Einstein, Dieu et la religiosité cosmique

Beaucoup déclarent qu’Einstein croyait en Dieu. A l’aide de quelques citations, je fais d’abord voir qu’Einstein ne croyait pas en Dieu, rejetait le spiritualisme, le mysticisme, la providence, les livres sacrés, les institutions religieuses et condamnait les tentatives de fonder la morale sur la croyance. Dans un deuxième temps, je fais voir en quoi consiste ce qu’il appelait sa « religiosité cosmique ».

« Le mot Dieu n'est pour moi rien de plus que l'expression et le produit des faiblesses humaines, la Bible un recueil de légendes, certes honorables mais primitives qui sont néanmoins assez puériles. Aucune interprétation, aussi subtile soit-elle peut selon moi changer cela »
Albert Einstein, lettre à Eric Gutkind, 3 janvier 1954 (EA 59-897)

« C’est un mensonge ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses, un mensonge qui est systématiquement répété. Je ne crois pas en un Dieu personnel et n’ai jamais dit le contraire, mais l’ai exprimé clairement »
Albert Einstein, lettre à un athée, le 22 mars 1954 (EA 39-525). (Einstein the human side p. 43)

« Du point de vue du prêtre, je suis, bien sûr, et ai toujours été un athée »
Albert Einstein, lettre à Guy H. Raner Jr, 2 Juillet 1945, Skeptic, 1997, 5(2):62.

« La réponse à vos questions remplirait des livres. Je ne peux que dire en quelques mots que j'ai exactement la même opinion que Spinoza et que en tant que déterministe convaincu, je n'éprouve aucun sympathie pour la conception monothéiste »
Albert Einstein au rabbin A.Geller Brooklyn, 4 sept 1930. (cité par Michel Paty dans « Einstein et Spinoza »)

« Celui qui est convaincu par la loi causale régissant tout événement ne peut absolument pas envisager l’idée d’un être intervenant dans le processus cosmique » « Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l'objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui réglerait sa volonté sur l'expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste »
Albert Einstein, Comment je vois le monde, religion et science, The New York Times Magazine, 9 novembre 1930.

 « La vérité religieuse ne signifie rien pour moi »
             Albert Einstein, interview pour Kaizo 5 n°2, 1923 le 14 décembre 1922. (Ideas and opinions p. 261, New quotable p.194)

« Pourquoi m’écris-tu Dieu devrait punir les anglais ? Je n’ai aucune connexion particulière ni avec l’un ni avec les autres. Je vois seulement avec grands regrets que Dieu punit nombre de ses enfants à cause de leurs innombrables stupidités, pour lesquelles lui seul peut être tenu pour responsable ; de mon point de vue, seul sa non-existence pourrait l’excuser »
Albert Einstein, lettre à Edgar Meyer, 2 Janvier 1915. CPAE Vol. 8, doc 44. , New quotable p.193

« A travers la lecture de livres de vulgarisation scientifique je suis vite parvenue à la conviction que la plupart des histoires de la Bible ne pouvaient pas être vraies. La conséquence fut une orgie fanatique de libre pensée associée à l'impression que la jeunesse est intentionnellement trompée par l'État par le biais de mensonges, c'était une impression d'écrasement. Une méfiance à l'égard de tout type d'autorité a résulté de cette expérience, une attitude sceptique envers les convictions présentes dans n’importe quel milieu social - une attitude qui depuis ne m’a jamais quitté… »
Albert Einstein, Autobiographical Notes, extrait de Philosopher-Scientist

« La tendance mystique de notre temps, qui se montre particulièrement dans la croissance galopante de la soi-disant théosophie et du spiritualisme n’est pour moi rien de plus qu'un symptôme de faiblesse et de confusion. Etant donné que notre expérience intérieure consiste en des reproductions et des combinaisons d'impressions sensorielles, le concept d'une âme sans corps me semble être vide et dénué de sens.  »
Albert Einstein, réponse en 1921. Einstein the human side p. 39/40. New quotable p.275

            
« Le Dieu Juif [..] est la tentation de fonder la morale sur la crainte, une attitude déplorable et dérisoire »
Albert Einstein, Comment je vois le monde, « y a-t-il une conception juive du monde ? »

 

« La condition des hommes s’avérerait pitoyable s’ils devaient être domptés par la peur d’un châtiment ou par l’espoir d’une récompense après la mort”. “Le comportement moral de l’homme se fonde efficacement sur la sympathie et les engagement sociaux, il n’implique nullement une base religieuse ».
Albert Einstein, Comment je vois le monde, religion et science, The New York Times Magazine, 9 novembre 1930.

