Le Personnel Enseignant de l'Ecole de l'Alliance Israelite Universelle de la rue Malta Sghira
L’Ecole de la rue Malta-Srira a ete amenagee en lieu et place d’une ancienne ecurie qui appartenait, je pense, a la garde beylicale. Situe plutot dans la ville europenne mais pas trop loin de la Medina, ce batiment d’un etage pouvait contenir un maximum d’une vingtaine de classes ou pouvaient « s’entasser » plus de 700 eleves.
Monsieur Raphael Levy : Directeur de l’ecole et ecrivain ( sous le pseudonyme de Ryvel) qui a raconte le ghetto comme dans " L'enfant de l'Oukala ". Je me souviens de son regard severe a travers ses lunettes surtout lorsqu’il sortait de son bureau et se pointait dans la cour de l’ecole pour superviser la rentree ordonnee dans les classes. En general les petits etaient ranges dans leur cour. Les plus grands, ceux qui avaient leurs classes au premier etage, dans leur cour, se rangeaient en colonnes par deux, defilaient obligatoirement devant le Directeur qui se placait au point de convergence des trois cours.....
Monsieur Maurice CHEMLA : Mon pere et mon Maitre. J’ai ete son eleve en 7eme . C’est bien difficile d’avoir son propre pere comme enseignant ! Il tenait beaucoup a ne faire aucune difference entre ses eleves et moi. A l'appel de 8 heures le matin, il m'etait difficile de dire a haute voix : "Present Monsieur". Je me souviens meme qu’il evitait de me donner la meilleure note et la premiere place. Il s'arrangeait toujours pour mettre devant moi un autre eleve, en particulier un excellent eleve Arbi Kont (un des rares arabes qui frequentaient l’ecole de l’Alliance) a qui il accordait toujours un demi-point de plus. Il etait tres exigeant avec moi. Il fallait repondre sans defaillance aux interrogations (orales ou par ecrit au tableau) et pour cela il veillaitt constamment a ce que j’apprenne bien mes lecons et que je fasse correctement mes devoirs. Je restais aupres de lui pratiquement presque tous les jours jusqu'à 19 heures avant de retourner a la maison. Ainsi, j’ai pu observer avec quel serieux mon pere exercait son metier. Mis a part les corrections, il preparait avec minutie son cahier de preparation ( ou etait inscrit tout le programme du lendemain) et ses fiches pour les lecons du lendemain : dictee, grammaire, redaction, lecture, calcul, histoire, geographie, sciences naturelles, histoire juive sans oublier la Morale et l’Instruction Civique… ( tous les jours, au haut du tableau noir, etaient inscrits des maximes de morale ou des regles d’instruction civique). Il y avait aussi le cahier de classe (appele aussi cahier de roulement) ou, a tour de role, les eleves inscrivaient tout ce qui etait etudie en classe y compris la correction des devoirs. Mon pere etait un tres bon instituteur; il avait des dons d'imitation ( parfois, lorsqu'il nous faisait des dictees, cela me rappelait certaines scenes de "Topaze" avec Fernandel lors de ses fameuses dictees "les moutonsss .." ou Topaze insistait sur les liaisons...) sinon de comedien (il arrivait a fixer notre attention lorsqu' il lisait un texte en utilisant ses dons de mime); c'est avec beaucoup d'interet que nous suivions, grace a son savoir faire et sa simplicite, les differentes peripeties de l’Histoire de France … ; C'est avec beaucoup de pedagogie qu'il nous enseignait toutes ces matieres. Malgre son air un petit peu severe, il savait aussi nous offrir son beau sourire et avait pas mal d’humour. Je crois que les eleves l’aimaient bien et en ont garde un bon souvenir. Temoignage d'un ancien eleve : "Mr CHEMLA, le plus gentil". Je me souviens combien il apprehendait les inspections car il se sentait moins a l’aise en presence d’etrangers dans sa classe. C’est assez difficile de parler de son propre pere mais ce dont je suis certain, c’est qu’il aimait les enfants ( et ce n'est pas par hasard qu'il a fonde une famille de 8 enfants, six garcons et deux filles !) et son metier d’instituteur
