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Souvenirs d'en face, par Alain Mamou-Mani

Souvenirs d'en face

 

preface de Patrice Van Eersel

par Alain Mamou-Mani 

 

Notre diaspora a préservé son identité communautaire, avec ses traditions sépharades faites pêle-mêle de coutumes, de langage, de chansons, du respect des parents, du mauvais œil, de la main de fatma qui est censée nous en protéger, du fameux diner/couscous du vendredi soir, des déjeuners spécifiques du shabbat, des cérémonies de mariage et de bar-mitsva avec leur youyous stridents, de la nourriture, des fameuses glibettes, graines de courges, de tournesol ou de pastèques, des rites à la fois collectifs et personnels, des jurons, des proverbes arabes, des vapeurs de l’encens, de l’odeur du jasmin, du jeu avec les amandes, à Pâques, et des noyaux d’abricot, l’été... Tout ce mélimélo se love dans le souvenir de plages bleues sous un soleil brulant dans un ciel azur. 

Pourquoi nos racines doivent nous faire aussi mal ? Notre déchirure commune nous renvoie tous à l’instant de l’adieu, comme une vieille blessure qui ne veut pas cicatriser. Nous avons fais le tour du le monde mais nous nous attendrissons devant un souvenir, un morceau de boutargue, des œufs de mulet, ou un verre de boukha, cet l’alcool de figue. Nous adorons maintenant les sushis, mais pourtant un simple complet poisson a pour nous la force de la madeleine de Proust, celle de la recherche du temps 

perdu. Mais à force de retourner creuser la blessure de notre départ, n’y a-t-il pas danger de cultiver cette nostalgie ? A force de naviguer dans un passé qui jamais ne reviendra, ne risquons nous pas de nous perdre dans nos racines ? 

Il nous faut accepter de tourner la page, même si c’est douloureux car nous avons coupé le cordon ombilical sans anesthésie ni péridural. Car contempler son nombril n’a jamais rendu personne heureux, longtemps, en tous cas. Il est vrai que nous ne sommes jamais sentis aussi juif tunes que depuis que nous avons quitté la Tunisie. Nous essayons d’apporter à la société notre énergie de déracinés, notre sensibilité déboussolée à l’avant garde des modes et des routes balisées. 

Par milliers, mes amis sont devenus avocats, dentistes ou médecins. Ils exercent en France, au Canada ou aux USA. 

Mais notre spécificité, à nous, tunisiens d’origine, c’est notre adaptabilité, certains diront notre opportunisme. On nous retrouve dans les médias, la mode, l’informatique, le numérique, l’environnement. 

Partout où ca bouge, où l’on doit s’adapter à la demande rapidement, fortement, dans un élan enthousiaste, nous créons des entreprises, nous courons avec une sorte d’ivresse. Nous voulons réussir pour exister et exister peut-être pour oublier, voire pour tourner la page sans oublier.

 

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A l'aube de sa soixantaine, Alain Mamou-Mani, se sent bloqué. Il entame une « livranalyse » où il retrouve ses souvenirs d'enfance en Tunisie pleins de soleil et de joie, mais aussi mélancoliques.
Il s'interroge, ressent à nouveau les émotions de sa vie la-bas, de ses traditions, de ses paysages, de ses odeurs qu'il croyait oubliés...Cette civilisation millénaire disparue en un souffle.
Il revit les déchirements de son départ et en parle pour mieux se reconstruire... Et trouver un sens à sa vie.

 

Alain Mamou-Mani, auteur de nombreux ouvrages, dont les Dix Commandements et Au-delà du Profit, producteur de cinéma (plusieurs films produits dont « Rire et châtiment » avec José Garcia et « Alila » de Amos Gitaï), a vécu dans sa jeunesse les derniers moments d'une civilisation disparue. 

 

mamoumani@gmail.com

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