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Visite d’une heure à Parchin

L’usine de dentifrice (radioactif ?) de Parchin

Visite d’une heure à Parchin (info # 012109/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

La plupart des grandes agences de presse ont mentionné la visite d’une journée effectuée par le chef de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) en Iran, laissant entendre que M. Yukia Amano aurait procédé à une inspection du site controversé de Parchin. Lequel emplacement est fortement soupçonné par les Occidentaux et les Israéliens d’avoir notamment servi de banc d’essai pour des tests d’explosions applicables au système de mise à feu d’une bombe atomique.

 

A force d’amalgames audacieux, certaines agences, dont l’AFP, tentent de faire croire que M. Amano serait venu en Iran afin d’ "obtenir des clarifications sur les activités nucléaires du pays", et qu’il aurait été au moins partiellement comblé après sa visite à Parchin.

 

Rien n’est cependant plus faux, les choses n’ayant rien à voir les unes avec les autres. D’ailleurs, le bon sens permet à lui seul de se rendre compte qu’il ne s’est rien passé, à Parchin, qui aurait pu ressembler, de près ou de loin, à une "inspection". Ce, puisque, outre sa visite guidée et étroitement encadrée sur le site, le directeur de l’AIEA a rencontré lors de plusieurs entretiens distincts le Président Hassan Rohani, le ministre de Affaires Etrangères, Mohammad Javad Zarif, le responsable du programme nucléaire perse, Ali Akbar Salehi, ainsi que plusieurs parlementaires iraniens.

 

Avec un tel ordre du jour, on se demande bien comment Amano aurait pu inspecter, presque seul, les activités conduites des années durant dans les immenses installations de Parchin.

 

C’est presque une blague, sauf que l’AFP a étrangement oublié (mais pas Reuters ang.), de mentionner à l’intention de ses clients qu’il s’agissait d’une visite éclair et surtout protocolaire – pour ce qui concerne Parchin – de 24 heures.

 

En fait, il n’y a strictement rien de surprenant concernant la mini-visite du no.1 de l’AIEA sur le site controversé, puisque sa tenue et les modalités de son déroulement figurent noir sur blanc dans l’annexe secrète du traité signé le 14 juillet dernier entre les 5+1 et la théocratie perse.

 

Le contenu complet de ce mémorandum parallèle figurait dans mon papier du 28 août intitulé : "Iran : les annexes secrètes du traité".

 

On y lit entre autres que :

 

"L’agrément en question provisionne que ce sont les Iraniens qui procéderont seuls à l’inspection. Ils transmettront des photographies et des vidéos de Parchin à l’AIEA et ils effectueront neuf prélèvements du sol, soit sept à l’intérieur des installations, et deux dans sa proximité immédiate, qu’ils remettront également à l’agence viennoise dépendant de l’ONU.

 

Cette procédure sera suivie, grâce à "l’aimable consentement de l’Iran" (c’est dans le texte du mémorandum), d’une visite du "directeur général [de l’AIEA] en qualité d’hôte officiel du gouvernement iranien, accompagné du vice-directeur par souci de protection (sic)"".

 

Effectivement, le Finlandais Tero Varjoranta, qui chapote le département des Garanties de l’AIEA, faisait également partie, hier, du déplacement de Parchin, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Téhéran.

 

Leurs hôtes leur ont ouvert les portes de quelques ateliers sans importance, dont les équipements qu’ils contiennent auraient pu être remplacés au moins une vingtaine de fois depuis la mi-juillet.

 

Yukia Amano, venu les mains vides, évidemment sans le moindre appareil de mesure, ne pouvait rien faire d’autre que de la figuration polie. Je vous assure, pour ma part, qu’il se serait volontiers passé de cette mascarade, qui lui a été imposée par l’existence de l’annexe secrète.