Monsieur Simon Temam nous a enseigne et surtout nous a fait aimer aussi bien les Maths que la Physique et Chimie (que nous commencions a etudier des la 4eme). C’etait un excellent pedagogue. Ceux qui continuaient leurs etudes au Lycee Carnot possedaient, grace a lui, un excellent "bagage" et tres souvent ils se retrouvaient parmi les meilleurs dans ces differents domaines. Il m’aimait bien. Je me souviens qu’en troisieme, il avait fait une legere erreur en ma faveur en calculant ma note d’une composition de Physique. Je lui en avais fait la remarque mais il a tenu a ne pas changer la note pour recompenser mon « honnetete ». L’avis d’un autre de ses eleves : « L’As des As. 3 ou 4 polytechniciens dans sa famille. Grace a lui nous etions redoutes au Lycee Carnot. ». Par la suite il a succede a Raphael Levy (ou a Vitalis Danon, je ne me souviens plus exactement !) en tant que Directeur des ecoles de l’A.I.U. Tout d'abord, ce poste avait ete propose a mon pere mais, avec modestie, il l’a refuse et s’est contente du poste honorifique de « sous-directeur
Monsieur Donio s’occupait particulierement de la preparation au Certificat d’Etudes. C’etait un excellent pedagogue plein d’humour. Je me souviens qu’il adorait nous parler de son fils Jeannot qui commencait de brillantes etudes qui se sont concretisees plus tard a l’Ecole Polytechnique et par de nombreux diplomes et postes universitaires (dont le dernier, Professeur emerite a la Sorbonne). Je me souviens que Monsieur Donio aimait beaucoup fredonner des chansons et, entre autres, j’ai garde en memoire une chanson a la mode a l’epoque « Maria de Bahia » qu’il aimait chanter a tue-tete :
« Aie aie aie maria maria de Bahia
Elle avait le teint comme du satin la belle maria
Et tous les coeurs cabriolaient
Quand elle montrait ses mollets
Couleur de café au lait……. »
Monsieur Giami : Contrairement a son apparence, Monsieur Giami etait un brave homme, un peu severe peut-etre, mais tres competent. Voici un temoignage d’un eleve : « Monsieur GIAMI , avec ses brassards noirs , une terreur. Un jour , parce que je courais dans la cour , il a pointé l'index sur moi , en me faisant signe de venir à lui . De peur , j'ait fait pipi sur moi. »
: Comment ne pas parler de Monsieur Chaouat avec beaucoup d’emotion et de nostalgie. Cet homme etait tres proche de mon pere et meme de notre famille. En plus de ses qualites pedagogiques, il avait un don inne de l’organisation , d’où sa participation a l’organisation de differents examens comme le B.E.P.C. et meme le BAC. Mais ceux qui l’ont connu, se souviennent de son amour pour la langue de Dante Alighieri et il a su, avec beaucoup d’enthousiasme, transmettre les premieres notions d’Italien a plusieurs generations. Je crois que c’est grace a lui, que j’ai aime l’Italien et que je l'ai choisie avec bonheur comme 1ere langue etrangere au Baccalaureat. Par la suite , il continua d’enseigner a Paris dans des ecoles particulieres ( je crois celles de Sylvain Bismuth et de Racca.
Monsieur Beja : etait responsable d’une classe de 5eme ou il enseignait plusieurs matieres dont les mathematiques. C’est lui qui m’a inculque les premieres notions d’algebre. Il exigeait, non seulement, qu’on sache par cœur les formules importantes mais aussi etablissait une competition entre les eleves en chronometrant le « debit » de ces formules......
Je me souviens que lorsqu’il voulait nous faire une remarque ou voulait reveiller notre attention, avec les bouts des cinq doigts rassembles, il venait taper sur notre omoplate a un endroit qui nous faisait pousser un « aie » de douleur. Un autre eleve nous rappelle qu’il « etait aussi responsable de la gymnastique. Silence pudique sur nos aptitudes sportives… ». Autre anecdote : Je me souviens que dans ma classe de 5eme, il y avait 3 eleves dont je me souviens : Chalom Baranes ( qui a ete mon ami et a habite a Paris le meme immeuble de Clichy que ma famille a leur arrivee a Paris en 1964) etait un excellent eleve. C’etait aussi le cas de Lucien Berrebi qui, par la suite a enseigne les maths ( on m’a meme raconte qu’il a eu une formation de Mohel sous la direction du Mohel Adda). Je crois qu’il a du pendant un certain temps arreter ses etudes scolaires pour des raisons de sante. Il y avait aussi Gerard Hababou ( celui qui fut durant plusieurs annees Le rabbin du rite Tunisien a la Grande Synagogue de la rue de La Victoire). C’etait le meilleur eleve en hebreu......
Il y a plusieurs annees, avec mon plus jeune frere, j’ai eu l’occasion de revoir a Paris Monsieur Beja dans une synagogue du 10eme arrondissement a l’occasion de « Simhat Torah ».Mais il nous a quitte, lui aussi, il y a quelques annees.
