Israël: De la mort à la vie - Anaële Maman
Comment une nation réapprend-elle à vivre quand elle s’est vue mourir? Ce film est né d’un réflexe. Un appel qui a guidé mes pas sans savoir ce que je voyais, sans savoir ce que je voulais voir.
Les jours qui ont suivi le 7 octobre furent des jours de temps noir. Je me suis sentie seule. Terriblement seule. Et dans ma solitude, j’ai éprouvé pour la première fois un besoin étrange, qui ne m’avait jamais traversée : la volonté de témoigner. Raconter, montrer, essayer de comprendre ce qu’Israël vivait.
Avec un iPhone et un stabilisateur acheté la veille de mon départ, je suis partie là-bas sans savoir vraiment ce que j’y découvrirais. Une fois montée dans l’avion, je ne cessais de m’interroger : Vais-je rencontrer un pays effondré, ramené à ses pires traumatismes ? Une société effrayée, encore paralysée par la pire attaque de toute son histoire ? Du déni, de l’angoisse ? Un élan de colère, ou, au contraire, une affliction si forte qu’elle éteindrait toute forme d’affect ? Reconnaîtrais-je seulement ce pays que je connais depuis mon enfance ? Y aurait-il un décalage entre la réalité israélienne et l’image médiatique que nous en avons en Europe et en France ?
Ce documentaire essaie de restituer tous ces questionnements, sans jamais les trancher. S’il entend décrire une chose, c’est cette situation indicible du jour d’après l’horreur : comment une nation se réveille-t-elle, comment se redresse-t-elle, comment réapprend-elle à vivre quand elle s’est vue mourir ?
Trois parties le composent. Trois pour : passé, présent et futur.
La première observe le Sud, les lieux du massacre. Je me suis rendue dans deux villes : Ofakim et Sdérot. Des villes fantômes qui portaient encore les stigmates de la barbarie qui avait déferlé sur elles. Dans ces villes régnait encore une atmosphère de terreur. J’ai voulu montrer le silence de ces rues hantées par la barbarie et où, aux sons du Kaddish, on aperçoit ici une maison détruite par les balles, là des traces de sang, là encore des poussettes abandonnées ou encore les vestiges de la fête de Souccot, brutalement interrompues par des tirs.
J’ai rencontré par la suite les vivants du présent, les rescapés du drame : un jeune homme blessé lors du festival Nova, des parents et des proches d’otages, un retraité sauvé par un policier lorsqu’il se rendait à la synagogue, des civils hantés par ce qu’ils ont vu le 7 octobre, des jeunes et des personnes âgées déplacées dans le centre d’Israël.
La question du vivre ensemble entre arabes israéliens et juifs israéliens me semblait primordiale. Je suis donc partie à Jaffa pour en apprendre plus sur cette situation et recueillir des témoignages à ce propos.
J’ai voulu, enfin, regarder la société d’Israël dans sa complexité : comment une démocratie peut-elle se relever d’une telle épreuve ? Car une démocratie ne se reconnaît pas seulement à son système de loi ou sa Constitution, mais à sa société. Un certain mode de vie, des habitudes, des manières de parler, de manifester et d’investir la ville, des paroles, des comportements, des doutes et des questionnements qu’aucun état d’urgence ne saurait abolir. C’est cela, que j’ai voulu montrer : cette permanence de l’esprit démocratique dans un état de guerre.
Israël est une démocratie. Mais comment perçoit-elle le choc qu’elle a vécu ? Comment se fédère-t-elle alors qu’elle était si profondément divisée au cours des derniers mois ? Que pense-t-elle de ses dirigeants, de l’avenir, et de l’idée d’espoir ?