 

Cette visite aura trois conséquences principales, chacune néfaste : 1. Faire croire, grâce aux agences de presse activistes en faveur de l’accord, et/ou appartenant à des Etats occidentaux, que l’inspection de Parchin a été réalisée et que les Iraniens se soumettent aux termes de l’accord. 2. Faire comprendre à leur population, pour les officiels de la "République" Islamique, que les inspecteurs de Vienne ne mettront pas les pieds dans leurs sites sensibles, et 3. Conclure le processus d’inspection de Parchin, puisqu’il était entièrement régi par l’annexe en question, que ses clauses ont été respectées, et qu’il n’existe aucune autre provision, dans l’accord principal, qui prévoie un retour à cet endroit.

 

Quant à la remarque de l’AFP dans sa dépêche, selon laquelle "L’Iran refusait jusqu’à présent à l’AIEA l’accès à cette base", elle est pathétique. D’abord parce que c’est aux "commissaires" de l’AIEA que les Perses refusaient cet accès et ensuite, parce qu’ils le leur refusent toujours.

 

En réalité, M. Amano n’a pas effectué le déplacement de Téhéran dans le but de faire le pantin à Parchin ; il est venu tenter de jouer la dernière carte qui reste dans son jeu pour permettre à l’organisation qu’il dirige de dresser un compte-rendu fidèle des activités qu’avait réalisées l’Iran dans le cadre du développement d’une bombe atomique. En d’autres mots, le chef de l’agence viennoise aimerait savoir avec précision jusqu’où les ayatollahs sont-ils parvenus dans ce cheminement.

 

Il n’est en rien aidé par les négociateurs des grandes puissances, qui ont soldé toutes les dispositions qui auraient permis à ses inspecteurs de contrôler la bonne exécution par les Iraniens de leurs obligations. Pourtant, l’AIEA avait plusieurs fois insisté auprès des gouvernements occidentaux pour qu’ils ne cèdent pas sur la possibilité, qui devait faire partie intégrante de l’accord, et qui les aurait autorisés à visiter n’importe quelle portion du territoire de la dictature chiite, à n’importe quel moment et sans prévis.  

 

A cette formule, la seule qui aurait effectivement permis à l’agence onusienne d’arbitrer la réalisation du contrat, John Kerry a rétorqué par un commentaire exprimant que ce qui l’intéressait, c’était l’avenir et qu’il se fichait bien du passé.

 

Mais comme je l’ai mentionné plus haut, il reste un atout dans la manche d’Amano, dont la décision finale de l’utiliser ou non restera l’apanage des membres du Conseil de Sécurité et, particulièrement, des Etats-Unis.

 

Le Japonais, qui n’est pas dupe des concessions apocalyptiques qui ont été abandonnées aux tyrans iraniens, et qui se dévoile, de plus, être un très fin et très patient négociateur, n’a pas dit son dernier mot. Alors certes, Amano ne peut envoyer ses limiers sur aucun site militaire ; certes, il doit prévenir les Perses vingt-quatre jours à l’avance d’une inspection qu’il entend lancer sur un autre emplacement sensible – une clause qui donne la mesure de l’étiolement des capacités de gouvernance de tous les exécutifs ayant paraphé l’accord -, mais c’est lui aussi, c’est-à-dire l’AIEA, qui détient contractuellement la clé de la levée des sanctions contre les ayatollahs.

 

Le 15 décembre prochain, c’est en effet Amano qui dira si son agence a reçu de la part des Perses les éléments nécessaires pour répondre aux questions en suspens concernant l’ "éventuelle dimension militaire" des recherches préalables au 14 juillet réalisées par les Iraniens. Or sans le feu vert de l’AIEA, les sanctions ne seront pas levées.

 

C’est précisément cette fonction, instrumentale dans la réalisation de la chose signée, qui inquiète les dirigeants de la théocratie, au point qu’ils ont tous patiemment discuté avec le Nippon lors de sa venue à Téhéran.

 

Rohani lui a rappelé, en termes courtois, que, de son point de vue, sa tâche se limitait à "surveiller de manière équitable l’application de l’accord du 14 juillet". Comprenez : occupez-vous des clauses principales de la mise en œuvre dudit document et ne vous avisez pas de faire du zèle à propos de nos activités historiques.

