Une mémoire tunisienne : Michel Valensi

Une mémoire tunisienne

 

À retrouver dans l'émission Talmudiques par Marc-Alain Ouaknin

L’histoire est souvent faite de répétitions. L’histoire du peuple juif en témoigne avec insistance et l’un des thèmes de cette répétition est celui de l’Exode et de l’Exil.

Deux expériences fondamentalement différentes puisque l’exil est le signe d’un départ involontaire, d’un rejet, d’un renvoi ou bannissement, comme le dit l’étymologie latine du mot « exilium ». Alors que l’ exode , d’origine grecque, e x odos , raconte le fait de se mettre en route, en quittant volontairement un lieu.

 Le peuple juif est porteur de cette double expérience fondatrice qui est devenue en quelque sorte la colonne vertébrale de son histoire.

 l’Exode d’Égypte et les exils successifs, assyrien, babylonien, romain et post-romain s’imprimèrent dans sa chair et son sang, son âme et son intelligence avec une intensité exceptionnelle.» (Bernard Dov Hercenberg)

Exil répété encore et encore lors des différentes expulsions dont la plus célèbres fut celle d’Espagne en 1492, engendrant déracinements, errances, et nouveaux enracinements dans lesquels, à chaque fois furent mis tous les espoirs et toutes les énergies. Espoirs souvent déçus par ces communauté juives, obligées de quitter à nouveau ces pays d’accueil, qui avec le temps étaient devenus les leurs.

Et s'il y eut à chaque fois, on peut l’imaginer, un fort ressentiment envers les pays qui les remettaient sur le chemin de l’exil, Il y eut toujours une grande nostalgie accompagnée d’un sentiment de gratitude pour des terres d’accueil qui avaient, avant le nouveau départ, permis de vivre, souvent bien, et sur un temps long.

Cette gratitude fonde une éthique de l’hospitalité dont il importe particulièrement aujourd’hui, époque de migrations massives et douloureuses autant que d'entrechoquement des mémoires et des identités, de rappeler les versets bibliques dans lesquelles elle s’enracine.

« Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme l’un de vous ; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Je suis l'Éternel, votre Dieu . » (Lévitique 19, 34).

Ce que l'exil suscite comme mémoire du pays perdu, le rapport au monde et à l'autre qu'il contribue à construire , c’est ce que nous allons explorer avec notre invité de ce matin.

L'invité

Michel Valensi est éditeur et écrivain. Il crée LES ÉDITIONS DE L'ÉCLAT avec Patricia Farazzi en 1985. Il a publié avec Patricia Farazzi une correspondance, Lettres du chemin de pierre (L'éclat, 2020).

Archive Sonore

1. Bella Ciao dans une interprétation un peu particulière  par le Groupe Lô, groupe de « free jazz » des années 70 avec à la trompette Pierre Sauvageot, au saxophone Luc le Masne, à la basse Geneviève Cabannes, au piano Denis Cuniot et à la voix et violoncelle, Michel Valensi.

2. Une interview de Gilbert Papy Naccache

 

Le livre de l'invité

L'empreinte de Michel Valensi
L'empreinte de Michel Valensi Crédits : Editions de l'éclat - Radio France

De 1956 à 1973 la Tunisie a perdu la quasi-­totalité de sa population juive, qui a émigré en France, en Israël ou ailleurs.

Ce livre, paru une première fois à Tunis en 1983, raconte sous une forme allégorique les drames de cet exil, tels qu’ils ont pu être vécus par des personnages aussi imaginaires qu’Alma Alba, détentrice malgré elle de la clé de la ­dernière maison juive de Tunis, l’homme aux kchouchs qui organisa leur départ, ou Judith, ­fillette égarée entre Carthage et Belleville, où la communauté s’est installée à son arrivée en France, dans l’attente de nouveaux départs.

Il s’agissait de raconter le mythe de cet exil et de rappeler de quoi était faite la vie de cette population (coutumes étiolées, langages oubliés, histoires effacées...) et ce qu’elle a pu subir, contrainte qu’elle était à un exode sans retour.

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