Histoire vraie qui donne des frissons

Histoire vraie qui donne des frissons ...
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L 'office étant terminé, David se dirigea rapidement vers les premiers rangs pour dire "Chabbat Chalom" au rabbin et aux quelques personnes de sa connaissance, puis rebroussa chemin vers la sortie. 
Il fallait maintenant rentrer à la maison pour le Kiddouch. Comme il s'apprêtait à sortir, mû par une impulsion soudaine, il se retourna pour regarder les fidèles qui sortaient un par un de la synagogue. Il regarda attentivement. N'y aurait-il pas quelqu'un d'isolé qu'il pourrait inviter? "Tiens, qui est encore assis prés du mur latéral? Je connais pratiquement tout le monde ici, et je n'ai pas l'impression de l'avoir déjà vu".

David s'approcha du jeune inconnu et l'examina d'un oeil expert. Une salopette, un sac à dos, le teint mat, des cheveux bruns bouclés: un Sépharade sans doute, peut être un Marocain... Il réfléchit encore un instant puis se dirigea vers le jeune garçon en lui tendant la main dans un geste de bienvenue: "Chabbat Chalom!
Je m'appelle David Einfild. Voulez-vous dîner chez moi ce soir?" Le visage soucieux du jeune garcon s'éclaira instantanément d' un grand sourire. "Oui, merci. Moi, c'est Mochi". Il ramassa son sac à dos et ils sortirent ensemble de la synagogue. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous debout autour de la table de Chabbat de David.

Alors que toute la famille entonnait "Chalom Aleichem", David remarqua que son invité ne chantait pas. 
Peut-être qu'il est timide, ou qu'il ne sait pas chanter, se dit-il. Le jeune garcon le gratifia d'un autre de ses grands sourires et tenta de suivre, sans grand succès, mais en essayant visiblement de faire de son mieux.

Le repas commença et l'invité se détendit un peu, mais il semblait toujours un peu nerveux et ne parlait pratiquement pas. David, s'en rendant compte, fit en sorte que la conversation s'en tienne à des généralités et se cantonna à des réflexions sur la Paracha de la semaine et à des propos à bâtons rompus sur l'actualité.
Après le poisson, David remarqua que son invité feuilletait le recueil de chants de Chabbat, comme s'il y cherchait quelque chose. Il lui demanda en souriant: "vous voulez chanter quelque chose? Je peux vous aider si vous n'étes pas sûr de l’air". Le visage de Mochi s'éclaira instantanément.

- Oui, il y a un air que j'aimerais bien chanter, mais je ne le trouve pas là. J'ai beaucoup aimé ce que nous avons chanté ce soir à la synagogue. C'était comment, déjà ? Quelque chose avec "Dodi...
- Vous voulez dire Le'ha Dodi ? Attendez, je vais vous donner un Livre de Prières. Après avoir chanté Le'ha Dodi, le jeune garçon redevint silencieux jusqu'après le potage, lorsque David lui demanda:
- Et maintenant que voulez-vous chanter ? L'invité eut l'air embarrassé, mais après avoir été encouragé, il dit fermement:
- J'aimerais vraiment chanter encore Le'ha Dodi.
David ne fut pas surpris lorsque, ayant demandé à son invité, après le poulet, ce qu'il voulait chanter, le jeune garcon lui répondit: "Le'ha Dodi, s'il vous plait". David faillit s'exclamer: "chantons un peu moins fort cette fois, les voisins vont croire que je suis cinglé", mais il se ravisa. A la fin, David, n'en pouvant plus, suggéra genti ment: "vous ne voulez pas chanter autre chose?" Son invité rougit et baissa les yeux. "C'est que j'aime vraiment cette mélodie", murmura-t-il. "Il y a quelque chose en elle... Je l'aime vraiment." 
Ils avaient bien dû chanter huit ou neuf fois "La Mélodie". David ne savait plus très bien... il avait perdu le compte.

Plus tard dans la soirée, lorsqu'ils purent parler tranquillement, David lui dit: "nous n'avons pas eu beaucoup le temps de bavarder. D'où étes- vous?" Le garçon eut l'air ennuyé, puis, tout en regardant le plancher, répondit: "de Ramallah". David sentit son coeur s'arrêter dans sa poitrine. Il n'était pas sûr d'avoir entendu le garçon dire "Ramallah " (grande ville arabe de Judée-Samarie en Israel, près de Jérusalem).
Il se reprit rapidement et se dit qu'il avait dû dire la ville israélienne de "Ramleh", et il s'exclama: "Oh oui, j'ai un cousin là-bas. Est-ce que vous connaissez Effie Golberg? 
Il habite rue Herzl."
Le jeune garcon secoua la tête et dit avec tristesse: "Il n'y a pas de Juif à Ramallah". David eut le souffle coupé. Il avait bien dit "Ramallah"!