« C’est bien possible que nous puissions faire des choses meilleures que Jésus, car ce qui est écrit sur lui dans la bible est poétiquement embelli »
Albert Einstein, cité dans W. I. Hermanns "A Talk with Einstein," Octobre 1943, EA 55-285. New quotable p.205

« A propos de Dieu, je ne peux accepter aucun concept fondé sur l'autorité de l'Église. A ce que je me souviens, j'y ai ressenti une endoctrination de masse. Je ne crois pas à la peur de la vie, à la crainte de la mort, ni à la foi aveugle ».
Albert Einstein, cité dans W. I. Hermanns p132. Max Jammer Einstein and religion p.123.

« Le fait que le monde soit intelligible est un miracle […] nous devons nous contenter de reconnaître le « miracle » sans qu’il y ait une voie légitime pour aller au-delà. Je me vois forcer d’ajouter cela expressément, afin que vous ne croyiez pas que – affaibli par l’âge – je suis devenu une proie des curées »
Albert Einstein, Lettre à Maurice Solovine, 30 mars 1952.

« Je suis convaincu que certaines pratiques et activités politiques des organismes catholiques sont nuisibles et même dangereux pour la communauté dans son ensemble, ici et partout dans le monde. Je mentionne ici seulement la lutte contre le contrôle des naissances à un moment où la surpopulation dans les différents pays est devenue une grave menace pour la santé des populations et une grave obstacle à toute tentative d'organiser la paix sur cette planète »
Albert Einstein, New quotable p. 253.

« Dans leur lutte pour le bien moral, ceux qui enseignent la religion doivent avoir la stature de renoncer à la doctrine d'un Dieu personnel, c'est-à-dire renoncer à cette source de crainte et d'espoir qui, dans le passé a mis un si vaste pouvoir dans les mains des prêtres. Dans leurs travaux, ils devront se servir de ces forces qui sont capables de cultiver le bon, le vrai et le beau dans l'humanité elle-même. C'est, bien sûr, une tâche bien plus difficile mais incomparablement plus noble. Après que les professeurs en religion aient accomplit ce processus d’affinement indiqué, ils ne manqueront pas de reconnaître avec joie que la vraie religion a été anoblie et rendue plus profonde grâce à la connaissance scientifique. " […] "Plus l’évolution spirituelle de l'humanité progresse, plus il me semble que le chemin de la religiosité authentique ne se trouve pas dans la peur de la vie, la peur de la mort, ou la foi aveugle, mais dans l’effort pour la connaissance rationnelle. En ce sens, je crois que le prêtre doit devenir un enseignant s'il veut rendre justice à sa noble mission éducative ».
Albert Einstein, ideas and opinions p. 49, science and religion.

 

La « Religiosité cosmique » d’Einstein

    Einstein se disait religieux au sens de Spinoza, un thème abordé et développé dans l’essai « l’Amour de la Raison Universelle ». Spinoza est le plus rationaliste de tous les grands philosophes. Il rejette l’existence d’une quelconque entité surnaturelle et peut donc être considéré comme le père de l’athéisme moderne. Toutefois, à son époque Spinoza ne proposait pas ouvertement l’athéisme, mais plutôt le retournement de la religion en une attitude philosophique qui ne contient plus aucun dogme, ni aucune idée irrationnelle. C’est ce qui a plu à Einstein qui utilise comme Spinoza le vocabulaire religieux dans un sens poétique. Les citations suivantes font la démonstration que ce que Einstein entend par les mots « Dieu », « religion », « miracle » « intelligence supérieur »… est très différent de ce que l’on entend habituellement par ces termes.

