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Premiers pas à l'Oulpan

Premiers pas à l'Oulpan

 

 

J'ai quitté la France il y a maintenant trois mois pour démarrer une nouvelle vie en Israël. Par excès de romantisme et aussi par manque d'idées, je suis partie sans travail et sans appart. La sanction n'a donc pas tardé: j'ai dû m'exiler à Haïfa, pour suivre des cours intensifs d'hébreu dans ce qu'on appelle un "Oulpan", et où un appart m'attendait déjà, ce qui m'évitait donc d'avoir à en chercher. CQFD.

À vrai dire, la vie trépidante de Tel Aviv ne m'avait pas permis d'apprendre l'hébreu lors de mon dernier séjour. Lassée d'entendre les gens me demander pourquoi j'étais toujours aussi nulle, j'ai fini par prendre le taureau par les cornes. Direction Haïfa donc... ou autrement dit, le Poitiers d'Israël. Ca sonne bien, c'est sympa et il y a des étudiants. Mais on s'y ennuie à mourir.

Aaaaah Haïfa... En fait, après deux mois dans cette ville du nord, je ne peux pas encore prétendre la connaître ! J'habite sur le port, donc dans un quartier pas très bobo, pas très joli non plus d'ailleurs et je n'en bouge pas beaucoup.

Mis à part ça, mon appart est juste extraordinaire! J'ai environ 70 mètres carrés que je partage avec une Argentine et une Vénézuélienne, une terrasse de 15 mètres de long, une vue imprenable sur les jardins Bahaïs illuminés toute la nuit (oui, ils sont peut être sympas les Bahaïs mais en ce qui concerne le respect de l'environnement, ils ont des progrès à faire). Petit hic: le boulevard et ses bruits incessants, la mosquée d'en face et son muezzin 10 fois par jour... Enfin le muezzin je m'en fous mais à 4 heures du mat quand je me réveille tous les jours à 7h et que c'est déjà assez violent comme ça pour mon rythme perso-biologico-naturel, c'est dur.
 
Question quotidien: on nous enseigne l'hébreu 5 heures par jour + environ 1 heure 30 de devoirs... Et ça marche ! Je commence à comprendre toutes les conversations du quotidien, sans même faire d'efforts alors que je suis ce rythme depuis deux mois seulement. En revanche, je demeure attardée en matière d'expression orale. Je me suis donc résignée à la méthode du sourire qui avait si bien marché avec l'anglais il n'y a pas si longtemps: quand je ne sais pas quoi répondre, je souris à mon interlocuteur et comme il est content, je suis contente. Voilà. 
 
Ensuite... ensuite on mange tous ensemble à la "cantine" de l'Oulpan. Cantine signifie donc repas immangeables et identiques chaque semaine, queues, personnes qui grugent, gens qui râlent en retour, d'autres qui posent leur sacs sur les chaises pour "réserver", les mêmes qui râlent encore, etc.
 
Il y a je ne sais combien de nationalités à l'Oulpan: Ethiopiens, Américains, Anglais à l'accent insupportable, Anglais normaux, Argentins, Russes (environ la moitié de l'Oulpan, je les déteste donc, simple réaction raciste ordinaire : quand y'en a trop, y'en a trop..., je rigole bien sûr, pas de panique, quoique...), Français, Turcs, Coréens... Il y a même un Cubain qui de par sa condition unique se doit de répondre à l'éternelle question que tous ici lui ont au moins posé une fois: "Ah bon, mais il y a des juifs à Cuba ?"

C'est donc une ambiance très cosmopolite et unique ! Il n'y a pas vraiment de tensions, on a tous entre 23 et 35 ans, est tous olim hadachim (nouveaux immigrants), ce qui nous donne une fragilité particulière qui suffit à nous rapprocher. Tout le monde s'entend donc bien, parfois même très très très bien et parfois un peu moins bien le lendemain matin, mais c'est encore une autre histoire.

