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Netanya, le "petit Paris" d'Israël

 

 

Netanya, le "petit Paris" d'Israël

 

À 20 kilomètres de Tel-Aviv, la ville est devenue le haut lieu des juifs français ayant fait leur alya. Une source d'interrogation pour les médias israéliens.

 

 

 

De NOTRE CORRESPONDANTE À JÉRUSALEM, 

 

Netanya, 11 heures du matin. En cette fin janvier, on est loin de l'hiver. Le soleil brille. Seule une brise un peu fraîche venue de la mer toute proche rend le pull obligatoire. Pas une raison pour ne pas s'asseoir à une terrasse de café. Elles sont nombreuses sur cet espace piétonnier. Femmes impeccablement coiffées et manucurées ; hommes en sportswear élégant... On papote, on s'interpelle de table en table, on sirote un café ou autre chose. Visiblement, on a le temps.

Bienvenue Kikar Ha Atsmaout, (en français : place de l'Indépendance), le rendez-vous quotidien des originaires de France, qui, depuis quelques années, sont nombreux à choisir Netanya pour s'y installer. Près de 2 000 l'année dernière sur les 6 960 immigrants de France arrivés en Israël. Et de toute évidence, ils ont changé l'atmosphère de cette station balnéaire située à une vingtaine de kilomètres au nord de Tel-Aviv. Surnommée traditionnellement "la perle" de la région du Saron avec ses 14 kilomètres de plage de sable fin et un ensoleillement 9 mois sur 12, elle est devenue en peu de temps " le petit Paris" ou la "nouvelle Riviera" version israélienne. 

"Ils veulent la paix, mais ils votent Lieberman !"

Depuis le début de l'année, les reporters des médias israéliens s'y précipitent. La raison ? L'actualité ! On a le choix entre les attentats de Paris et notamment la tuerie de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, les appels lancés par Benyamin Netanyahou aux Juifs de France pour qu'ils "regagnent leur patrie ancestrale", ou aussi les estimations des autorités selon lesquelles au moins 10 000 juifs de France devraient s'installer en Israël en 2015. Résultat : de longs papiers allant de "Ici c'est Paris" - un itinéraire gastronomique sur trois pages et intitulé, ça ne s'invente pas, "Netanya, mon amour" - au "Mandat français" - un compte rendu de l'état d'esprit des Français de Netanya dans la perspective des élections législatives du 17 mars prochain. 

Par exemple ce reportage publié par Yediot Aharonot, entre étonnement et ironie : "Ils veulent la paix mais ils votent Lieberman ! Ils veulent plus de social de la part de l'État, mais ils votent Netanyahou. Et il y a même une jeune femme déçue : elle vient d'apprendre qu'Ariel Sharon ne se présentait pas : "Dommage ! Vraiment dommage ! Sharon, c'était magnifique ! Maintenant je ne sais plus pour qui voter !" Suit un long texte sur le même mode avec en thème récurrent la maîtrise plus que chancelante de l'hébreu.

Et c'est vrai, le français est partout. De la pub murale pour "Claudine la coiffeuse" à "Pate'Achou" la boulangerie-pâtisserie de la rue Weizmann (de vrais éclairs, millefeuilles, viennoiseries et baguettes) en passant par les boutiques-traiteurs comme celle de la famille Boaron, qui, au-delà de la boucherie et de la rôtisserie où tous les vendeurs parlent la langue de Molière, vient d'ouvrir une sorte de palais des fromages accompagnés de produits typiquement français, y compris des eaux minérales bien de là-bas, pétillantes ou non. La particularité, toutes les étiquettes sont en français et, là encore, de la directrice de la boutique au commis, on parle... le français.

"Tout est cher"

Meryl ne se plaint pas. Au contraire. Depuis trois ans et demi en Israël, elle se dit comblée. Un très bon job dans la high-tech. Un mari rencontré lors d'un voyage en Israël avant qu'elle ne s'y installe et qui lui a fait sa demande en mariage sur scène, à Tel-Aviv, en plein concert de Patrick Bruel qui avait été mis dans la confidence. "Je ne vous dis pas le buzz sur YouTube !" Depuis, un petit garçon est né. Il a déjà un an. La famille habite un bel appartement dans un quartier résidentiel de Netanya, à 5 minutes de la mer. Le seul regret de Meryl : avoir du mal avec l'hébreu. "J'ai préféré d'abord m'investir dans le boulot !" Le petit plus qui ajouterait à son bonheur : que ses parents, des retraités parisiens, s'installent définitivement en Israël.

Alors les immigrants de France, heureux comme Dieu à Netanya ? Pas tout à fait. Car si la plupart le disent : "Ici, on se sent bien, il y a l'armée et Dieu", en revanche, du point de vue du coût de la vie, ça râle sec. Nous l'appellerons Monsieur Z. "Tout est cher, à commencer par la nourriture. Des exemples, j'en ai à la pelle : un carton de lait pour une famille, ici c'est du 12 shekels (2,75 euros), à Paris vous divisez au moins par deux. Les loyers aussi sont élevés comme à Paris et parfois plus. Et les salaires sont petits, tout petits." Alors Monsieur Z fait comme beaucoup d'autres. Il voyage en France une à deux fois par mois pour le travail. 

Des jeunes en perdition 

Pour certains, la réalité est encore moins rose. Il y a quelques mois, le quotidien Haaretz publiait un article sur 200 jeunes de Netanya - des enfants de nouveaux immigrants français - déscolarisés et désocialisés. Militant dans le parti Keshet - un siège au conseil municipal de Netanya -, Shlomo, lui-même fils d'immigrants, évoquait des groupes de jeunes ne parlant que le français et ayant renoncé à toute idée d'intégration dans la société israélienne : "Ils se retrouvent tous les samedis soir sur la place de l'Indépendance, totalement désoeuvrés, à deux doigts de tomber dans la délinquance."

Parmi les clichés qu'on retrouve chez les Israéliens de souche, le plus répandu est sûrement celui qui veut que "tous les immigrants qui viennent de France sont des riches vivant dans des appartements de luxe". Ce à quoi quelques esprits chagrins répondent par la blague qui court le pays depuis des décennies : "Comment devenir millionnaire en Israël ? En arrivant milliardaire."

Le Point

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