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New York: le bus de la ségrégation

Melissa Franchy n'oserait évidemment pas se comparer à Rosa Parks, qu'on voit ici déposer ses empreintes dans un poste de police à Montgomery, en Alabama, le 1er décembre 1955.

 

New York: le bus de la ségrégation

 

 

Richard Hétu, Collaboration spéciale
La Presse

 

(New York) Ce n'est qu'une ligne de bus dans une ville qui en compte plus de 200. Mais New York s'accommode mal de la ségrégation qu'on y pratique. Une ségrégation qui en rappelle une autre.

«Où est Rosa Parks quand on a besoin d'elle?» s'est demandée Melissa Franchy sur son compte Twitter, quelques jours après son expérience à bord d'un bus de la ligne B110, qui relie deux quartiers de Brooklyn, Williamsburg et Boro Park, et dessert principalement les juifs hassidiques qui y vivent.

Melissa Franchy n'oserait évidemment pas se comparer à Rosa Parks, célèbre pour son refus de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery (Alabama), le 1er décembre 1955. Mais elle a tout de même contribué à mettre en lumière la ségrégation des sexes en vigueur dans les bus de la ligne B110.

Le 12 octobre, Melissa Franchy est montée à bord d'un de ces bus à l'invitation de Sasha Chavkin, journaliste au New York World, une publication en ligne de l'école de journalisme de l'Université Columbia. Elle s'est assise sur un des sièges situés à l'avant pour voir la réaction des autres passagers. Après un certain laps de temps, plusieurs hommes coiffés avec les papillotes et le chapeau noir caractéristiques des juifs orthodoxes lui ont dit de se lever et d'aller s'asseoir à l'arrière avec les femmes. Certains ont précisé qu'elle se trouvait dans un «bus privé» ou dans un «bus juif».

Ces explications n'ayant pas satisfait la jeune femme, un des hommes a ajouté: «Quand Dieu établit une règle, on ne la remet pas en question.»

Le 18 octobre, le New York World a publié un article sur la ségrégation des sexes dans les bus de la ligne B110, incitant le New York Post et le New York Times, entre autres médias, à lui emboîter le pas dès le lendemain. Dans un de ses reportages, le Post a raconté qu'un conducteur de la ligne avait refusé de continuer sa route devant le refus de la photographe du journal d'aller s'asseoir à l'arrière d'un bus à moitié rempli.

Depuis 1973

«Cela n'est évidemment pas permis», a déclaré le maire de New York Michael Bloomberg en répondant à une question sur la ségrégation des sexes sur la ligne B110.

Cela fait pourtant partie d'une tradition qui découle d'un contrat de franchise passé en 1973 entre la ville et une société privée pour l'exploitation de cette ligne. Des directives, affichées à l'avant et à l'arrière des bus de la ligne B110, indiquent la marche à suivre pour éviter que les femmes entrent en contact avec les hommes.

«En montant dans un bus où se trouvent des passagers debout à l'avant, les femmes doivent monter par la porte arrière après avoir payé à l'avant», dit une des directives.

Le département des transports de New York (DOT) a promis de mettre un terme à cette tradition à la suite de la publication de l'article du New York World.

«La pratique d'exiger que les femmes aillent s'asseoir à l'arrière (...) n'est pas permise dans les bus franchisés», a indiqué le DOT dans une lettre à la société Private Transportation Corporation.

Le DOT précise que l'entreprise perdra sa franchise si elle continue de se conformer au désir de sa clientèle juive de maintenir la séparation entre les sexes dans des bus faisant partie du réseau public. La société a jusqu'à mercredi pour répondre à la lettre du département des transports.

Ce n'est pas la première fois que la Ville de New York et sa communauté juive hassidique s'affrontent sur une question de cette nature. Au début du mois, par exemple, le département des parcs a enlevé 16 écriteaux cloués à des arbres de Williamsburg et enjoignant en yiddish les «précieuses filles juives» à se ranger sur le bord du trottoir «lorsqu'un homme s'approche».

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