Monsieur Jacques Castro : etait responsable d’une classe de 7eme et parfois de la classe specialisee dans la preparation du C.E.P. Avec son neuf papillon fonce, Mr Castro etait tres gentil en depit de son apparence serieuse, meme un peu severe mais cela n’enlevait rien a ses excellentes qualites d’enseignant.
Monsieur Nataf : professeur d’Anglais en classe de troisieme. En fait, il n’a eu sa licence d' Anglais que bien plus tard. Mais il a su nous faire travailler (contrôles quasi quotidien) et nous inculquer les regles principales de grammaire et le vocabulaire minimum pour pouvoir etre au niveau des eleves du Lycee Carnot. En depit de sa relative severite, on sentait qu’il aimait son metier et avait un reel desir de transmettre ses connaissances. Une anecdote : Je me souviens que lors des controles et des examens, il surveillait la classe en montant sur un banc au fond de la classe. J’avoue avoir utilise la meme methode quand j’etais militaire enseignant dans le cadre de la cooperation avec le Maroc car, la-bas, le copiage etait vraiment un sport national
Monsieur Georges Bismuth : s’occupait des classes de 4eme ou il enseignait differentes matieres comme les Mathematiques, la grammaire, les sciences naturelles …. Il etait connu pour sa relative severite qui cachait souvent un profond attachement a ses eleves. Je me souviens qu’il portait des lunettes de soleil tres foncees lorsqu'il surveillait les controles et les examens. C’etait un des plus jeunes instituteurs. Par ailleurs, il a epouse une de ses eleves Doris qui a ete par la suite, speakrine a Radio-Tunis. Il aimait s’occuper des equipes sportives de l’Ecole de l’Alliance Israelite Universelle qui connurent de beaux succes surtout en volley-ball dont la principale vedette fut Max Sitruk qui etudiait dans la classe commerciale. Il fut le dernier Directeur des ecoles de l’Alliance en Tunisie apres l’independance de la Tunisie. Le gouvernement Tunisien, ayant exige qu’il ait a ses cotes un directeur arabe alors que lui-meme possedait la nationalite tunisienne. Se sentant surveille sinon espionne, il decida de quitter la Tunisie avec sa femme et ses 4 fils et de s’installer en 1969 en Israel ou il a ete mon voisin jusqu'à sa mort en Avril 2003. Pendant tres longtemps, il fit de la peche sous-marine avant que la maladie l'empecha de poursuivre son sport favori. Je l’ai bien connu en Israel ou j’ai decouvert un homme tres humain avec beaucoup d'humour et qui adorait les enfants et la jeunesse en general. D’ailleurs il etait tres apprecie par les etudiants du Technion ou il etait responsable du departement de l’enseignement du Français.
Monsieur Farhi : Professeur de Français dans les classes de 4eme et de 3eme. Il avait des difficultes a se faire respecter en classe. Certains eleves lui avaient fait des « coups pendants » mais pas trop mechants. On m’a raconte qu’une fois on lui avait fait un cadeau assez imposant : Apres avoir deballe et ouvert plusieurs boites ( a la maniere des poupees russes), lorsqu’il ouvrit finalement la derniere boite un oiseau sortit de la boite pour s’envoler alors que toute la classe sussurait "cui-cui". Il avait du mal a prononcer les « r » et les eleves n’hesitaient pas a l’appeler Monsieur « Fahi ». Personnellement, je me souviens de la severite inexpliquee dans sa notation. Rarement on obtenait la moyenne 10/20.....
Madame Attal : etait responsable des cours d’Histoire en troisieme. C’etait une femme d’un certain age qui marchait avec une canne car elle boitait legerement. Je me souviens avec quel humour, elle nous racontait l’Histoire de France ( presqu’a la maniere de la Famille Hernandez). Ses cours etaient tres clairs, colores et bien documentes , les resumes qu’elle nous dictait etaient fort bien ecrits.
Monsieur Ernest Slama : Je l’ai peu connu. Jeune instituteur, il enseignait dans une classe de 8eme. Il etait toujours souriant et semblait tres aimable.
Monsieur Brami : Lui aussi, un des plus jeunes instituteurs , etait toujours souriant et semblait fort sympathique. Il etait repute pour son enseignement des mathematiques. Il quitta l’Alliance pour travailler dans les Assurances. Il fit son Alya en Israel ou il vecut a Jerusalem jusqu'à son deces il y a plusieurs annees deja.
Jeanine Soria
French