Le cornet de pois chiches grillés, par Albert Simeoni

Le cornet de pois chiches grillés, par Albert Simeoni

Ce n’était pas grand-chose dans mon jeune age mais voilà que souvent sur le retour du chemin de l’école, je m’arrêtais devant le HAMAS,( marchand de pois chiches grillés) qui gérait sa petite industrie artisanale avec bcp de passion. Situé sur la grande avenue BOURGUIBA, face à la librairie LA FENÊTRE.

J’étais son jeune et fidèle client, pour 5 millimes, j’avais un petit cornet de pois chiches grillés, bien brunis enveloppés dans une FERTOUNA ( cornet), un bout de papier journal qui a fini d’être d’actualité. Je le voyais souvent à la manœuvre, tourner sa denrée, avec une sorte d’instrument rond, sans discontinuer. Il avait un grand bac, dans lequel ses pois chiches crus, cuisaient lentement, sous un feu doux.

Bien adroitement, il refermait les deux extrémités et me le servait en me disant ‘...Mezelou skrhren, kherjou me tbaq) ’ ( ils sont est encore chauds, tout droit sortis du bac, TENJRAA.).

J’avais dans ma main, ce petit entonnoir rempli de grains dorés, parfois légèrement brûlés, qui chauffait ma paume, et j’attendais de faire qqs pas, pour commencer à croquer ce que j’aime encore, les pois chiches grillés.

J’avais pris l’habitude de faire durer le plaisir. J’engouffrais dans mon palais, trois ou quatre grains, et pour déguster cette petite pâte bien salivée, je la ressortais de ma bouche, pour mieux l’apprécier par petites doses, un rappel de mon enfance lorsque maman, alors que je n’avais pas encore de dents, mâchouillait la mie de pain en me disant ‘….Qoul el neiné ( mange cette nourriture) NEINE, c’était ce qu’elle me disait et je mâchais par petites portions cette mie de pain, sortie par la bouche de maman.

Je prolongeais ainsi le kif, ce kif qui donnait à mon parcours, l’envie de faire durer le plaisir. Lorsque j’arrivais à la fin du cornet, je cherchais encore si qqs grains ne s’étaient pas cachés au fond du cornet. Mais comme tout à une fin, le plaisir ne dure que le temps, d’un parcours, celui d’un jeune écolier féru de pois chiches. Plus tard, je prenais le grand cornet, à 10 millimes, je doublais ainsi mon kif d’enfant qu’un petit rien rendait heureux.

Puis un jour, l’échoppe ferma, et ma déception fut grande….Sauf qu’un autre marchand, situé sur l’avenue FRANKLIN ROOSEVELT, face au BILLARD Hassan, prit la relève, mais il n’était pas sur mon parcours d’écolier, et je devais faire un petit détour pour retrouver mes graines d’or.

L’odeur des pois chiches grillés est restée cloîtrée dans mes narines, et son goût légèrement salé dans mon palais.

Des années plus tard, j’ai repris la mâchouille des pois chiches à Paris, emballés dans des sachets en plastic, froids et qui ne rassemblent en rien à ceux que j’ai connu, aimé et apprécié.

 

Albert Simeoni

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