 

Reste que, s’il est suivi par les gouvernements des membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne, Yukia Amano peut parfaitement prétendre que les échantillons rapportés par les Iraniens du sol et de l’atmosphère de Parchin, par exemple, ne lui permettent pas d’évaluer avec suffisamment de précision la nature des activités qui s’y sont déroulées.

 

Il peut aussi déclarer que, faute de laisser ses hommes réaliser une vraie inspection sur place, dans tous les endroits qui les intéressent, il ne donnera pas son feu vert.

 

La tension des Perses est proche de l’hystérie à ce sujet. Ils viennent d’annoncer au directeur de l’agence viennoise qu’ils allaient "appliquer le protocole additionnel du Traité de non-prolifération des armes nucléaires de façon volontaire", soit sans y être contraints par l’entente du 14 juillet.

 

A mon avis, ils font une erreur, ils ne devraient pas se moquer du Japonais dans le blanc des yeux, tout le monde sachant pertinemment que le protocole en question n’est absolument pas adapté à la situation dans laquelle se trouve la "République" Islamique, et que même son application à la lettre n’apporterait aucune information utile à Amano pour arbitrer le traité.

 

Il en faudrait bien plus pour déconcentrer l’imperturbable directeur de la mission qui lui est confiée. "L’agence cherche des clarifications sur certaines questions et remplit ses devoirs (…)", s’est-il ouvert à Téhéran, une phrase capable de donner des insomnies à ses interlocuteurs, comme celle qui suivit : "Nous procédons étape par étape dans l’examen des programmes nucléaires de l’Iran et tentons d’en faire état d’une manière impartiale".

 

Cela doit être difficile à entendre pour les membres d’une junte qui a passé son temps à fabriquer la bombe, ce qui n’a pas manqué de laisser des traces sur tout leur territoire, tout en prétendant mordicus le contraire.

 

Khamenei, Rohani et Zarif se comportent quant à eux comme si la signature, puis la mise en œuvre de l’accord étaient des affaires classées. D’ailleurs, des milliers de businessmen se bousculent dans leur capitale, faisant un peu songer à la ruée vers l’or national-socialiste à Berlin dans les années trente. Rien n’est trop beau ni trop bon pour se vautrer devant ces assassins, tourmenteurs de leur peuple, négationnistes du génocide nazi, qui considèrent les Israéliens comme des cloportes et des cancers qu’ils affirment pouvoir exterminer dans les vingt-cinq prochaines années.

 

Ils ne sont pas les seuls à considérer que la levée des sanctions est dans la poche, à l’instar de l’ambassadeur de Suisse à Téhéran, Giulio Haas, qui a présenté, le 27 août dernier, à des centaines d’hommes d’affaires iraniens et suisses hilares réunis à Zurich, ce dessin très amusant représentant les deux colombes de la paix, américaine et persane, faisant leurs besoins sur la tête du 1er ministre israélien.

 

On se serait cru un instant revenu entre 1940 et 45 à consulter des caricatures de Juifs dans les journaux suisses, pendant que leur armée courageuse remettait les enfants entre les mains des Boches à la frontière, avec, en prime, un ticket classe bétail pour Auschwitz.

 

Le département fédéral des Affaires Etrangères a exprimé ses regrets et a trouvé le dessin "de mauvais goût" ; de là à envoyer Giulio Haas brouter dans les alpages, il ne faut tout de même pas exagérer ; l’ambassadeur est très apprécié à Téhéran.

 

La Suisse, toujours très responsable, n’a pas attendu de savoir si ses nouveaux partenaires construisaient ou non la bombe atomique pour lever les sanctions avant tout le monde. Le souk d’Ispahan est rouvert, on y fait la queue.

 

Et si Yukia Amano, résistant à toutes sortes de pressions que je devine colossales, disait non, le quinze décembre ? Cela, ce serait authentiquement drôle, non ?

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