Conclusion: nous sommes dans une phase d'apprentissage intense de la langue et c'est très difficile de décrire cette sensation. Tout est nouveau, tout est difficile, mais tout se clarifie aussi peu à peu. Je me sens comme une enfant qui doit apprendre à parler, à s'orienter, qui découvre un monde nouveau.

Autre aspect de la vie en communauté: les shabbats géants organisés par ma copine Alex et moi-même, mon premier couscous pour 20 personnes (merci maman et mamy pour les leçons, Haïfa a connu un caviar d'aubergines historique et le gâteau-de-mamy a traversé les frontières...), les karaokés beaufs, les fous rires, les larmes, les alarmes incendies à 4 heures du mat, la solidarité du groupe des retardataires de l'Oulpan dont je fais (forcément) partie, les commérages...
 
Abordons donc directement le chapitre commérages puisque visiblement à 28 ans, il semble que ce soit officiellement d'actualités. Faisons simple : non, je n'ai pas de copain, non, je ne suis pas amoureuse et oui, ça va.
 
J'ai quand même quelques prétendants qui valent le détour:
 
- Un Turc de 23 ans qui sort avec toutes les filles de l'Oulpan sauf moi, car "Laura, no touch before wedding, Laura old, Laura not sexy but beautiful, children with Laura later when I be ready, I respect Laura, only fun with others girls...".
  
- In Italo-irano-israélo-américain qui porte une kippa colorée, qui est très sympa, qui parle milles langues, qui joue merveilleusement bien du Djumbe avec les bédouins et qui, ô bonheur, me plaisait. Mise en confiance par sa kippa, je lui parle, je lui souris, je me traîne à une séance de karaoké beauf pour le voir... Après une heure à ses côtés, il me propose un rendez-vous la semaine suivante. Ravie, j'accepte puis je repars réviser mon test d'hébreu, toute légère. 15 minutes après, il avait embrassé ma voisine américaine de droite, visiblement pas embarrassée le moins du monde par la situation. Fin du chapitre italo-irano-israéo-américain me concernant. 
 
- Un Belge-belge (= blagues belges + accent belge) très gentil mais qui est sûr que je suis amoureuse de lui parce que je lui ai demandé son iPod... Belge, donc.
 
- Un Israélien que je connaissais déjà à mon arrivée et qui avait provoqué mon premier choc culturel. Je ne croyais pas au mythe des hommes telavivites pertubés. Maintenant que j'ai compris, plus la peine d'insister.
 
 - Un autre Israélien, très gentil, qui communique avec moi grâce aux pommes. Dès qu'il souhaite discuter, il frappe à ma porte avec un sac rempli de pommes en provenance du Kibboutz de ses parents. Par ailleurs, il mesure plus de 2 mètres. J'ai pris le temps de réfléchir: ce n'est pas possible entre nous, à cause des pommes et à cause de sa taille.
 
Actuellement, ce sont les vacances de Hanoukah. J'ai choisi de m'isoler un peu, le temps de faire un point sur toute cette nouvelle vie qui se déroule à 100 à l'heure et qui ne me laisse pas le temps de planifier mon avenir, le vrai, celui qui est supposé être moins drôle, me dit-on.
 
Que tout le monde se rassure, je n'ai pas changé: je ne sais pas toujours quoi choisir entre 1000 options possibles pour les prochains mois et je demande l'avis de tous mes voisins, y compris dans le bus et le shirout.
 
Conclusion de mes premiers pas en Terre sainte : tout va bien ! Certes, je suis allée chercher mon masque à gaz, ce qui ne manque pas de bizarrerie, certes il y a l'Iran and co., certes des roquettes tombent tous les jours dans le sud, mais malgré tout ça, malgré cette incertitude du lendemain, je me sens à ma place, heureuse et déterminée.

 

Laura Duhamel

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TERRE SAINTE ???? ! ! ! ! !

Très sympa ce commentaire. Frais et réel (à l’exception du Muezzin qui n'intervient que,(mais c'est déjà trop, 5 fois.

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