En Israël, les ultraorthodoxes bientôt obligés de faire leur service militaire

En Israël, les ultraorthodoxes bientôt obligés de faire leur service militaire

 

Mardi 12 septembre, la Cour suprême israélienne a voté l’annulation d’un texte qui, depuis 1949, exemptait les ultraorthodoxes du service militaire. La décision, prise à une majorité de huit contre un par les juges de la Cour, a provoqué le mécontentement de cette puissante communautéSes conséquences politiques restent encore incertaines.

En Israël, la question du service militaire provoque des dissensions. La décision prise, mardi 12 septembre, d’annuler un amendement qui en préservait jusque-là les garçons se consacrant aux études religieuses risque de relancer le débat.

Sauf exception, dans l’État hébreu, le service militaire est obligatoire pour les deux sexes. Vers 18 ans, tous rejoignent ainsi les bancs de l’armée pour une durée de 2 ans et 8 mois pour les garçons, de 2 ans pour les filles.

Une dispense est prévue « pour les jeunes filles religieuses », rappelle Tsahal sur son site Internet. Ces dernières doivent prouver devant une commission qu’elles respectent « les lois de la casherout à la maison et en dehors de chez elles», qu’elles ne voyagent pas pendant « le shabbat » et qu’elles respectent « les règles de pudeur vestimentaire telles qu’elles sont définies dans le judaïsme ». Elles peuvent alors, si elles le souhaitent, effectuer un service social dans le domaine de la santé ou de la solidarité.

Pour les garçons, c’est le père fondateur de l’État, David Ben Gourion qui, en 1949, a exempté de conscription les haredim (ou « craignant Dieu », également regroupés sous le nom d’« ultra-orthodoxes »), c’est-à-dire les hommes se consacrant à l’étude de la loi et de la religion juive.

Amendement et contre amendement

Soixante-cinq plus tard, le 12 mars 2014, le Parlement israélien, sous l’impulsion du parti centriste et laïc Yesh Atid, votait une loi prévoyant une hausse importante de la conscription des hommes ultraorthodoxes. Mais un an plus tard, une nouvelle majorité adopte un amendement qui reporte les dispositions légales et protège le statut des religieux.

Mardi 12 septembre, c’est donc cet amendement que les juges de la Cour suprême israélienne ont décidé d’invalider, précisant néanmoins que « l’annulation (de l’amendement) prendrait effet seulement un an après la date du jugement ».

Le poids des ultraorthodoxes en Israël

Aujourd’hui, les ultra-orthodoxes représentent environ 10 % de la population israélienne. Un pourcentage qui, si les projections démographiques se vérifient, pourrait atteindre les 25 % en 2050. Or cette population se caractérise à la fois par une pratique religieuse particulièrement stricte mais aussi un rejet ou une méfiance vis-à-vis du monde non-religieux.

Considérant la circonscription comme une source de tentations pour les jeunes qui, de fait, pendant leur service militaire, sortent du monde fermé de la prière et de l’étude religieuse dans laquelle ils baignent habituellement dans les yeshivot (à partir de 13 ans) ou les kollel (après leur mariage), les ultraorthodoxes voient d’un très mauvais les débats entamés en 2014.

À l’inverse, dans un pays habitué aux conflits et où l’armée occupe une place fondamentale, cette exception constitue un motif de ressentiment de plus en plus important pour le reste de la population israélienne.

Une décision condamnée par les partis ultraorthodoxes

La décision de la Cour à peine rendue publique, les premières réactions n’ont pas tardé à se faire entendre. « C’est un jugement lamentable » a condamné Menahem Eliezer Moses, du parti Judaïsme unifié de la Torah. Sur Twitter, le ministre du parti ultraorthodoxe Shass Arié Dery a qualifié la décision de la Cour de « totalement déconnectée » des traditions juives, se disant prêt à tout pour « amender la loi et permettre la poursuite de l’arrangement actuel ».

Plusieurs dirigeants politiques ont manifesté leur mécontentement, mais sans pour autant menacer de retirer leur appui au gouvernement de Benyamin Netanyahou qui, sans le soutien des ultraorthodoxes, risquerait de perdre sa courte majorité à la Knesset.

Le quotidien The Jerusalem Post a, quant à lui, souligné que dans les nombreuses occasions offertes au premier ministre israélien de trancher des crises de ce genre, au sujet par exemple de la prière mixte au Mur occidental ou du travail le jour du shabbat, ce dernier avait « toujours choisi le camp des ultraorthodoxes ».

Le délai laissé avant l’entrée en vigueur de la décision laisse donc au gouvernement, ou à sa majorité, la possibilité de changer de cap.

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