Sans fonds, « l’Arche » s’échoue sur le Net
Le numéro de mars de l’Arche sera le dernier. Après soixante ans d’existence, le « magazine de référence du judaïsme français » disparaît. Enfin, disparaît-il vraiment ? « Il ne s’agit pas d’une fermeture, on transforme l’Arche papier en Arche.fr », proteste Pierre Besnainou, le président du Fonds social juif unifié (FSJU), son éditeur. Pour l’heure, l’Arche.fr est très en devenir. « Le site est en cours de maintenance… » peut-on lire sur la page d’accueil.
Sans attendre, l’Arche papier disparaît. « Sauf si quelqu’un m’apporte 250 000 euros », ironise le patron du FSJU. Avec 2 000 à 2 500 abonnés et 200 à 300 numéros vendus, selon les chiffres de Besnainou, ce magazine perd de l’argent. « L’audience de l’Arche est de plus en plus faible, poursuit-il. Nous n’avons pas arrêté de pousser la communication. Nous sommes présents dans la quasi-totalité des conférences organisées autour de la communauté juive. Dernièrement, nous avons envoyé 300 000 mails, et nous avons eu très peu de retours ».
L’Arche est une toute petite structure : trois permanents et demi, dont Meïr Waintrater, le directeur de la rédaction, et 70 collaborateurs extérieurs, dont « 98% de l’intelligentsia française du judaïsme », selon l’un des contributeurs. Malgré ces faibles moyens, l’Arche est un magazine de qualité. « C’est un lieu essentiel du débat intellectuel, plaide le politologue Jean-Yves Camus, lui-même de confession juive. En ces temps de fragmentation communautaire, l’Arche n’a pas d’équivalent dans le champ des revues pluralistes et ouvertes dans leur orientation. »
Pour Jean-Luc Allouche, ancien rédacteur en chef du magazine, une partie des difficultés de l’Arche s’explique justement par cette fragmentation communautaire : « Pendant longtemps, le FSJU a représenté la communauté juive globale. Aujourd’hui, on assiste à un extrême morcellement de cette communauté en petites "chapelles" : les loubavitch, les consistoriaux, les orthodoxes, les libéraux, et, chacun ayant son propre bulletin, à une floraison de journaux plus catégoriels. »
L’Arche disparue, les juifs de France ne disposeraient plus de média fédérateur. « Il me paraît inconcevable que la communauté juive la plus importante d’Europe occidentale n’ait pas d’organe de presse institutionnel », relève Jean-Yves Camus. Certains mettent en cause une décision jugée purement comptable de Pierre Besnainou. « Les difficultés financières de l’Arche ne datent pas d’aujourd’hui, rappelle Jean-Luc Allouche. J’ai connu le FSJU avec de grands bonshommes qui avaient ce souci universel de la communauté et tenaient à bout de bras un élément qu’ils considéraient important pour elle. »
Besnainou a géré la fin de l’Arche avec mépris pour les collaborateurs du journal. Ces derniers ont été informés de sa disparition sans beaucoup d’égards. Par un mail collectif envoyé le 24 février. « C’était une maladresse, concède le patron du FSJU. Sur le fond, la décision est juste, mais je regrette la forme. » La personne de Pierre Besnainou concentre des critiques : « Il gère le FSJU de façon très autoritaire, pas démocratique », dit un salarié.
L’annonce de la cessation de parution de l’Arche a suscité de l’émotion dans la communauté juive. Un groupe Facebook s’est créé : « Cela m’a évidemment alerté, mais sur les 400 personnes qui en font partie, il n’y en a que trois qui sont abonnées », tacle Besnainou. Hier soir, l’équipe du journal devait rencontrer le patron du FSJU. Avant le rendez-vous, ce dernier se disait prêt à élargir le groupe de travail sur la migration de l’Arche papier vers le Net. Promettant que « toutes les idées seront les bienvenues, même si cela nous conduit à décaler de deux ou trois mois la mise en ligne du nouvel Arche que j’avais prévue dans le courant du mois de mai ».
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