 

Le Dieu d’Einstein = « la nécessité issue de la simplicité logique »

« Ce qui m'intéresse vraiment c'est de savoir si Dieu avait un quelconque choix en créant le monde, c’est à dire, si la nécessité de la simplicité logique laisse ou non un quelconque degré de liberté. »
Albert Einstein, à son assistant Ernst Straus (cité par Carl Seelig, Helle Zeit-Dunkle Zeit, p72). Max Jammer Einstein and religion p. 124. New quotable p. 209

 

« Il me semble que l’idée d’un Dieu à forme humaine est un concept que je ne peux prendre sérieusement. Je ne me sens pas non plus capable d’imaginer une volonté ou un but hors de la sphère humaine. Mes vues sont proches de Spinoza: admiration de la beauté et croyance en la simplicité logique de l’ordre et de l’harmonie que nous ne pouvons saisir qu’humblement et imparfaitement. Je pense que nous devons nous contenter de notre savoir et notre compréhension imparfaite, et traiter les valeurs et les obligations morales comme un problème purement humain, le problème humain le plus important. »
Albert Einstein, lettre à Murray W. Gross, 26 Avril 1947, Max Jammer Einstein and religion p138

« Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l'ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains. »
Albert Einstein, réponse au rabbin Herbert S. Goldstein, télégramme, 1930.

« Ma compréhension de Dieu provient de la profonde conviction d'une intelligence supérieure qui se révèle elle-même dans le monde connaissable. En termes communs, on peut la décrire comme «panthéiste» (Spinoza). »
Albert Einstein, Ideas and opinions p. 262

 

La religion d’Einstein = « La foi dans la nature rationnelle de la réalité »

« Je peux comprendre votre aversion pour le mot “religieux” pour décrire l’attitude émotionnelle et psychologique qui se révèle le plus clairement chez Spinoza. Je n’ai pas trouvé de meilleur mot que “religieux” pour la foi dans la nature rationnelle de la réalité qui est, au moins partiellement accessible à la raison humaine. Dès lors que ce sentiment est perdu, la science dégénère en un empirisme dépourvu d’inspiration.  Je me fiche comme de l’an quarante si les curés en battent monnaie. Il n’y a d’ailleurs pas de remède à cela. »
Albert Einstein, Lettre à Maurice Solovine, 1 janvier 1951

« La science ne peut être créée que par ceux qui sont complètement imprégnés par l'aspiration vers la vérité et la compréhension. La source de ce sentiment, toutefois, provient de la sphère religieuse. D’elle provient la foi dans la possibilité que les lois valables pour le monde de l'existence sont rationnelles, c'est-à-dire compréhensible à la raison.Je ne peux pas concevoir un véritable scientifique sans cette foi profonde. La situation peut être exprimée par une image: la science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle »
Albert Einstein, ideas and opinions, science and religion.

[ Au cours de son entretien avec Tagore, celui-ci déclare  que la beauté et de la vérité sont relatives]
Einstein: « Je suis d’accord avec cette conception de la beauté mais pas de la vérité. Je ne peux pas te prouver que j’ai raison, c’est ma religion…si il y a une réalité indépendante de l’homme, il y a aussi une vérité dépendante de cette réalité, et de la même façon, la négation de la première engendre une négation de la seconde. »
Tagore: « si il devait y avoir une vérité qui n’a aucune relation sensorielle ou rationnelle avec l’esprit, alors elle resterait un néant tant que nous restons des êtres humains »
Einstein: « Et bien, je suis plus religieux que toi ! »
Albert Einstein, entretien avec Tagore.

Note : Pareillement, pour Spinoza, l’esprit religieux consiste à reconnaître la vérité du monde physique, au contraire « la croyance aux miracles devrait conduire au doute universel et à l’athéisme » (TTP chap VI.)   

 

La « religiosité cosmique » d'Einstein = « un sentiment d'admiration pour
l’ordre qui se manifeste dans l’univers matériel »

 

« La joie de contempler et de comprendre, voilà le langage que me porte la nature »
            Albert Einstein, Comment je vois le monde, aphorisme pour Leo Baeck.

