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Shalom India Résidence d’Esther David : Juifs indiens, mode d’emploi

 

Shalom India Résidence d’Esther David : Juifs indiens, mode d’emploi

 

Après l’irrésistiblement gourmand, Livre d’Esther (Eho, 2009), Esther David poursuit sa description colorée du mode de vie des juifs d’Inde. Situé dans une résidence uniquement occupée par des juifs, dans la ville d’origine de l’auteure Ahmedabad, « Shalom India Résidence » dépeint la vie d’un immeuble habitée par les derniers membres de la communauté juive de la ville.

Tout commence dans le sillage de prophète Elie, qui selon la coutume descend un premier soir de Pessah (la Pâque juive) dans tous les foyers de la résidence. En commentant la qualité du verre de vin qui lui est offert par les foyers juifs fêtant la libération d’Égypte, le prophète présente brièvement tous les personnages du roman. La suite est une série de nouvelles se penchant sur la vie de chacun d’entre-eux, de 15 à 80 ans. En tant que voisins et liés par le destin d’une toute petite communauté, ces personnages ont bien sûr des trajectoires qui se croisent, mais tout le talent d’Esther David est de parvenir à rendre chacun émouvant dans sa personnalité et ses choix individuels. Il est beaucoup question d’Israël puisque face à une communauté de plus en plus réduite et à l’impératif de devoir épouser des « Bnei israël » (des juifs), la plupart des jeunes rêvent d’aller vivre en Terre Promise. Évidemment la question des amours avec des membres d’autres communautés est au cœur du roman; et ce qui est réjouissant chez Esther David est que le choix pour les jeunes de s’affranchir de la tradition par amour finit toujours plus ou moins bien. En tout cas, passionnés par leur progéniture, les parents comprennent et pardonnent. Enfin, toutes les nouvelles tournent autour d’un concours de déguisement organisé par la synagogue, idée géniale et qui permet de positionner tous les personnages par rapport à une grande question : le rapport à la tradition. Qu’il s’agisse de porter un jean ou d’entrer dans la peau d’un personnage biblique, le choix des déguisements pour les jeunes exprime toujours leurs désirs personnels et la réaction plus ou moins autoritaire des parents montre la latitude qui existe dans ces familles aimantes.

Si tous les habitants de la résidence Shalom India se sont réunis de manière communautaire dans un seul bâtiment, ce n’est pas pour rester entre eux. ils ont dabord voulu fuir le danger d’émeutes anti-musulmanes où en tant que circoncis et « mangeurs de viande » ils ont pour certains été menacés au début des années 2000 dans la ville d’Ahmedabad. Mais dans le bâtiment d’à côté, les populations se mélangent et quand un appartement se libère, le louer à un non-juif n’est pas vraiment un problème. Il est donc aussi question de poèmes ourdous, de costumes de mariages traditionnels indiens et de mode de vie israélien, dans ce roman multicolore où la narratrice se dépeint elle même de profil dans la dernière nouvelle. Elle y apparaît comme une veuve mystérieuse et curieuse, attachée à la tradition des juifs d’Inde par la culture plus que par la religion et surtout par les histoires qu’elle écrit. Construit de manière brillante, empli de belles histoires qui résonnent universellement et véritable caisse de résonance trajectoires internationales, Shalom India Résidence est un grand roman.

Esther David, Shalom India Résidence, Eho, 304 p., 20 euros. Sortie le 19 janvier 2012.

« Qu’était la pureté, en fin de compte? Tant qu’on avait un cœur pur, rien d’autre ne comptait. il n’y a qu’à lire dans la Bible l’histoire des Juifs, se disait-elle, la vie juive n’était en somme qu’un immense creuset où se mêlaient toutes les cultures et tous les peuples. » p. 247.

© Bindi Sheth

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