Ses pensées se précipitaient. Est-ce qu'il venait de passer Chabbat avec un Arabe? 
Pas d'affolement! 
Tu vas respirer à fond et essayer d'y voir plus clair. Il secoua rapidement la tête et dit au garçon : "Je suis désolé, je m'y perds un peu. A propos, j'y pense maintenant, je ne vous ai même pas demandé votre nom de famille. Comment vous appelez-vous?" 
Le garçon eut un moment l'air terrifié, puis, se raidissant, il dit calmement: "Brahim Ibn-Esh-Hussein." 
Mochi semblait encore plus terrifié maintenant. A l'évidence, il savait ce que David pensait. Il s'écria précipitamment: 
- Attendez! Je suis juif! J'essaye simplement de savoir où se trouve ma place. David restait sans voix. 
Que pouvait-il dire? Mochi hésita, puis rompit le silence.
- Je suis né et j'ai grandi à Ramallah. On m'a appris à haïr mes oppresseurs juifs et à penser que les tuer était un acte héroïque. Mais j'ai toujours eu des doutes à ce sujet. On nous apprend que la Sunna, la tradition, dit que Nul d'entre vous n'est un croyant s'il ne désire pas pour son frère ce qu'il désire pour lui-même. 
J'ai réfléchi et je me suis demandé, est-ce que les Yahud (les Juifs) ne sont pas un peuple eux aussi ? 
N'ont-ils pas, comme nous, le droit de vivre? Si nous devons être bons envers tout le monde, comment se fait-il que les Juifs soient tenus à l'écart ? J'ai posé ces questions à mon père et il m'a chassé de la maison.

Comme ça, sans rien d'autre que les vêtements que j'avais sur le dos. Mais ma décision était prise: je voulais partir et vivre avec les Yahud jusqu'à ce que je me fasse une idée de ce qu'ils sont réellement. Je revins à la maison cette nuit-là pour rassembler mes affaires et les mettre dans mon sac à dos. Ma mère me surprit en pleins préparatifs. Elle me parut pale et troublée, mais elle était calme et me parla gentiment. Je lui expliquai que je voulais aller vivrequelque temps avec les Juifs pour voir comment ils étaient réellement, et que, peut- être, j'envisagerai de me convertir. Elle devenait de plus en plus pale en m'entendant, et je crus qu'elle était en colère, mais je me trompais. C'était autre chose qui lui faisait mal. Elle murmura: "Tu n'as pas besoin de te convertir. Tu es déjà juif." J'étais sous le choc. Ma tête se mit à tourner et pendant un moment, je fus incapable de parler. Puis je balbutiai "Qu'est-ce que tu veux dire?"
Dans le judaïsme, me dit-elle, la religion se transmet par la mère. Je suis juive, cela signifie que tu es juif.
Je n'avais jamais eu l'idée que ma mère puisse être juive. Je suppose qu'elle voulait que personne ne le sache. Elle ne devait pas être très satisfaite de sa vie car elle murmura soudainement: J'ai fait une erreur en épousant un Arabe. A travers toi, ma faute sera rachetée. Ma mère s'exprimait toujours comme ça, de manière un peu poétique. Elle s'éloigna et revint avec de vieux documents qu'elle me tendit; c'était mon bulletin de naissance et sa vieille carte d'identité israélienne, qui me permettraient de prouver que j'étais juif. Je les ai là, avec moi, mais je ne sais pas quoi en faire. 
Ma mère avait encore en main un papier qu'elle hésitait à me donner. Elle finit par dire: Tiens, autant que tu prennes ça aussi. C'est une vieille photo de mes grands-parents, qui a été prise alors qu'ils cherchaient la tombe d'un de nos ancêtres très vénéré. Ils sont allés dans le nord et ont trouvé la tombe, et c'est là que cette photo a été prise.

David posa doucement sa main sur l'épaule de Mochi, qui leva les yeux, et on lisait dans son regard un mélange de crainte et d'espoir. David demanda: "Tu as la photo avec toi?" Le visage du garçon s'éclaira. 
Oui, bien sûr! Je l'ai toujours avec moi". Il chercha dans son sac à dos et en sortit une vieille enveloppe froissée. David sortit avec précaution la photo de l'enveloppe, prit ses lunettes, et regarda attentivement. 
Ce qu'on voyait au premier abord, c'était une photo de groupe: une vieille famille Sépharade du début du siècle. Puis, il se concentra sur la tombe autour de laquelle se tenaient les personnages. Lorsqu'il parvint à lire l'inscription sur la pierre tombale, il faillit laisser tomber la photo. Il se frotta les yeux pour être sûr qu'il avait bien lu. 
Il n'y avait pas le moindre doute: la photo avait été prise dans le vieux cimetière de Safed, et la tombe était celle du grand kabbaliste et tsaddik Rabbi Shlomo Alkabetz, l'auteur de Le'ha Dodi.

David expliqua à Mochi, d'une voix tremblante d'excitation, qui était son ancêtre. 
C'était l'ami du Ari zal, un grand Sage, un Juste, un mystique. Et tu vois, Mochi, c'est ton ancêtre qui a écrit cette mélodie que nous n'avons pas arrêté de chanter ce Chabbat: Le'haDodi. Cette fois, c'était au tour de Mochi de rester sans voix.
David se leva lentement, encore sous le choc de ce qui venait de se passer. 
Il tendit une main tremblante et dit: "Bienvenue à la maison, Mochi ! Et maintenant, que dirais-tu de te choisir un nouveau nom ?

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