« S’il y a quelque chose en moi que l’on puisse appeler "religieux" ce serait mon admiration sans bornes pour les structures de l’univers »
Albert Einstein, lettre à un athée, le 22 mars 1954 (EA 39-525). (Einstein the human side p. 43)

« Le sentiment religieux engendré par l’expérience de la compréhension logique de profondes interrelations est quelque chose de différent du sentiment que l’on appelle généralement religieux. C’est plus un sentiment d'admiration pour l’ordre qui se manifeste dans l’univers matériel »
Albert Einstein, à un rabbin de Chicago, W. Plaut, fin 1939. Einstein the human side p69.

        

« Le malentendu est dû à une mauvaise traduction du texte allemand, en particulier l'emploi du mot «mystique». Je n'ai jamais imputé à la Nature un but ou un objectif, ou tout ce qui pourrait être compris comme anthropomorphe. Ce que je vois dans la nature est une magnifique structure que l'on peut comprendre que très imparfaitement, et qui doit remplir un penseur du sentiment « d’humilité ». Il s'agit d'un véritable sentiment religieux qui n'a rien à voir avec le mysticisme »
Albert Einstein. Einstein the human side p. 39

« La connaissance de l'existence de quelque chose que nous ne pouvons pas pénétrer, la manifestation de la plus profonde rationalité et la plus radieuse beauté, qui ne nous sont accessibles par notre raison que dans leurs formes les plus primitives - c'est cette connaissance et cette émotion qui constituent  la véritablement attitude religieuse, en ce sens, et seulement dans ce sens, je suis un homme profondément religieux »
Albert Einstein, Comment je vois le monde, religion et science, The New York Times Magazine, 9 novembre 1930.

« Je suis un non-croyant profondément religieux, c’est en quelque sorte une nouvelle forme de religion »
         Albert Einstein, Lettre à Hans Muehsam 30 mars 1954; EA 38-434

Les esprits animés par la « religiosité cosmique » : les scientifique-philosophes

« Le savant est pénétré par le sens de la Causalité universelle »
  Albert Einstein, "The religious spirit of science" Ideas and opinions p40

« Les génies religieux de toute époque se sont distingués par ce genre de sentiment religieux (la religiosité cosmique), qui ne connaît pas de dogmes, ni de Dieu conçu à l'image de l'homme, de sorte qu'il ne peut y avoir d’église dont les enseignements sont basés sur elle. Par conséquent, c’est précisément parmi les hérétiques de tout âge que l'on trouve des hommes qui ont été remplis par le plus profond sentiment religieux et ont été dans bien des cas considérés par leurs contemporains comme des athées, parfois aussi comme des saints. De ce point de vue, des hommes comme Démocrite, François d'Assise et Spinoza sont très proches l'un de l'autre. » (François d’Assise était quasiment panthéiste, en tout cas aux yeux d’Einstein, pour les deux autres voir la page principale).
Albert Einstein, Comment je vois le monde, religion et science, The New York Times Magazine, 9 novembre 1930

      

        « Les scientifiques travaillant sérieusement sont les seuls personnes profondément religieuses »
         Albert Einstein, Comment je vois le monde, religion et science, The New York Times Magazine, 9 novembre 1930

           
        « Tant que tu pris Dieu ou lui demande une récompense, tu n’es pas religieux »
              Albert Einstein à Leo Szilard. Max Jammer Einstein and religion p149.

        

     http://www.willeime.com/Einstein-dieu.htm       

Note: On trouvera encore d'autres propos célèbres où Einstein déclare qu'il veut découvrir "les pensées de Dieu", expressionlà encore métaphorique pour dire qu'il ambitionnait de parvenir à la compréhension la plus fondamentale des lois de la physique. De même, quand il déclare que "Dieu ne joue pas aux Dés", il n'affirmait pas une croyance en l'existence du Dieu des croyants, mais voulait seulement dire poétiquement que la nature suit des lois déterminées....

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