’Israël.

Fin 1990 début 2000, de nouveaux arrivants attirés par l’environnement désertique, le calme et l’air pur, fuyant les villes, avec des options de vie écologique ou spirituelle, viendront s’ajouter à la population et renforcer son caractère fluctuant. En effet, les familles des militaires ne restent que quelques années, suivant la mutation du père. Et beaucoup de jeunes, faute de travail, quittent Mitzpé, quelques uns seulement reviennent. Par contre, de plus en plus de familles religieuses viennent s’installer là, désirant vivre au désert.
Il faudrait encore parler des 50 Hébreux Noirs installés à Mitzpé et des Bédouins du voisinage qui viennent en ville faire leurs achats et recevoir des soins.

Le quartier industriel

Le quartier industriel, appelé maintenant le « quartier de la route des épices », est un bon exemple de ce développement de la ville dû à ces pionniers d’un nouveau genre.

Il y a 10 ans, ce quartier à l’entrée de la ville n’était qu’un ensemble de hangars abandonnés, plus ou moins en démolition.
En effet si au début les habitants avaient essayé de lancer des industries comme la fabrication de bouchons de bouteille, de plastique, très vite ces entreprises durent fermer : les matières premières venaient de trop loin, de Beershéva à plus de 80 km, et ce n’était pas rentable. Or, depuis les années 2000, ce quartier reprend vie. Des pionniers nouveau style sont venus l’habiter et, poussés par quelque idéal sioniste ou spirituel, y ont créé des structures originales. Les murs des hangars sont ornés de peintures gaies et claires.
Si, dans certaines de ces baraques colorées on trouve des chantiers plus traditionnels comme une usine de vêtements militaires où travaillent une cinquantaine de femmes, une menuiserie, une fabrique de cadres en aluminium, un magasin de matériaux de construction, on peut découvrir plus loin les nouveautés : « Adama », un centre spécialisé pour enseigner la danse, mais aussi pour proposer aux Israéliens des villes une vie écologique en harmonie avec la nature. On peut y loger, venir seul ou en groupe pour des journées d’étude ou pour participer à des soirées de danse, de musique. Plus loin, Guide Horizon, avec son Chalet de 7 chambres, sa piscine SPA et surtout ses randonnées dans le Makhtesh en buggy et jeeps. Stephan Azoulay, le créateur de Guide Horizon, est arrivé de Paris il y a 10 ans. Ce quartier désolé l’inspire. « Je vais le faire revivre ». Beaucoup de familles israéliennes ou étrangères sont attirées par le caractère familial et original de cet accueil et de ces randonnées.
 Il y a également une fabrique de savons faits entièrement avec des essences naturelles (une dizaine d’ouvriers), deux magasins de bijoux et d’artisanat local et deux restaurants. La mairie a encore d’autres projets : planter une vigne et créer une cave de vin.

D’autre part il existe déjà les infrastructures d’un futur quartier écologique avec utilisation maximale de l’énergie solaire.

Education

1 500 enfants de trois mois à 18 ans sont pris en charge par des structures d’éducation traditionnelles ou non, de la garderie au lycée. De 3 à 6 ans, 500 élèves sont répartis dans 11 jardins d’enfants laïques ou religieux.
L’école primaire gouvernementale « Ramon », avec 500 élèves, a été créée sur des bases d’éducation très nouvelle, donnant beaucoup de place au développement de l’enfant par l’art et la culture. L’école primaire religieuse, basée sur la Tora, la sensibilisation à l’environnement et le civisme, groupe 170 élèves.
Le lycée « Hashalom », créé en souvenir d’Itzhak Rabin, se spécialise dans l’éducation scientifique et artistique. Avec 6 classes et 350 élèves, il prépare les jeunes à l’armée et à l’université.

Plusieurs écoles talmudiques (yeshivot) existent également à Mitzpé, pour les jeunes et pour les mariés qui viennent en famille. Pour les élèves de 14 à 18 ans, la yeshiva comprend un internat, des études de culture générale en plus de la Tora et du Talmud, et une étude de l’environnement. Ils font des stages dans le désert mais aussi dans tout le pays et sont formés à l’esprit démocratique.

Signalons encore les mouvements de jeunesse comme « Le jeune qui travaille et qui étudie », les Bné Akiva, et les scouts.
Dans le Centre communautaire, des cours du soir sont organisés pour jeunes et adultes.

La bibliothèque avec ses 22 000 livres pour enfants, jeunes et adultes, dont 1700 en langues étrangères, compte 2 550 abonnés.
Un service d’ordinateurs est à la disposition du public.

Tourisme en plein essor

Les autocars des touristes israéliens et étrangers s’arrêtent au Centre des visiteurs situé sur le bord du Makhtesh avec une vue panoramique et un musée offrant une documentation sur la formation du cratère, sa faune et sa flore, ses rochers et les promenades possibles. Et puis ils repartent sur Eilat. Certains visiteurs auront le temps de longer le Makhtesh sur la « Promenade Albert » reliant le Centre des visiteurs au « Chameau », esplanade sur un rocher ayant la forme d’un chameau. D’autres visiteront le Bio Ramon, un complexe présentant une riche collection de plantes et d’animaux du désert.

 

Sons et lumières sur le Makhtesh Ramon

C’est la sortie du shabbat ce 10 janvier, il est 4h1/2. Le soleil va se coucher dans toute sa splendeur, le Makhtesh, les montagnes, sont tout illuminés : rose, orange, violet. Sur la scène, la Promenade Albert, de jeunes couples religieux viennent nombreux avec leurs petits enfants pour contempler le spectacle et les ibex nubiens sont au rendez vous pour la joie de tous,  et surtout des enfants. Des jeunes de yeshiva, sortant de leur synagogue,  se dirigent droit sur la Promenade. Un couple de marginaux, main dans la main, fait son jogging en direction du soleil. De jeunes adolescents, Hébreux Noirs, courent au milieu des ibex, sans doute pour les disperser. Des Israéliens laïques attendent le premier bus pour Beershéva. On entend les voix des uns et des autres. Nous sommes tous illuminés par ce soleil couchant. C’est la fin du shabbat dans ce désert où les Nabatéens passaient en caravanes… où, bien avant, Moïse avait cheminé avec le peuple hébreu. On est en Israël.

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